M. Pierre Cuypers. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Au mois d'août 2016, le Gouvernement œuvrait pour l'interdiction, à compter du 1er septembre 2018, de certains produits sanitaires, fongicides et insecticides, dont, d'ailleurs, la non-dangerosité sur l'homme a été prouvée.
Le Président de la République avait déclaré à l'époque qu'il n'y aurait pas d'arrêt sans produits de substitution sous trois ans. Or il est aujourd'hui prouvé que les produits proposés par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'Anses, sont totalement inefficaces et contre-productifs – vous avez pu le vérifier mardi dernier, monsieur le ministre, et je vous remercie de l'avoir fait.
Que fait le Gouvernement ? Il est en train de ruiner les cultures françaises, en particulier celle de la betterave, qui se trouve atteinte par une invasion de pucerons lui transmettant la jaunisse virale, avec des pertes colossales à la clé – de 30 % à 70 % de rendement en moins.
Tout un pan, dynamique, de notre économie agricole est atteint cette année. C'est inadmissible, alors que vous étiez prévenu, depuis des mois, de l'inefficacité des produits et des risques encourus, en termes de conséquences économiques et sociales ou de fermetures d'usines.
Si les bonnes dispositions ne sont pas prises d'ici à quinze jours, il n'y aura plus d'alcool – plus de gel hydroalcoolique –, plus de sucre, plus d'alimentation pour le bétail ! Les Français consommeront alors des produits importés et fabriqués avec les substances en l'espèce interdites. Est-ce ainsi que l'on dynamise une filière qui fonctionne ? Voulez-vous l'anéantir ? Quelle est votre solution ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Vous le savez, monsieur le sénateur Cuypers, je partage votre inquiétude face à cette jaunisse de la betterave qui, au moment où je vous parle, entraîne des baisses de rendement dans les champs allant parfois jusqu'à 30 % ou 40 %. La faute en incombe à un puceron vert, infectant du syndrome de la jaunisse les betteraves, lesquelles, par manque de photosynthèse, ne peuvent plus former leur racine tubérisée remplie de sucre.
Cette inquiétude est d'autant plus forte que, en effet, les champs de betteraves et les betteraviers ne sont pas les seuls touchés. C'est l'ensemble de la filière qui est affecté : quand, dans un territoire donné, des chutes de rendement sont enregistrées dans les champs de betteraves, la sucrerie d'à côté est forcément mise en difficulté.
Soyez donc certain – mais vous le savez – que je partage pleinement vos inquiétudes.
Là où je ne vous rejoins pas, en revanche, c'est sur l'action du Gouvernement.
Le Gouvernement n'est pas en train de mettre à mal la filière ; il cherche à trouver une solution. Il applique une loi datant de 2016.
Le 14 juillet, par le biais de ma personne, le Gouvernement a tenu à rendre hommage à toutes les actrices et tous les acteurs du monde agricole pour ce qu'ils ont fait pendant l'épidémie de covid-19. Ce jour-là, je me suis rendu en Seine-et-Marne, sur un champ de betteraves, pour discuter avec les représentants de la filière. Le 15 juillet, c'est-à-dire hier, une réunion a été organisée à mon ministère avec l'ensemble de ces professionnels.
Ma détermination à trouver une solution est donc aussi forte que mon inquiétude. Elle est totale !
Faut-il prévoir des dérogations à la loi ? Le point a été évoqué, mais c'est très compliqué.
Faut-il rechercher des alternatives ? Effectivement, on sait depuis quatre ans qu'il y a une difficulté et l'alternative n'a toujours pas été trouvée. Des produits phytosanitaires sont appliqués ici ou là, mais le mouvement doit être accéléré : il faut investir pour pouvoir trouver cette alternative.
Se pose, enfin, la question de la compensation.
Mais je ne vous apprends rien, monsieur le sénateur, en évoquant ces trois aspects. Je prends en tout cas un engagement devant vous : celui de tout faire pour trouver la solution. Cet engagement, je le prends sans démagogie aucune et m'engage à y travailler avec beaucoup d'énergie.
(Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.
M. Pierre Cuypers. Le temps nous presse, monsieur le ministre.
Le Président de la République, lors de son allocution, a de nouveau affirmé qu'il fallait réapprendre à produire ce dont on a besoin. Vous-même, monsieur le Premier ministre, vous affirmiez hier que nous sommes trop dépendants de nos partenaires extérieurs.
Je prends acte de vos propos et, en même temps, de vos contradictions.
Aussi, je le dis avec force, j'accuse le Gouvernement de la destruction de la filière betterave. J'accuse le Gouvernement de la destruction de la filière alcool et de la fragilisation de notre production d'énergie et d'aliments pour le bétail. Une attitude semblable est incompréhensible pour notre société et pour le monde agricole, déjà au bord du gouffre. Faites vite, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.