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Pierre Charon
Question d'actualité au gouvernement N° 1391 au Ministère de la justice


Parquet national financier

Question soumise le 2 juillet 2020

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Charon. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.

La semaine dernière, un journal révélait que, pendant plusieurs années, les portables d'avocats de renom avaient été surveillés dans le cadre d'une enquête préliminaire ordonnée par le parquet national financier
(PNF).

Cette enquête, décidée pour une prétendue violation du secret professionnel, a été ordonnée alors que, quelques jours avant, le 26 février 2014, une information judiciaire avait été ouverte sur des faits connexes. Malgré l'absence de preuves, le parquet national financier l'a relancée en octobre 2016, sans succès non plus. En décembre 2019, un classement sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée » est même prononcé.

Les conditions de cette enquête sont troublantes. Elle n'a pas été jointe au reste de la procédure pendant longtemps et ses résultats ont été cachés à la défense. Le PNF a agi comme une juridiction d'exception, qui nous rappelle les pires errements d'une justice livrée à elle-même.

L'autorité judiciaire ne saurait être hors contrôle ! Veiller à l'intégrité des comptes publics ou privés est une chose ; régler des comptes avec les hommes politiques en est une autre ! « La cour rend des arrêts, et non pas des services », disait un grand magistrat du XIXe siècle.

Cette imbrication malsaine du parquet national financier dans le jeu politique nous a même valu, voilà trois ans, une élection présidentielle insolite, où le favori n'a même pas été qualifié pour le second tour.

À la suite de propos tenus par l'ancienne procureure du PNF, le Président de la République a saisi le Conseil supérieur de la magistrature et vous, madame la garde des sceaux, avez demandé timidement un rapport circonstancié sur la nature précise de l'enquête qui a été menée. Il était temps de saisir l'inspection générale de la justice, car c'est l'existence même du PNF qui pose problème.

Madame la garde des sceaux, qu'entendez-vous faire face à cette crise de confiance envers la justice, pour que, après le « mur des cons », ne s'érige pas le « mur de la honte » ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Alain Cazabonne et Franck Menonville applaudissent également.)

Réponse émise le 2 juillet 2020

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Charon, je comprends l'émotion qu'ont suscitée les propos de Mme Éliane Houlette, lors de son audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

Comme vous l'avez rappelé, le Président de la République, qui est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, a sollicité un avis du Conseil supérieur de la magistrature.

Pour ma part, j'ai partagé l'émoi et les interrogations suscitées par les révélations de l'hebdomadaire Le Point. C'est pourquoi j'ai demandé – et sans timidité aucune – un rapport à Mme la procureure générale de Paris, qui me l'a rendu hier soir.

À la lecture de ce rapport, j'ai immédiatement décidé de saisir l'inspection générale de la justice, afin que celle-ci puisse déterminer l'étendue et la proportionnalité des actes d'investigation, ainsi que le cadre procédural de l'enquête ayant été effectuée.

Pour autant, je crois important de ne pas faire d'amalgame, monsieur le sénateur, et je voudrais à cet égard rappeler trois points.

Premier point, si des dysfonctionnements sont révélés par l'inspection générale de la justice, il faudra les reconnaître, mais le parquet national financier est une institution garante de la souveraineté judiciaire de notre pays. Dans des dossiers tels que celui de HSBC ou de Google, il a vraiment montré son expertise et sa compétence, qui lui valent une reconnaissance internationale.

Deuxième point, dans aucune affaire, le Gouvernement n'a donné d'instruction individuelle à aucun magistrat. C'est important à redire, car c'est le gage de la confiance que les Français doivent avoir dans la justice. Nous donnons des instructions générales parce que la structuration hiérarchique du parquet à la française nous l'autorise, mais nous ne donnons pas d'instructions individuelles.

Troisième point, des réponses adaptées à ces situations seront apportées. Il est effectivement essentiel de ne pas laisser le doute s'installer. Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai confiance dans la justice française ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

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