Mme Annie Delmont-Koropoulis. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, à l'occasion de la traditionnelle interview du 14 juillet, le Président de la République a affirmé, avec assurance : « Nous avons réussi à endiguer le virus et à retrouver presque une vie normale ».
En tant que médecin ayant exercé pendant la crise et en tant que parlementaire informée des remontées du terrain, j'ai l'impression que nous ne vivons pas la même réalité.
Depuis plusieurs semaines déjà, les indicateurs nous alertent : le virus est toujours là et, dans certains départements, il progresse de nouveau, et de façon très inquiétante.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas sortis d'affaire, loin de là, et le chemin vers la vie presque normale risque d'être beaucoup plus long qu'annoncé au vu des mesures que vous prenez trop tardivement, ou que vous ne prenez pas.
Partout ailleurs, en Europe, au Canada, le port du masque dans les lieux publics a déjà été rendu obligatoire, et ce sans incompréhensible période préalable de quinze jours.
Notre président de groupe, Bruno Retailleau, a demandé ce matin l'application immédiate de cette mesure, et vous avez finalement entendu raison, mais quelle perte de temps !
Par ailleurs, des dépistages systématiques et massifs doivent être organisés régulièrement, car c'est bien là le moyen le plus efficace pour briser les chaînes de contamination.
Nous avons le sentiment que vous n'avez rien appris : nous sommes dans la même situation qu'au mois de février, avec un virus qui reprend sa progression.
Monsieur le ministre, face à l'urgence, le Gouvernement doit entendre l'inquiétude des professionnels de santé et adopter une stratégie offensive ; cette épidémie ne sera éradiquée que par des mesures drastiques.
Ma question est donc la suivante : qu'attendez-vous pour cesser d'être spectateur ? Il faut agir ; nous perdons du temps.
(Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Merci, madame la sénatrice, pour cette question qui, comme on le dit en médecine – vous et moi sommes médecins –, a été posée avec tact et mesure.
Laissez-moi vous féliciter sincèrement d'avoir repris la blouse pendant la période épidémique. Je pense que les Français vous en savent gré.
Nous pouvons nous entendre, madame la sénatrice, sur plusieurs constats. S'agissant d'abord du port du masque, qui sera rendu obligatoire dans les milieux fermés, vous soulevez la question du 1er août. Vous le savez, nous faisons confiance à l'esprit de responsabilité des Français. Nous expliquons ; nous accompagnons. Décréter une obligation du jour au lendemain nous semble un peu brutal, d'autant qu'il y a également un travail à faire avec les entreprises ou avec les milieux culturel et sportif pour que chacun puisse préparer cette obligation du port du masque.
Néanmoins, madame la sénatrice, vous avez été entendue avant même d'avoir posé votre question, puisque le Premier ministre s'est engagé ce matin à ce que l'obligation soit entérinée dès la semaine prochaine. Je peux même vous dire que, en l'état actuel de la réflexion, nous nous dirigeons vraisemblablement vers une obligation à compter de lundi ou mardi, en tout cas du tout début de la semaine prochaine. Et, sans attendre, j'appelle les Français à porter un masque lorsqu'ils sont en milieu fermé et que de surcroît ils sont un certain nombre à être rassemblés, comme c'est le cas par exemple, madame la sénatrice, dans cet hémicycle sénatorial.
Vous considérez que nous sommes inactifs. Je pourrais vous faire constater qu'un certain nombre de pays ont été conduits à un reconfinement territorial parfois généralisé, y compris des pays dont j'ai souvent entendu parler dans cet hémicycle, pendant la période épidémique, comme étant des modèles. Si cela n'a pas été le cas en France, c'est pour une simple raison, madame la sénatrice : pendant douze semaines, les indicateurs se sont améliorés continuellement.
En revanche, vous avez raison de souligner que certains indicateurs doivent nous alerter et nous inquiéter – je l'ai dit tout à l'heure à l'Assemblée nationale –, dans certains hôpitaux parisiens ou en Mayenne, notamment. C'est pourquoi nous démultiplions les capacités de tests et de contact tracing.
J'ai débattu ici des heures durant pour expliquer pourquoi il était fondamental de ne pas désarmer juridiquement l'exécutif, le Gouvernement, dans sa capacité à agir et à prendre les bonnes décisions au bon moment alors que nous sortions de l'état d'urgence sanitaire. Je vous propose, madame la sénatrice, de relire les comptes rendus des débats : vous y verrez que je n'étais certainement pas celui qui prônait le moins d'action, au contraire.
(Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Oui, mettre en place de telles mesures nécessite du temps ; mais vous auriez dû les prendre avant, et ne pas vous y résoudre au dernier moment.
Soyez vigilant, monsieur le ministre : demain, lorsque la population sacrifiée et les familles vous demanderont des comptes, vous ne pourrez plus dire : « nous ne savions pas ».
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