M. Pierre Cuypers. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La laïcité à la française, à laquelle nous sommes tous attachés, a deux versants. Pour le premier, la religion n'a pas à s'immiscer dans les affaires de l'État, conformément à la séparation du spirituel et du temporel ; la loi de 1905 est la loi de séparation des Églises et de l'État. L'autre versant de la laïcité est l'obligation faite à l'État de respecter toutes les croyances et de ne pas intervenir dans les convictions de chacun : l'État doit assurer la liberté de culte, qui a rang, dans notre pays, de liberté fondamentale.
Votre décision de limiter ce qui est essentiel à la fréquentation des grandes surfaces a restreint cette liberté fondamentale : le Conseil d'État, au travers d'une jurisprudence constante, qui s'attache à examiner la proportionnalité de la mesure, a confirmé votre décision ; voilà qui est surprenant ! En quoi est-il plus dangereux de prendre les transports en commun que de se rendre dans un lieu de culte, où les règles de distanciation sociale peuvent être parfaitement respectées ?
Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi la technique pour oublier la peur, quitte à priver les croyants de l'indispensable recueillement qu'imposent les traumatismes de la pandémie. Faire autrement n'est qu'une question de volonté, et je sais que vous pouvez le faire. Le Conseil d'État vous a demandé de préciser les conditions dans lesquelles les fidèles ont la possibilité de se rendre individuellement dans un lieu de culte. Peuvent-ils s'y rendre lorsque celui-ci est distant de plus d'un kilomètre ?
Le Conseil d'État vous a également enjoint de réexaminer votre décision à la mi-novembre – nous y sommes – en lien avec les représentants des cultes. Expliquez-vous sur les mesures de concertation et d'assouplissement que vous comptez prendre !
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Cuypers, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de mon collègue Gérald Darmanin, qui se trouve en déplacement officiel en Russie. Monsieur le sénateur – je vous le dis d'emblée, très directement et clairement –, nous sommes très sensibles à la situation des croyants dans notre pays, particulièrement dans cette période de crise, si difficile et éprouvante pour l'ensemble du pays, et qui conduit nécessairement les croyants à vouloir se retrouver, à vouloir se recueillir, à vouloir prier peut-être plus encore. Comment ne pas avoir une pensée pour nos compatriotes catholiques, après l'attentat de Nice ?
La situation sanitaire nous a conduits à prendre une décision difficile, celle du confinement, pour limiter les risques de contamination, avec une fermeture des établissements recevant du public, pour des raisons sanitaires, pour protéger tous les Français.
Pour autant, parce que nous sommes attachés au respect des libertés, notamment au respect de la liberté de culte, nous avons décidé de maintenir les lieux de culte ouverts et de permettre que les cérémonies religieuses y soient célébrées, pour être diffusées à distance. J'ai bien conscience que cette situation est très imparfaite et qu'elle ne permet pas à tous d'accéder à ces cérémonies. Nous avons souhaité aussi autoriser les cérémonies d'enterrement dans la limite de trente personnes, évolution notable par rapport au premier confinement, afin que chacun puisse vivre dignement son deuil.
Cette situation reste imparfaite, nous le savons. Le Conseil d'État l'a confirmé. Nous savons que les restrictions sont dures, et croyez bien que notre souhait est qu'elles puissent être levées dès que possible. C'est la raison pour laquelle je peux vous annoncer qu'une réunion se tiendra au ministère de l'intérieur, dès le début de la semaine prochaine, probablement dès lundi prochain, en présence des représentants des cultes. L'objectif de cette réunion sera non seulement d'aborder les précisions que vous avez évoquées, et qui sont demandées par le Conseil d'État, mais également de dessiner ensemble, dès maintenant, les conditions dans lesquelles les lieux de culte pourront à nouveau recevoir du public, dès lors qu'un assouplissement sera possible. Nous devons mener ce travail dès maintenant, car, dès que cela sera possible, nous avons le souhait de pouvoir permettre aux croyants de rejoindre ces lieux de culte. Nous sommes extrêmement mobilisés, et nous allons construire ces solutions avec les représentants des cultes.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.
M. Pierre Cuypers. Dois-je vous rappeler que sous prétexte d'irrégularités constatées par vidéo sur le respect des consignes sanitaires dans deux diocèses, à savoir Bayonne et la Martinique, le Conseil d'État englobe dans sa décision tous les autres lieux de culte ? Jusqu'à ce jour, il n'y a pas eu de cluster déclaré en ces lieux. Aucun !
(Murmures sur les travées du groupe SER.)
Nos concitoyens ont perdu la confiance. C'est dommage, c'est triste ! Ce n'est pas à l'honneur de la République ! Alors ne leur imposez pas de perdre leur espérance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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