Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les difficultés rencontrées par les directrices et directeurs d'école dans l'exercice de leurs fonctions.
Les directrices et directeurs d'école dénoncent depuis longtemps la dégradation de leurs conditions de travail, l'accumulation des réformes et des directives qui complexifient leur travail de terrain, l'accroissement des tâches administratives et des responsabilités qui leur incombent au détriment du suivi des élèves et des relations avec les familles, ainsi que leur isolement face aux décisions à prendre et l'épuisement qui les assaille.
Le suicide d'une directrice d'école à Pantin, quelques jours seulement après la rentrée en septembre 2019, a mis en évidence le désarroi profond de cette profession, trop longtemps ignoré.
Après ce drame, le ministère a accordé à la mi-novembre une journée supplémentaire de décharge aux directrices et directeurs jusqu'à la fin décembre 2019 et les a dispensés, durant cette même période, des démarches liées à diverses enquêtes auxquelles ils devaient répondre. La mise en œuvre d'un dispositif d'aide qui pourrait mobiliser des volontaires en service civique a également été évoquée. Un questionnaire a enfin été adressé à ces personnels. Les résultats ont été dévoilés au début du mois de janvier et confirment les attentes de ces derniers : allègement de leur travail grâce à un temps de décharge plus important ou des tâches simplifiées, renforcement de l'appui humain pour l'accès à l'établissement et la gestion des appels, une meilleure formation continue.
Aussi, elle souhaite l'interroger sur les mesures concrètes qui vont être mises en œuvre pour répondre au mal-être des directrices et directeurs d'école.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, quelques jours seulement après la rentrée, Christine Renon, directrice d'école à Pantin, mettait fin à ses jours en laissant une lettre poignante dans laquelle elle exprimait son désarroi, son épuisement et l'absence totale de soutien de l'institution.
Depuis longtemps, les directrices et directeurs d'école tentent de vous alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail, sur l'accumulation des réformes et des directives qui complexifient leur travail de terrain, sur l'accroissement des tâches administratives et des responsabilités qui leur incombent, au détriment du suivi des élèves et des relations avec les familles, ainsi que sur le manque de soutien face aux décisions à prendre.
Confronté à la médiatisation de ce drame, il vous a fallu réagir : vous avez pris des mesures d'urgence, plus cosmétiques qu'efficaces. Ainsi, à la mi-novembre, vous avez accordé aux directrices et directeurs d'école une journée supplémentaire de décharge jusqu'à la fin de 2019 et vous les avez dispensés, sur cette même période, de l'obligation d'apporter des réponses aux diverses enquêtes qui grèvent largement leur temps de travail.
Un questionnaire leur a par ailleurs été adressé. Les résultats, dévoilés en janvier, sont sans appel et confirment les attentes de ces personnels : ils ont exprimé leur besoin crucial d'un temps de décharge plus important, d'une simplification des tâches administratives et d'une meilleure formation continue. Peu de répondants demandent la création d'un statut spécifique : celle-ci ne fait pas consensus dans la profession.
Les réponses sont là, mais vos annonces se font attendre. Il est nécessaire et urgent de revenir sur les réelles missions du personnel de direction et l'organisation du travail de ces fonctionnaires afin de prévenir leur épuisement professionnel et de leur assurer une protection fonctionnelle.
Or ce n'est pas le dispositif fondé sur le service civique que vous avez envisagé qui le permettra ! Les tâches d'accueil et de secrétariat requièrent des personnels formés et ne sauraient être assurées par des titulaires de contrats courts sous-payés. Il leur faut de la stabilité !
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour améliorer la situation de ces personnels et quels moyens leur seront attribués ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Comme vous le soulignez, madame la sénatrice, le suicide de Christine Renon, en septembre 2019, a mis en évidence le désarroi des directeurs d'école quant à leurs missions de direction, qui se conjuguent, la plupart du temps, avec des missions d'enseignement : c'est là un problème très ancien, qui n'est pas apparu au cours des deux dernières années !
