M. Stéphane Ravier attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur le sort du patrimoine en France, plus particulièrement sur la destruction récente de monuments constitutifs de notre identité.
La situation inquiétante dans laquelle se trouve une partie du patrimoine français est la cause d'un abandon de ce dernier par les politiques publiques. Ainsi, ce sont plusieurs centaines d'édifices qui sont en péril à travers nos régions. Une partie d'entre eux appartient à l'État, mais est délaissée de toute forme d'entretien. Les plus petites municipalités n'ont pas les moyens de restaurer leurs monuments et d'en empêcher la dégradation, or 50 % du patrimoine est situé dans des communes de moins de 2 000 habitants.
La chapelle Saint-Joseph à Lille vient d'être détruite, cette dernière n'était pas protégée par le statut de monument historique. Le ministère de la culture a refusé de la classer malgré l'urgence de la situation. Actuellement, c'est un pavillon Napoléon III, du parc de Saint-Cloud, qui doit être détruit dans le cadre de l'aménagement d'une promenade pour piétons. Ce dernier, pourtant, est classé. Ces deux affaires médiatisées en cachent des centaines d'autres. Le budget pour le patrimoine a augmenté en 2020, pourtant les pertes engendrées par la crise sanitaire sont loin d'être comblées. Les récentes destructions sont annonciatrices d'une vague de disparitions. La restauration de notre patrimoine devrait pourtant être une priorité absolue. Il est un témoin de notre histoire, de notre culture, mais il est aussi un moyen de dynamiser nos territoires et de créer des emplois.
Aussi il souhaiterait savoir quelles ont été les actions du ministère de la culture pour sauvegarder de la destruction la chapelle Saint-Joseph de Lille ou le pavillon Napoléon III de Saint-Cloud. Plus généralement, il souhaiterait savoir quels moyens sont mis en place par le ministère actuel auprès des communes pour sauvegarder notre patrimoine du désastre qui a déjà commencé.
La conservation du patrimoine demeure l'un des objectifs majeurs du ministère de la culture, qui suit avec toute l'attention possible les quelque 44 000 immeubles et 300 000 objets mobiliers classés et inscrits au titre des monuments historiques. Les sujets évoqués ont fait l'objet d'un examen très attentif. La chapelle Saint-Joseph de Lille, édifice néo-médiéval appartenant à l'association YNCREA, n'était pas protégée au titre des monuments historiques. En dépit de ses dimensions et des vitraux qui ornaient ses baies, cette grande chapelle n'avait pas été considérée comme présentant un intérêt tel qu'il justifie une inscription. Cet édifice n'était pas non plus identifié dans l'inventaire du patrimoine architectural, urbain et paysager du plan local d'urbanisme intercommunal applicable à Lille. Compte tenu du permis de démolir déjà délivré, le ministère de la culture n'aurait pu s'opposer à sa destruction qu'en prenant une instance de classement, puis une mesure de classement définitif d'office, au regard de la volonté du propriétaire de la démolir. Cet édifice ne méritait pas un classement et le classement d'office, mesure exceptionnelle et fortement attentatoire au droit de propriété, prise après avis de la commission nationale du patrimoine et de l'architecture et du Conseil d'État, ne saurait être envisagé que pour des édifices présentant un intérêt de tout premier plan. Il n'a donc pas paru possible de s'opposer à la démolition de la chapelle, même si le propriétaire a accepté une dépose soignée des vitraux et si les tapisseries ont bien évidemment été conservées. Le tribunal administratif de Lille a d'ailleurs rejeté deux requêtes en référé-suspension présentées par une association et plusieurs particuliers contre le refus de prendre une décision d'instance de classement sur cet édifice et le Conseil d'État a rejeté le pourvoi en cassation des requérants contre l'une des ordonnances du tribunal administratif. S'agissant du pavillon de Sèvres, il convient d'abord de bien préciser ce dont il s'agit : lorsque la manufacture et le musée de Sèvres ont été aménagés, au XIXe siècle, leur périmètre a été entouré d'un mur de clôture, dont les portes étaient flanquées de petits pavillons de garde construits sur le même modèle et dont l'emprise au sol était extrêmement modeste. Non dépourvus d'intérêt architectural, ces pavillons n'étaient cependant pas des chefs d'œuvre et leur classement au titre des monuments historiques est principalement dû à leur appartenance au domaine de Saint-Cloud, dont dépend historiquement la manufacture. Dans les années 2000, le département des Hauts-de-Seine, confronté à des difficultés et à une dangerosité de la voie départementale longeant la manufacture, a demandé à acquérir une bande de terrain pour créer une nouvelle voie de circulation et un trottoir sécurisé. Le ministère de la culture n'a alors pas souhaité consentir à cette cession pour ne pas entamer le domaine et un accord a été trouvé pour créer, non une voie de circulation automobile, mais une promenade piétonnière le long de la manufacture et du fleuriste du domaine. Cette solution a paru de nature à concilier les légitimes préoccupations de tous. La création de la promenade a toutefois rencontré des difficultés, liées aux murs de clôture et aux bâtiments se trouvant sur son tracé. Les murs ont, pour l'essentiel, pu être conservés et la création d'un passage voûté a été décidée sous le bâtiment construit par l'architecte Roux-Spitz pour l'ancienne école de céramique. Seul un pavillon de garde, dont le déplacement, un temps envisagé, s'est avéré trop onéreux au regard de son faible potentiel d'utilisation et de son intérêt architectural, somme toute modeste, n'a pu être conservé. Le ministère de la culture œuvre tous les jours, avec les instruments juridiques dont il dispose dans le code du patrimoine et qui ne sont pas négligeables, mais surtout en tentant de sensibiliser le public et les élèves à l'intérêt du patrimoine culturel et de sa préservation, pour la sauvegarde des monuments historiques. Dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les conservations régionales des monuments historiques et les architectes des Bâtiments de France, dans des conditions parfois difficiles, s'efforcent de préserver de nombreux éléments du patrimoine, classés ou inscrits, en abords de monuments historiques ou dans les sites patrimoniaux remarquables. Leur action se heurte à d'autres intérêts parfois légitimes et des compromis s'avèrent alors nécessaires. Le ministère de la culture a mis en place, en 2018, un « Fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des communes à faibles ressources », qui permet aux petites communes propriétaires de monuments historiques de bénéficier de taux de financement accrus de la part des DRAC, dès lors que les régions contribuent au financement à hauteur d'au moins 15 %. La quasi-totalité des régions ont adhéré à ce dispositif, qui a rencontré un véritable succès au point que les demandes excèdent à présent l'enveloppe disponible, ce qui a permis de lancer plusieurs centaines d'opérations dans les communes rurales. Créé également en 2018, le loto du patrimoine et les sommes importantes débloquées en faveur du patrimoine dans le cadre du plan de relance, montrent la détermination du Gouvernement à préserver et à mettre en valeur, dans toute la mesure du possible, le patrimoine architectural de la France.
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