Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Voilà une semaine, deux individus placés en détention provisoire pour leur participation présumée à l'attentat de Nice de 2016 ont, contre toute attente, été libérés pour vice de procédure, en l'absence d'une nouvelle ordonnance de maintien en détention provisoire.
Surpris par cette décision, l'un d'entre eux aurait même demandé que sa détention puisse être prolongée d'une nuit supplémentaire, afin de préparer sa sortie…
(Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Comme à l'hôtel !
Mme Dominique Estrosi Sassone. C'est grave !
M. Stéphane Le Rudulier. Fort heureusement, ces deux Albanais, parce qu'ils étaient en situation irrégulière, ont été interpellés les jours suivants par nos services de police et assignés à résidence.
Cette séquence surréaliste n'est malheureusement pas un fait isolé, et les autres cas ne sont pas circonscrits aux affaires de terrorisme. En 2019, a été libéré un homme suspecté de crimes contre l'humanité. La même année, a été libéré un jeune homme accusé d'avoir porté des coups mortels à sa mère. Plus récemment, a été libéré, à Marseille, un membre présumé du narcobanditisme.
Toutes ces remises en liberté contraintes sont liées à de malencontreuses erreurs de procédure.
Dans une démocratie comme la nôtre, la justice est indépendante, ce qui confère aux magistrats de nombreux pouvoirs. Le corollaire indispensable est qu'ils doivent avoir un régime de responsabilité renforcée. C'est la seule réponse à la défiance dont souffre aujourd'hui la magistrature, discréditée par ces négligences, certes minoritaires, mais insuffisamment sanctionnées.
Ma question est la suivante : quelles dispositions le garde des sceaux compte-t-il prendre pour faire cesser ces errements administratifs, qui ont conduit à la libération de deux individus soupçonnés de complicité dans l'attentat de Nice de 2016 ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Le Rudulier, à titre liminaire, je tiens à vous adresser les vœux sincères et chaleureux du Gouvernement, puisque, en ce 9 décembre, nous célébrons non seulement l'anniversaire de la loi de 1905, mais aussi le vôtre.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le sujet que vous abordez est grave. Je tiens à excuser l'absence de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui, retenu à l'Assemblée nationale, m'a demandé de vous répondre.
Vous avez évoqué le grave dysfonctionnement qui a été mis au jour. Celui-ci a conduit à la libération de deux personnes suspectées d'être en lien avec l'attentat terroriste. J'ai évidemment, en cet instant, une pensée pour les victimes, pour leurs proches et pour tous les Niçois, qui ont été endeuillés une nouvelle fois cette année.
Premièrement, je veux vous annoncer que le garde des sceaux a immédiatement diligenté une enquête auprès de l'inspection générale de la justice pour faire toute la lumière sur cette affaire. Je vous le dis de manière extrêmement claire : s'il est établi que des fautes ont été commises, nous tirerons évidemment toutes les conséquences de chacune d'entre elles.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Il faut des sanctions !
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. C'est ce que je voulais dire, monsieur le sénateur !
Deuxièmement, le garde des sceaux a demandé que cette enquête permette également de faire des propositions pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise pas. Il est très important que nous puissions répondre aux difficultés administratives qui peuvent exister et que vous avez évoquées.
Troisièmement, nous avons engagé une augmentation budgétaire majeure, historique, pour notre justice. Le « corollaire » de cette hausse, pour reprendre le terme que vous avez utilisé, sera évidemment une plus grande efficacité du système judicaire, de telle manière que cette situation ne puisse se reproduire.
Enfin, comme vous l'avez rappelé, immédiatement après ce dysfonctionnement, les deux personnes concernées ont été placées sous la surveillance du ministère de l'intérieur, en lien avec le ministère de la justice. Elles sont aujourd'hui assignées à domicile et sous contrôle judiciaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Vous ne nous rassurez pas !
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.