À la suite de ce drame, je me suis rendu dans l'école dont Christine Renon était directrice et j'ai immédiatement pris des mesures pour répondre aux besoins les plus urgents des directeurs d'école. Je leur ai notamment accordé, comme vous l'avez rappelé, une journée supplémentaire de décharge d'enseignement afin de conduire les tâches administratives liées à leurs fonctions. J'ai aussi suspendu, jusqu'à nouvel ordre, toutes les demandes d'enquêtes qui alourdissent considérablement la tâche des directeurs d'école. Ces deux premières mesures en appelaient d'autres, à l'évidence.
Outre les éléments que vous avez rappelés, j'ai demandé à chaque recteur et à chaque inspecteur d'académie d'organiser des réunions de proximité afin que les directeurs d'école puissent s'exprimer, localement, sur les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Il s'agissait de rompre leur isolement, mais aussi de trouver des solutions adaptées aux difficultés quotidiennes qu'ils rencontrent.
Durant le mois de décembre, un questionnaire a été proposé à l'ensemble des directeurs d'école. Plus de 29 000 d'entre eux y ont répondu, montrant ainsi leur volonté de s'associer à une réflexion sur l'évolution de leur métier. Ce questionnaire, totalement anonyme, avait pour objet de recueillir l'expression de leur vécu, de mieux cerner les problématiques de leur métier, mais aussi de faire émerger de nouvelles perspectives et ressortir des pistes d'évolution, d'allégement ou de simplification des tâches les plus chronophages.
Les résultats de cette enquête ont mis en évidence que la majorité des directeurs estiment exercer un métier satisfaisant, comportant des aspects pénibles ; leur besoin de soutien est prégnant, notamment en ce qui concerne la charge administrative qui leur incombe.
Trois perspectives d'évolution ont été plus particulièrement mises en avant.
Tout d'abord, ils ont exprimé l'attente d'un allégement de leur charge, par l'augmentation du temps de décharge d'enseignement, mais aussi par la simplification des tâches. À ce titre, nous travaillons d'ores et déjà à la mise en place de systèmes d'information plus performants de manière à éviter de réitérer, par le biais d'enquêtes multiples, des demandes d'informations identiques et à utiliser le mieux possible les informations déjà disponibles dans les bases de données existantes.
Ensuite, les directeurs d'école nous ont fait part d'un besoin de renfort humain. C'est dans cette perspective que le directeur général de l'enseignement scolaire travaille conjointement avec le directeur général de l'agence du service civique afin d'envisager des solutions pour accompagner les directeurs d'école tout en répondant aux objectifs de formation et de développement des compétences des volontaires du service civique. Cela pourrait s'accompagner d'autres mesures dans le cadre de la concertation que nous menons actuellement au sujet de l'évolution de la gestion des ressources humaines de notre ministère.
Enfin, les directeurs d'école ont exprimé un besoin de formation lié à leurs missions. En effet, plus de 60 % d'entre eux ont indiqué n'avoir suivi aucun module de formation continue lié à leur fonction au-delà de la formation suivie lors de leur prise de fonctions, notamment en ce qui concerne la connaissance du droit et de la réglementation.
Au regard de ces constats, le directeur général de l'enseignement scolaire et le directeur général des ressources humaines conduisent depuis le mois de janvier, dans le cadre de l'agenda social, des concertations avec les organisations syndicales. Il s'agit d'analyser les difficultés qui ont été mises en évidence par le questionnaire et de déterminer les actions à mener pour permettre à l'ensemble des directeurs d'école d'assumer leurs missions en toute sérénité et garantir l'efficacité de leur action. Des évolutions concrètes et importantes interviendront dès la rentrée prochaine dans ce cadre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour la réplique.
Mme Maryvonne Blondin. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, les problèmes que j'évoquais dans ma question. Je crois nécessaire, pour l'éducation nationale, de remettre de l'humain dans les ressources humaines.
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