M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Depuis des mois, la Turquie mène une politique de puissance en Méditerranée orientale et multiplie les provocations, alternant démonstrations de force et interventions militaires. Après les forages gaziers dans les eaux territoriales chypriotes au mépris du droit international, il y a eu l'offensive turque contre nos alliés kurdes, qui luttent pourtant à nos côtés face à l'État islamique, puis le chantage aux flux migratoires et les incursions en Syrie, en Irak, en Libye, et j'en passe !
Voilà donc que la Turquie vient d'agresser la frégate française Courbet, qui menait une mission de surveillance de l'embargo sur les armes au large de la Libye pour le compte de l'OTAN. Ciblé à trois reprises par les radars de conduite de tir des missiles turcs, notre bâtiment – quelle humiliation ! – a dû se retirer pour éviter l'escalade de la violence. Voilà où nous en sommes arrivés ! Au sein même de l'OTAN, le secrétaire général Stoltenberg parle sans rire de « désaccord entre alliés », nos protestations ne recueillant que huit soutiens européens sur les trente membres.
Ce grave incident jette une lumière crue sur la faiblesse diplomatique et militaire d'une Europe décidément incapable de se faire respecter et qui ne sert plus qu'à financer les reconstructions de pays en guerre ou à exposer la vie de ses soldats pour jouer encore un rôle sur la scène internationale. Mais cet incident, après bien d'autres, signe aussi, hélas, la perte d'influence de la France, dans une région de la Méditerranée où elle fut autrefois si respectée et écoutée, nous en reparlerons ce soir lors du débat sur le Proche-Orient.
Monsieur le ministre, ma question est simple : après les dénonciations et les condamnations, la France et l'Europe vont-elles enfin agir avec fermeté pour s'opposer à ce nouvel impérialisme turc ? En d'autres termes, allons-nous passer de la diplomatie des déclarations à la diplomatie de l'action ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laurence Cohen et M. Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président Cambon, vous étiez présent lundi soir à l'Élysée lorsque le Président de la République recevait le président Saïed. Vous avez pu entendre ses propos à l'égard de la Turquie. Il a notamment souligné que ce pays jouait un jeu extrêmement dangereux.
Je le dis au Sénat, la France estime indispensable que l'Union européenne ouvre très vite une discussion de fond, sans tabou ni naïveté, sur les perspectives de la relation future de l'Union européenne avec Ankara. L'Union européenne doit défendre fermement ses propres intérêts, car elle en a les moyens.
À cet égard, vous avez évoqué l'affaire de la frégate Courbet. L'aspect scandaleux de cet épisode réside dans le fait que cette frégate participait à un exercice de l'OTAN, tandis que la frégate turque qui l'a interpellée couvrait une violation de l'embargo sur les armes décidé par les Nations unies. C'est un acte grave que nous avons porté à la connaissance des instances de l'OTAN.
Plus largement, il faut des clarifications sur le rôle que la Turquie entend jouer en Libye. J'estime en effet que nous assistons à une « syrianisation » de la Libye, puisque l'intervention militaire de la Turquie se fait grâce au soutien de supplétifs syriens. Il convient également de nous interroger sur la manière dont nous pourrons pousser la Turquie à aller à la négociation dite « 5+5 ». En effet, le fait que la Turquie renforce son poids en Libye conduit à ce que les Russes y renforcent le leur.
Nous devons également obtenir des explications concernant la Méditerranée orientale : le droit maritime international doit être respecté, ainsi que les territoires de nos propres alliés et des membres de l'Union européenne que sont Chypre et la Grèce.
C'est la même chose pour ce qui concerne les migrations.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Au-delà de notre compréhension s'agissant de la présence de réfugiés en Turquie, on ne peut pas accepter que ces derniers servent de moyen de pression et soient instrumentalisés par la Turquie. Ce débat doit être ouvert et je vous remercie de votre question.
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