Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Lillibelle et Toumani, 14 ans, sont morts dans l'Essonne, lundi et mardi derniers, respectivement à Saint-Chéron et à Boussy-Saint-Antoine, deux charmantes et paisibles bourgades, à la suite d'affrontements entre jeunes. C'est l'horreur absolue…
« Rien de bien nouveau », me direz-vous, puisque l'amnésie collective ou le parfum de bonne conscience nous font par exemple passer sous silence le meurtre du jeune Romuald, 14 ans lui aussi, lâchement abattu en pleine rue, à Courcouronnes, le 8 novembre 2000, victime gratuite d'une vieille histoire d'impayé entre deux familles sur fond de rivalités entre quartiers.
Notre pays regorge de sociologues éminemment compétents. Nous croulons sous les analyses pertinentes et détaillées du phénomène de violences en bandes, gangs ou autres tribus. Bien sûr, le sujet est extrêmement complexe ; bien sûr, la prévention ; bien sûr, l'accompagnement…
Cependant, quand répondrez-vous enfin à l'appel de détresse des élus de l'Essonne, obligés, par exemple, de quémander les crédits de leur plan de prévention spécialisée ? Quand donnerez-vous enfin aux communes les moyens de recomposer des quartiers à vivre, plutôt que de les matraquer aveuglément avec l'article 55 de la loi SRU, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ?
Mme Sophie Primas. Absolument !
M. Jean-Raymond Hugonet. Quand calquerez-vous enfin l'évolution des effectifs de police et de gendarmerie sur la croissance démographique exponentielle d'un département comme le nôtre, ce que nous demandons en vain depuis des années ? J'en veux pour preuve la demande, le 26 janvier 1989, du sénateur communiste Robert Vizet, auquel je veux rendre hommage ici,…
Mme Cécile Cukierman. Bravo !
M. Jean-Raymond Hugonet. … qui attirait déjà l'attention du ministre de l'intérieur de l'époque, comme je le fais aujourd'hui, sur l'insuffisance des effectifs de police et de gendarmerie dans le département de l'Essonne ! C'était il y a trente-deux ans !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Jean-Raymond Hugonet, je représente le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, que vous interrogez.
Vous dressez un constat important sur la question des violences, notamment en bandes, dans l'Essonne. Ce constat de violences inacceptables, nous le partageons évidemment, et le Gouvernement est à pied d'œuvre pour y répondre.
Vous évoquiez certains faits de violence dans l'Essonne. Je veux le rappeler, dans l'année écoulée, quatre-vingt-onze événements de cet ordre, liés à des questions de violence et à des bandes, ont eu lieu dans l'Essonne. Sans doute, tous n'ont pas le même écho médiatique – j'adresse d'ailleurs mes pensées aux familles des victimes –, mais, pour autant, aucun de ces événements n'est acceptable.
On observe, année après année, que les « belligérants » sont de plus en plus jeunes : nous avons maintenant affaire à des jeunes âgés, en moyenne, de 13 à 17 ans, qui causent parfois des blessures très graves, entraînant des effets irréversibles.
Il arrive souvent que ces drames soient évités de peu, grâce à l'intervention des forces de sécurité intérieure, qui – vous avez raison de le rappeler – accomplissent un travail difficile, notamment dans certains quartiers ; je veux les en remercier.
Face à ce constat, le Gouvernement agit : un certain nombre de dispositifs ont été mis en œuvre, de façon opérationnelle. Pour ma part, monsieur le sénateur, je ne veux pas opposer la prévention à la répression ou à l'action. Notre action se compose, de manière indissociable, de prévention et de répression.
D'abord, il y a une action répressive et judiciaire, grâce au travail de coopération instauré avec le parquet d'Évry, au sein de la cellule de lutte contre les trafics et avec le référent de lutte contre les bandes, nommé sous l'autorité du parquet dans chaque circonscription de sécurité. Grâce à cela, des procédures judiciaires pour participation à un attroupement armé ont été lancées, comme le recours systématisé à l'exploitation vidéo.
Par ailleurs ont été mis en place des dispositifs d'alerte précoce, pour assurer une intervention rapide des forces de sécurité intérieure. Cette procédure a été déployée et donne d'ores et déjà des résultats probants, notamment dans le secteur de Corbeil-Essonnes où, très récemment, certains affrontements ont pu être évités grâce à des interpellations préventives d'acteurs qui s'apprêtaient à « en découdre ».
En outre, la logique de prévention est évidemment renforcée en amont, avec les acteurs locaux, les élus, les chefs d'établissement scolaire.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. En ce sens, en lien avec le garde des sceaux et le ministre de l'éducation nationale et sous l'autorité du Premier ministre, un travail a été lancé. Ainsi, au mois de mai 2021, le nouveau plan de lutte contre les bandes sera annoncé par le ministère de l'intérieur.
(M. François Patriat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Encore un plan, madame la secrétaire d'État ! Encore des confettis de paroles ! Nous ne nous satisfaisons plus des mots, nous voulons des actes, nous voulons des agents supplémentaires, que nous demandons depuis trente-deux ans ! Réveillez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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