M. le président. La parole est à M. Alain Cadec, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
La date fatidique du 31 décembre 2020, qui marque la fin de la période de transition avant la mise en œuvre du Brexit, approche. Londres va rompre ses dernières amarres avec l'Union européenne.
En 2013, à des fins de politique intérieure, David Cameron, le Premier ministre britannique de l'époque, prenait le risque de proposer un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Proposer un référendum est toujours risqué… (Sourires.) Depuis, Theresa May et Boris Johnson sont entrés dans une surenchère qui nous amène aujourd'hui à un divorce douloureux.
Dès juin 2016, alors président de la commission de la pêche du Parlement européen, j'ai alerté la Commission européenne et les autorités françaises quant au risque que le secteur de la pêche soit considéré comme une variable d'ajustement d'un éventuel accord de sortie du Royaume-Uni. Depuis cette date, je n'ai eu de cesse de dire et de redire à mon ami Michel Barnier que ce risque devenait de plus en plus prégnant, et qu'il ne fallait pas dissocier l'accès aux eaux britanniques pour nos navires ni les possibilités de pêche du reste de l'accord, celui-ci devant être global.
Aujourd'hui, nous nous dirigeons, au pire, vers un no deal et, au mieux, vers un accord dramatique pour l'activité de la pêche en France. Ce secteur économique sera la première victime du Brexit. En effet, sans accès aux eaux britanniques ni aux quotas qui en découlent, de nombreuses entreprises des Hauts-de-France, de Normandie ou de Bretagne risquent soit de disparaître, soit de se rabattre sur d'autres zones de pêche, au risque d'épuiser la ressource. Le Premier ministre britannique a même fait sortir les navires de guerre de Sa Gracieuse Majesté.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : que comptez-vous faire pour éviter ce désastre annoncé ? Quelles mesures allez-vous prendre pour éviter cette catastrophe économique qui paraît malheureusement inéluctable ?
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Alain Cadec, je connais votre engagement en faveur des pêcheurs, du fait notamment de vos fonctions antérieures, et je pense que vous connaissez le mien.
Comme moi et comme d'autres sénateurs dans l'hémicycle, vous percevez l'inquiétude qui se manifeste sur les quais face à une négociation qui, jusqu'à cette heure, n'en finit pas de s'achever.
Dans ce contexte, soyez assuré que notre détermination concernant la pêche est totale. Le Président de la République a eu l'occasion de rappeler dimanche soir avec beaucoup de fermeté à la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, qu'en aucun cas la pêche ne doit être une variable d'ajustement ; étant partie intégrante de l'ensemble de l'accord commercial, dont elle est indissociable, elle ne peut faire l'objet d'un accord séparé.
Si les Britanniques veulent bénéficier d'un accès privilégié au marché intérieur, alors les pêcheurs français et européens doivent avoir accès aux eaux britanniques, et cela, dans le respect de la déclinaison de conditions que vous connaissez, monsieur le sénateur : la stabilité dans l'accès ; l'approche non pas sélective par espèce ou par zone, mais transversale et globale ; des normes techniques claires et communes, y compris sur les tailles des filets, les maillages, la traîne des chaluts, etc. ; et enfin, la prise en compte des droits historiques et du système de quotas actuel. Tels sont les éléments qui se trouvent sur la table de négociation à cette heure.
Vous avez toutefois raison de souligner que, même en cas d'accord, la situation sera différente. C'est pourquoi le Premier ministre a annoncé, il y a quelques jours, à Boulogne-sur-Mer, la mise en place d'un plan d'action et de soutien qui nous permettra de mener très rapidement des actions spécifiques en faveur de la filière pêche.
Par ailleurs, le Conseil européen qui s'est réuni tout récemment s'est engagé à ce que 5 milliards d'euros du « fonds Brexit » soient consacrés à la pêche, quoi qu'il advienne.
Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, nous sommes aussi déterminés dans la vigilance que dans le soutien.
M. le président. La parole est à M. Alain Cadec, pour la réplique.
M. Alain Cadec. Votre réponse ne me rassure pas totalement, monsieur le ministre. Quoi qu'il en soit, la France doit peser de tout son poids – du moins, de ce qu'il en reste – sur la scène européenne pour sauver notre filière pêche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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