M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Harribey. Oui, la situation sanitaire est grave. Oui, des dispositions contraignantes devaient être prises, comme dans tous les pays européens. Oui, il faut freiner la circulation du virus pour permettre aux soignants de tenir. Oui, nous devons faire preuve de responsabilité, comme nous l'avons fait en votant la déclaration du Gouvernement.
Toutefois, encore faut-il que les décisions soient logiques et équitables ! Comment justifier la fermeture des petits commerces, qui appliquent les protocoles sanitaires, au prétexte qu'ils ne seraient pas « essentiels » ? Comment justifier qu'acheter un fer à repasser dans une grande enseigne soit plus « essentiel » qu'acheter un livre en librairie ? Comment justifier que monter dans un bus pour aller travailler soit plus sûr que faire une balade en forêt à plus d'un kilomètre de chez soi ?
Aussi, ma question est simple : où est la logique ? Quelle en est l'efficacité ?
(Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. (Vives exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le Premier ministre est pourtant là !
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord excuser Bruno Le Maire et Alain Griset, qui mènent actuellement une réunion avec l'ensemble des organisations syndicales et des fédérations de commerçants, en cette période difficile.
Vous évoquez, madame la sénatrice, la situation sanitaire. Et, à juste titre, vous cherchez à déceler la logique des prises de décisions du Gouvernement.
En ce qui concerne la situation sanitaire,…
Mme Laurence Harribey. Ce n'est pas ma question !
M. Cédric O, secrétaire d'État. … je rappelle que nous devons faire en sorte de réduire le taux de reproduction du virus, le fameux « R0 », de 1,6 à 0,8. Il faut donc diviser par deux les interactions sociales des Français.
Mme Laurence Rossignol. Ce n'est pas la question !
M. Cédric O, secrétaire d'État. C'est pourquoi nous avons dû prendre des décisions extrêmement difficiles pour réduire ces interactions sociales par le confinement. Nous avons pris également la décision difficile de garder les écoles ouvertes…
M. David Assouline. On veut savoir la logique de tout cela !
M. Cédric O, secrétaire d'État. … et de laisser le travail possible, dès lors qu'il ne pouvait y avoir de télétravail. En effet, la solution inverse aurait été pire que le mal.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Où est la logique ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. Si nous avions accédé à la demande que vous formulez aujourd'hui, madame la sénatrice, et laissé l'ensemble des commerces ouverts, le confinement serait alors revenu exactement à fermer les seuls bars et restaurants.
C'est avec une extrême difficulté, mais aussi un grand sens de la responsabilité, que nous avons pris cette décision consistant à limiter les déplacements des Français, qui voient et côtoient d'autres personnes dans les commerces. Rouvrir ces derniers signifierait mécaniquement que le confinement équivaudrait à fermer uniquement les bars et les restaurants.
(M. François Patriat applaudit.)
M. David Assouline. Allez voir dans le métro s'il y a un confinement !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez l'art de déformer les propos. Et le fait que ce soit vous qui répondiez est tout à fait significatif de votre respect du Parlement.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains.)
L'important n'est pas de comprendre les frustrations des uns et des autres ; c'est que les décisions soient acceptées. Or, pour qu'elles soient acceptables, il faut qu'elles soient compréhensibles.
Et si cette acceptabilité passait par un changement de méthode ? Voici quelques propositions : changer la logique en privilégiant les protocoles sanitaires, plutôt qu'en raisonnant par « produits essentiels » ou par type de commerce ; faire contribuer ceux qui tirent parti de la crise, comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), à un fonds de soutien au commerce de proximité ; faire confiance aux élus locaux, car les innovations viennent des territoires.
(Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Très bien !
Mme Laurence Harribey. Enfin, parce qu'il est impossible d'aller d'état d'urgence en état d'urgence sans concertation, modifiez la gouvernance de cette crise en vous appuyant sur le Parlement, plutôt qu'en lui donnant la leçon, comme hier soir, à l'Assemblée nationale.
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et Les Républicains.)
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Laurence Harribey. Pour que la responsabilité soit partagée, encore faut-il que la décision le soit aussi. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
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