M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché. Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et je remercie les membres du Gouvernement présents de bien vouloir la lui transmettre.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà quelques jours, M. Le Maire s'est opposé au rapprochement entre le groupe canadien Couche-Tard et le groupe Carrefour, au nom de la sécurité et de la souveraineté alimentaire. Si l'intention est bonne, car la crise que nous traversons révèle la perte de notre souveraineté économique, nous avons la désagréable impression que ce choix est surtout guidé par des intérêts politiciens, plutôt que par la volonté réelle de protéger les intérêts de la France.
Carrefour, c'est l'arbre qui cache la forêt des paradoxes du Gouvernement !
Comment expliquer que celui-ci affiche une fermeté sans faille au sujet de Carrefour, alors qu'en parallèle l'Europe signe un nouvel accord d'ouverture des marchés avec la Chine, accord ne garantissant pas les conditions d'une concurrence équitable ? Comment invoquer, la larme à l'œil, la souveraineté alimentaire tout en empêchant le Sénat de se prononcer sur la ratification du CETA, traité ouvrant nos frontières aux produits des fermes usines du Canada, avec des conséquences désastreuses pour une partie de notre production agricole nationale ?
Nous sommes nombreux à ne pas percevoir la rationalité de cette pensée très « complexe ». Pourtant, c'est un vrai sujet de souveraineté alimentaire, qui dépasse de loin le rachat d'un distributeur.
Voilà dix-huit mois que le Sénat attend de se prononcer sur le CETA. Mais contrairement à d'autres textes qui nous sont imposés à marche forcée, comme le projet de loi relatif à la bioéthique,…
Mme Laurence Rossignol. N'exagérons rien ; il n'est pas en procédure accélérée !
Mme Anne Chain-Larché. … il semble s'être perdu sur le chemin de la navette parlementaire. M. le ministre Le Maire peut-il nous expliquer à quelle logique il obéit ? Quand va-t-il interroger le Sénat sur le CETA ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Madame la sénatrice Chain-Larché, comme l'a indiqué Bruno Le Maire la semaine dernière, nous considérons que le rôle de l'État est de protéger et de veiller à la défense des secteurs stratégiques de la Nation. Or la crise sanitaire nous montre que la sécurité alimentaire des Français est un enjeu stratégique.
Nous devons distinguer l'État actionnaire de l'État régulateur. L'État n'a pas vocation à être actionnaire d'entreprises dans des secteurs autres que ceux de l'énergie nucléaire, des transports et de la défense, selon, là aussi, les déclarations de Bruno Le Maire. Son rôle de régulation de l'économie doit permettre de définir des règles économiques et défendre l'intérêt général.
Notre devoir est donc de protéger les entreprises qui engagent la sécurité du pays et des Français. Cela ne va pas à l'encontre de la ratification du CETA, bien au contraire !
Par ailleurs, nous ne devons pas confondre attractivité et vente au plus offrant du premier employeur du pays. L'attractivité doit permettre de faire venir en France des investisseurs étrangers qui participent à la création de valeur et d'emplois. Pour l'accroître, il faut des mesures de simplification et des mesures fiscales, ce que nous faisons depuis 2017. Les réformes engagées ont porté leurs fruits ; je peux notamment citer quelques exemples d'investissements canadiens en France.
Le Canada figure à la dixième place des investisseurs étrangers en France, à la quatrième pour les investisseurs des pays européens. (« Répondez aux questions ! » sur les travées du groupe Les Républicains.) À la suite du rachat de Bombardier Transport par Alstom, le constructeur français aura pour premier actionnaire la Caisse de dépôt et placement du Québec, actionnaire aux côtés de la SNCF et de Keolis.
(« Le CETA ! » sur les mêmes travées.)
Mme Sophie Primas. Cela ne répond pas à la question !
M. Jean-François Husson. Répondez à la question !
M. Alain Griset, ministre délégué. Vous l'aurez compris, madame la sénatrice Chain-Larché, l'État régulateur n'empêche absolument pas la ratification du CETA (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – avec un peu de patience, on y arrive, mesdames, messieurs les sénateurs… L'État protecteur, quant à lui, doit être à même de protéger ses entreprises et ses citoyens sur le plan de la sécurité alimentaire.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.
Mme Anne Chain-Larché. Aucune réponse à la question… Nous y sommes habitués ! Malgré tout, vous confortez ma première impression, monsieur le ministre. Le refus du rachat de Carrefour est un écran de fumée, un coup de communication facile qui accompagne, en pleine crise, la sortie du livre du ministre des finances.
Si vous voulez protéger la souveraineté alimentaire de la France, laissez nos entreprises décider de leurs alliances et laissez le Sénat donner son avis sur le CETA ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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