M. Christian Redon-Sarrazy interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur les mesures d'urgence qu'il conviendrait de mettre en place afin d'augmenter l'accès aux soins dans les territoires ruraux où la démographie médicale, déjà fragile, complexifie la gestion de la pandémie de Covid-19.
Les trente-trois mesures des accords du Ségur de la santé signés le 13 juillet 2020 ont certes permis de revaloriser le statut et les rémunérations des personnels médicaux, cependant ils n'ont pas apporté de réponse concrète et immédiate à la situation de nombreuses communes rurales privées de médecins à la suite de départs à la retraite, qui ont été multipliés par six en dix ans.
Lors du Grand débat national, la question de la désertification médicale est pourtant apparue comme l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. La crise du Covid-19 n'a fait que souligner brutalement un état de fait régulièrement dénoncé par les élus locaux depuis de nombreuses années. Pour certaines communes de Haute-Vienne, le cabinet médical ou la maison de santé les plus proches se situent ainsi à plus d'une demi-heure de route. Si le développement de la télémédecine apparaît comme une solution d'avenir, elle reste à elle seule insuffisante à pallier les besoins d'une population isolée, qui ne maîtrise pas nécessairement les usages numériques en plus de souffrir d'une couverture numérique encore défaillante.
Les besoins en médecins généralistes, infirmiers libéraux et praticiens paramédicaux sont donc plus prégnants que jamais afin de gérer de façon précoce et efficace les éventuelles apparitions de « clusters » et d'éviter d'emboliser les services d'urgence des centres hospitaliers urbains.
Alors que la pandémie ne donne aucun signe de ralentissement, il lui demande donc quelles mesures concrètes, tant financières qu'en termes de réorganisation de la santé de proximité, le Gouvernement entend mettre en œuvre dans les territoires les plus concernés par la désertification rurale, afin de leur donner les moyens d'assurer correctement la prise en charge médicale de nos concitoyens dans le contexte sanitaire actuel.
Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 1307, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Christian Redon-Sarrazy. Face à la recrudescence des cas de covid-19, il me paraît urgent de mettre en place des mesures spécifiques afin d'augmenter l'accès aux soins dans les territoires ruraux, où la démographie médicale, déjà fragile, complexifie la gestion de la pandémie.
Les accords du Ségur de la santé ont certes permis de revaloriser le statut et les rémunérations des personnels médicaux, mais ils n'ont pas apporté de réponse concrète et immédiate à la situation des nombreuses communes rurales privées de médecin à la suite de départs à la retraite, qui ont été multipliés par six en dix ans. Je prendrai l'exemple, dans mon département, de la commune de Châteauneuf-la-Forêt, qui compte 1524 habitants, dont une partie est âgée et peu mobile, ainsi qu'un Ehpad de 133 lits, et dont l'unique médecin partira à la retraite d'ici à la fin de l'année. D'après les règles du zonage médical, cette commune n'est pas située dans une zone dite « sous- dotée », statut qui permet une aide financière à l'installation d'un médecin. Le zonage n'étant pas révisé avant deux ou trois ans, pouvez-vous m'expliquer, monsieur le secrétaire d'État, comment cette commune pourra s'en sortir, compte tenu du contexte sanitaire actuel, sans oublier, bien sûr, la gestion des maladies hivernales et chroniques ?
De nombreuses communes rurales connaissent ou vont connaître des situations similaires, qui mériteraient une révision urgente du zonage médical. Lorsqu'elles sont éloignées des centres urbains, le cabinet médical ou la maison de santé les plus proches se situent souvent à plus d'une demi-heure de route. Ce n'est pas une solution que l'on peut dignement leur proposer.
Longtemps préservé, mon département connaît lui aussi une recrudescence des cas positifs à la covid-19. Les besoins en médecins généralistes, infirmiers libéraux et praticiens paramédicaux sont donc plus prégnants que jamais, afin de gérer de façon précoce et efficace les éventuelles apparitions de clusters et d'éviter l'embolie des services d'urgence des centres hospitaliers locaux.
La pandémie ne donne aucun signe de ralentissement et a nécessité le reconfinement de la population. Je vous pose donc la question : quelles mesures concrètes, tant financières qu'organisationnelles, entendez-vous mettre en œuvre dans les territoires les plus concernés par la désertification rurale pour renforcer la santé de proximité et assurer une prise en charge médicale à la hauteur du contexte que nous traversons ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, la question de l'accès aux soins et les problématiques de désertification médicale font partie des priorités du Gouvernement. Un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été mises en place, notamment dans le cadre de « Ma santé 2022 ». J'ai commencé à apporter des éléments de réponse à travers les questionnements de vos collègues, mais je veux vous répondre.
Les difficultés d'accès aux soins concernent non seulement des zones rurales, mais aussi des zones urbaines. C'est pourquoi la réponse à ces difficultés démographiques n'est pas unique ; elle doit partir de chaque situation et être adaptée à la réalité locale. Le développement de l'exercice coordonné sous toutes ses formes, que j'évoquais précédemment, ou encore le recours à la télémédecine, dont la crise sanitaire que nous traversons a accéléré le déploiement, sont autant de leviers sur lesquels s'appuyer, mais ils ne sont pas les seuls.
Le Gouvernement a souhaité faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover, dans le cadre de la responsabilité territoriale que nous appelons tous de nos vœux. Cette stratégie, en cours de déploiement, nous semble devoir être suivie.
La dynamique autour des communautés professionnelles territoriales de santé est un exemple très éclairant et très concret de cette capacité d'innovation des professionnels en matière d'accès aux soins en respectant les réalités territoriales. À travers ce dispositif, les professionnels de santé d'un même territoire sont incités à s'organiser entre eux pour répondre aux besoins de santé de la population : par exemple, trouver des médecins traitants pour les patients qui en sont dépourvus, garantir l'accès à des consultations sans rendez-vous en journée, etc.
Un bilan des CPTS est prématuré, même si j'évoquais le dynamisme de leur déploiement, puisqu'elles sont passées à 578 projets en juin 2020, contre 400 quelques mois auparavant, ce qui traduit en première analyse une forme de succès. Nous avons déjà des exemples où, en permettant le développement de la maîtrise de stage, l'accès à la télémédecine ou encore en facilitant les relations avec l'hôpital et avec les services sociaux, les CPTS ont permis à des territoires en difficulté de voir leur situation s'améliorer.
La crise liée au covid-19 a été, me semble-t-il, un excellent révélateur de l'utilité de ces CPTS et de la nécessité pour eux de s'organiser rapidement dans les territoires pour faire face aux situations rencontrées.
Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le secrétaire d'État, je souscris volontiers à l'idée que la télémédecine peut être une solution d'avenir. Néanmoins, elle reste insuffisante pour pallier les besoins d'une population isolée, qui ne maîtrise pas nécessairement les usages du numérique, en plus de souffrir souvent d'une couverture numérique malheureusement encore défaillante.
Résorber les zones blanches est bien la première étape pour développer la télémédecine dans les territoires. Le fait est que les territoires ruraux attendent là encore des avancées qui sont bien tardives.
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