M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.
(Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à vous, monsieur le Premier ministre.
À l'heure où le Président de la République s'apprête vraisemblablement à durcir les mesures sanitaires pour faire face à la deuxième vague de la covid-19, je voudrais surtout vous parler de leur impact social.
C'est un véritable drame que vivent des centaines de milliers de familles françaises : 715 000 emplois ont été détruits au premier semestre, et, d'ici à la fin de l'année, nous serons vraisemblablement non loin du million.
L'approche que nous avons eue de la pandémie fera sombrer de très nombreux ménages déjà précaires dans l'extrême pauvreté et les classes moyennes dans la précarité.
Le pays est inquiet, vous le savez. Votre tâche n'est pas facile, mais c'est vous qui êtes aux responsabilités. C'est bien pourquoi il ne faut pas seulement recalibrer le volet sanitaire ; nous vous invitons aussi à recalibrer le soutien à l'économie.
La deuxième vague de la pandémie impose d'accélérer en parallèle le plan de relance. Dès le mois de juillet dernier, le Sénat vous avait alerté sur la nécessité d'agir tout de suite, comme l'ont fait nos voisins allemands et anglais, mais le plan de relance n'a cessé d'être différé.
Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative 2, il avait été annoncé que ces mesures seraient mises en œuvre dès le PLFR 3. À l'occasion de ce PLFR 3, il nous a été annoncé qu'elles le seraient dans un PLFR 4. Or ce PLFR 4 n'est jamais arrivé.
Le plan de relance est finalement porté par le budget pour 2021, donc concrètement différé au début de l'année prochaine. Cela va nous conduire à dégainer avec plusieurs mois de retard… Nos concitoyens ne peuvent pas attendre : de nombreux commerces, de nombreux artisans, des TPE, des PME ne tiendront pas encore trois mois. Des secteurs entiers se trouvent dans une extrême difficulté.
Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, allez-vous accélérer la mise en œuvre du plan de relance, et si oui, comment ?
(Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez tout d'abord d'adresser, au nom du Gouvernement, mes plus sincères félicitations aux nouvelles sénatrices et aux nouveaux sénateurs qui ont rejoint, à la faveur du dernier scrutin, le Palais du Luxembourg.
Je voudrais également, monsieur le président, vous adresser mes félicitations personnelles pour votre brillante réélection à la tête de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)
Monsieur le président Hervé Marseille, vous l'avez dit, la situation de notre pays est extrêmement difficile. La France, tout comme, vous le voyez bien, l'Europe entière, est confrontée à une deuxième vague de l'épidémie, désormais bien installée et forte.
Vous l'avez également souligné, elle va conduire le Gouvernement, dans la continuité des dispositions qu'il a prises, à adopter des mesures complémentaires pour faire face à cette situation. Vous avez raison, le Président de la République aura l'occasion d'y revenir dès ce soir.
Évidemment, je partage tout à fait votre point de vue selon lequel cette crise sanitaire et sa reprise ont des effets délétères, tant sur l'économie que sur la situation sociale de notre pays.
Vous m'interrogez sur les mesures que le Gouvernement a prises et va prendre sur ce registre.
Je me permets tout d'abord de vous indiquer ou de vous rappeler – la Haute Assemblée le sait bien, car nous avons déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet au mois de juillet dernier, et un récent rapport vient de le confirmer – que la France a été l'un des tout premiers pays européens à engager des moyens – 470 milliards d'euros, très précisément – dès le début de la crise, pour faire face à ses conséquences économiques et sociales.
Ces sommes tout à fait considérables, qui n'ont d'ailleurs pas encore été toutes complètement dépensées, sont évidemment très utiles dans la période actuelle, et elles continueront à l'être.
Je me permets d'indiquer à la Haute Assemblée que les secteurs les plus touchés, en particulier – pour faire le lien direct avec les mesures à caractère sanitaire – tous les secteurs professionnels qui sont concernés par la mise en œuvre des mesures administratives qu'appelle la présente situation, font l'objet de mesures extrêmement précises relevant de la solidarité nationale, solidarité qui leur est due, car ils ne sont pour rien dans cette situation.
Ainsi, nous avons décidé non seulement, leur ai-je précisé, de reporter au moins jusqu'à la fin de la présente année civile les dates d'échéance des mesures mises en œuvre dans le cadre du fonds de solidarité – temps partiel, exonérations de charges –, mais encore, je le précise devant le Sénat, de renforcer le contenu et la portée de ces mesures. Et cela ne se limite pas au fonds de solidarité.
À cet égard, j'indique au Sénat que les ministres et moi-même ne cessons de discuter avec les représentants des secteurs professionnels concernés de la nature de ces mesures. Pour être très précis, il reste encore à traiter des sujets relatifs aux loyers et aux assurances, sur lesquels des progrès sont nécessaires.
S'agissant du reste de l'activité économique, je précise à la Haute Assemblée – c'est un élément essentiel de notre stratégie – que nous prenons et allons continuer à prendre les mesures de protection sanitaire que la situation exige. Mais notre objectif est, d'une part, que l'activité économique du pays se poursuive autant que possible – plus de 90 % des entreprises françaises fonctionnent à peu près normalement, monsieur le président, ce qui est heureux –, et, d'autre part, que les activités scolaires et éducatives au sens large se poursuivent, elles aussi, normalement. À l'exception de quelques clusters, c'est encore très largement le cas aujourd'hui.
Néanmoins, vous l'avez rappelé, la crise sanitaire a aussi un impact sur le reste de l'économie. Vous avez à juste titre souligné, d'une part, la montée des chiffres du chômage, et, d'autre part, les situations de pauvreté que cela génère, parce que, classiquement, dans une crise, ce sont toujours les plus vulnérables qui sont les premiers concernés.
Au-delà des mesures que j'ai indiquées et qui ont été prises dans le cadre des PLFR successifs que le Sénat a examinés, le plan de relance est en partie destiné à faire face à cette situation. À cet égard, je précise qu'il y aura bien un PLFR 4 !
Je veux insister sur un point : parmi les victimes de la crise actuelle, il y a les jeunes. J'indique à la Haute Assemblée que le volet « jeunes » du plan de relance – 6 milliards d'euros – est déjà entré en vigueur. En août et en septembre, les chiffres de l'apprentissage et de l'alternance, notamment, ont été très positifs : après un effondrement au premier semestre, ils ont augmenté de plus 9 % en août 2020 par rapport à août 2019. Les dispositifs spécifiques en direction des jeunes fonctionnent donc.
M. François Patriat. Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. S'agissant des plus démunis, et sans vouloir être trop long, je confirme que la situation est effectivement préoccupante. J'ai reçu personnellement l'ensemble des associations concernées et je leur ai dit que, samedi prochain, à l'occasion de la journée internationale de lutte contre la misère, après la concertation, j'annoncerai un certain nombre de mesures que les circonstances actuelles exigent.
(Murmures sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, croyez bien que, particulièrement dans les difficultés actuelles traversées par notre pays, qui exigent plus que jamais rassemblement et sens des responsabilités, le Gouvernement tout entier, derrière le Président de la République, est mobilisé et déterminé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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