M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Franck Menonville. Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture et porte sur les difficultés rencontrées actuellement par la filière de viande bovine.
En 2020, alors même que les ventes de viandes bovines françaises ont progressé, le prix payé aux éleveurs n'a cessé de chuter, pour aboutir à un résultat particulièrement alarmant. Selon la Fédération nationale bovine, les éleveurs ont dû vivre avec moins de 700 euros par mois l'année dernière.
La France est pourtant le premier producteur européen de viande bovine, avec 485 000 emplois qui contribuent à l'animation de nos territoires et façonnent nos paysages. La viande rouge représente 63 % de la viande consommée en France et fait partie intégrante de notre patrimoine gastronomique.
Nous ne pouvons pas regarder sans réagir nos éleveurs disparaître en raison de prix inexplicablement bas, à l'image du cours des jeunes bovins.
Nous ne pouvons pas laisser les éleveurs continuer de vendre leurs animaux à un prix inférieur d'environ un euro du kilogramme à leur coût de production, un coût de production qui ne cesse d'ailleurs de croître.
La crise des éleveurs est accentuée par l'augmentation des prix des matières premières nécessaires à l'alimentation du bétail, ravivant ainsi des tensions sur le partage de la valeur ajoutée.
La loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, porteuse d'espoirs, censée rééquilibrer les relations commerciales entre agriculteurs, transformateurs et grande distribution, tarde à porter ses fruits. En pleine négociation de la politique agricole commune, la PAC, les inquiétudes se font grandes.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour soutenir concrètement et dans la durée l'élevage français, pour lui redonner de nouvelles perspectives ?
Au-delà des aides déjà annoncées, les éleveurs ont besoin de soutiens structurels. Quelles mesures comptez-vous prendre pour rendre la loi Égalim efficiente ?
(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, votre question porte sur la loi Égalim et la rémunération de nos agriculteurs.
Je vous parlerai avec beaucoup de franchise : la situation actuelle demeure inacceptable. (M. Bruno Sido applaudit.) La loi Égalim a permis de faire bouger les lignes, mais force est de constater que certains, dans l'industrie et la grande distribution, ne respectent ni l'esprit ni parfois même la lettre de ce texte.
Certes, nos agriculteurs ont, chevillée au corps, la volonté de nourrir le peuple. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER.) Mais on ne peut pas leur demander de le faire, avec des produits dont la qualité est toujours plus élevée, en laissant dans le même temps s'organiser cette guerre des prix.
La montée en qualité est incompatible avec la guerre des prix. Face à une telle situation, nous devons faire preuve de fermeté et aller plus loin par rapport à la loi Égalim.
(Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Les négociations commerciales sont un rapport de force. Je l'ai toujours dit, l'État est entré dans ce rapport de force. Songez, monsieur le sénateur, qu'en l'espace de six semaines nous avons réalisé l'équivalent de six mois de contrôles. Je le dis avec fermeté, dans notre République, la loi doit être appliquée. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a donc démultiplié les contrôles.
(Marques d'ironie sur les travées du groupe SER.)
Au-delà de ce rapport de force, il nous faut aller plus loin sur la loi Égalim, comprendre ce qui ne fonctionne pas et déterminer ce qu'il nous faut modifier. C'est tout le sens des travaux que j'ai confiés à Serge Papin, l'ancien président de Système U, qui me remettra ses recommandations demain.
Il s'agit d'aller plus loin dans la voie de la contractualisation et de la transparence, pour, finalement, trouver des solutions – probablement législatives, d'ailleurs –, afin de mettre un terme à cette contradiction entre la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, que vous connaissez bien et qui était une loi de déflation, et la loi Égalim, qui vise à mieux rémunérer.
Ces deux lois doivent être mieux coordonnées. Des avancées sont nécessaires en ce sens, je m'engage à tenir cet objectif, sous l'autorité du Premier ministre, car c'est une question de souveraineté ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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