M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Pour faire face à une crise économique, sociale et climatique d'une ampleur sans précédent, l'Union européenne a adopté un plan de relance historique de 750 milliards d'euros. Malheureusement, en contrepartie, le cadre budgétaire 2021-2027 est revu à la baisse. Déshabiller Paul pour habiller Jacques n'a jamais fait une politique ambitieuse !
Pour financer la relance européenne, il faut, au contraire, renforcer les ressources propres de l'Union. Dans sa résolution du 16 septembre dernier, sur l'initiative, notamment, des écologistes, le Parlement européen a proposé des solutions clés en main : une taxe plastique, une taxe carbone aux frontières, une indispensable taxe sur les Gafam – pour Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft – et, surtout, une taxe sur les transactions financières, ou TTF, digne de ce nom, à même de rapporter plus de 50 milliards d'euros par an.
Faire contribuer à l'effort les pollueurs, les multinationales qui se soustraient à l'impôt et la finance débridée, quoi de plus juste ? On se demande vraiment pourquoi rien ne bouge depuis des décennies.
Il faut dire que la France, qui a longtemps porté la TTF, n'a jamais été au rendez-vous de son histoire. En 2014, c'est Pierre Moscovici qui torpillait le projet proposé par une Commission de droite, pour défendre le seul intérêt des grandes banques françaises.
L'actuel président de la République n'a pas fait mieux. Il a d'abord refusé l'élargissement de la TTF française, avant de plaider pour une TTF européenne a minima, en prenant modèle sur celle du Royaume-Uni – un simple impôt boursier. Depuis lors, rien ou presque, si ce n'est ce projet d'une microtaxe de 0,2 % sur le prix d'achat des actions, qui rapporte seulement 3,5 milliards d'euros par an, soit dix fois moins que le projet de 2013.
Monsieur le Premier ministre, lors du Conseil de demain, le Président de la République va-t-il tout faire pour obtenir des ressources propres ambitieuses, dont la TTF, ou va-t-il se contenter de mots, au détriment de l'intérêt général européen ?
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous surprendrais si je vous disais que j'étais d'accord avec vos observations et votre question… Quoique ! En effet, au sein de l'Union européenne, la France, par la voix du Président de la République et du ministre ici présent, plaide inlassablement, j'y insiste, pour une taxe sur les transactions financières décidée au niveau européen, et elle va continuer à le faire.
Ai-je besoin de rappeler au Sénat qu'il en existe déjà une à l'échelon national depuis 2012, mais que, comme chacun le comprendra, compte tenu de l'objet même de ce prélèvement, c'est le niveau européen qui est le plus approprié.
En matière fiscale, toutefois, vous le savez tous également, c'est l'unanimité entre les États membres qui prévaut s'agissant du processus décisionnel. Cette donnée n'a pas découragé la France, qui a été, je vous le rappelle, à l'initiative de la relance des négociations sur la taxe sur les transactions financières européennes, lesquelles négociations avaient effectivement été interrompues sous le précédent quinquennat.
Le Président de la République en a rappelé les principes dans son discours sur l'Europe prononcé le 26 septembre 2017 à la Sorbonne, et, depuis lors, des négociations en ce sens se déroulent au sein de l'Union européenne sur l'initiative de la République française. Elles sont difficiles, pour les raisons que vous avez indiquées, mais la France ne baisse pas la garde et la volonté du Président de la République est toujours pleine et entière.
Il en ira de même sur un autre sujet que vous avez évoqué et qui figure dans les objectifs de transition écologique, portés, notamment, par le plan de relance : la taxation du carbone aux frontières extérieures de l'Europe. Sur ce point également, je vous rappelle que les propositions de la France sont parmi les plus audacieuses.
Enfin, je termine par où vous avez commencé, monsieur le sénateur, en appelant une nouvelle fois l'attention du Sénat sur le fait que, à la différence de la crise de 2008-2010, que j'ai bien connue, l'Europe s'est fortement mobilisée – Dieu sait combien c'est compliqué, on le voit encore aujourd'hui ! –, avec un plan de relance européen et une contribution aux plans de relance nationaux à hauteur de 40 %, ce qui est considérable.
Vous connaissez les difficultés rencontrées parce que l'Europe est une union d'États et que l'on ne peut pas décider unilatéralement. Il faut donc encore plus de force de conviction et de volonté, comme en ont eu le Président de la République et la Chancelière allemande pour aboutir à l'accord historique de cet été.
J'en conviens bien volontiers, il y a encore beaucoup de travail à faire en la matière, mais, là encore, ne doutez ni de notre détermination ni de la volonté de la France à porter dans le concert européen ce qui relève finalement de l'intérêt de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, nous resterons attentifs. Nous espérons que, pour une fois, vos actes rencontreront vos discours ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
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