M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, le lundi 10 mai, le Sénat modifiait le projet de loi constitutionnelle tendant à inscrire à l'article 1er de notre loi fondamentale la garantie de la préservation de l'environnement et de la biodiversité, et la lutte contre le dérèglement climatique.
Nous regrettons vivement ce choix de la majorité sénatoriale, qui n'a toujours pas pris la mesure de l'urgence environnementale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En choisissant de s'opposer à la décision souveraine du peuple, elle a confirmé que le gaullisme n'était plus qu'un lointain souvenir. (Vives protestations sur les mêmes travées.) En choisissant de laisser la maison brûler, elle a montré que l'héritage de Jacques Chirac l'était également.
(Brouhaha à droite de l'hémicycle.)
Mes chers collègues, à force de regarder ailleurs, vous ne voyez même plus l'évidence. Le choix que vous souhaitez laisser aux Françaises et aux Français n'en est pas un.
La rédaction que vous proposez est symbolique, sans portée normative. Un référendum cosmétique n'intéresse personne. De toute façon, maintenant, le calendrier devient intenable : il sera impossible d'organiser un référendum digne de ce nom avant l'élection présidentielle.
À en croire les indiscrétions, la veille de notre débat, l'Élysée avait déjà anticipé sur l'abandon du référendum – chacun appréciera d'ailleurs ce sens du timing et cette marque de respect pour le travail parlementaire –, abandon démenti dans la foulée. Allez comprendre ! Depuis, c'est le silence radio.
Monsieur le Premier ministre, nous avons vraiment besoin d'une clarification. Ma question est simple : quel avenir réservez-vous à cette révision constitutionnelle ?
M. Philippe Dallier. Aucun !
(Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Gontard. Allez-vous laisser la navette parlementaire se poursuivre, pour faire en sorte que la version symbolique du Sénat soit adoptée, ou allez-vous abandonner la deuxième révision constitutionnelle du quinquennat ?
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, merci de me donner l'occasion, une fois de plus, de m'exprimer sur un sujet différent des précédents, mais aussi très important, puisque chacun comprend – je n'en doute pas – que la lutte contre le dérèglement climatique, les atteintes portées à l'environnement et à la biodiversité sont des impératifs désormais majeurs.
Je me faisais la réflexion que, depuis que je suis Premier ministre,…
Plusieurs sénateurs Les Républicains. C'est récent !
(Sourires.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Cela ne fait en effet pas très longtemps, mais je me permets de vous rappeler que, en tant que Premier ministre, j'ai déjà assisté à des inondations terribles au nord de Nice, des inondations extrêmement graves dans le Sud-Ouest, notamment dans le Lot-et-Garonne, qui m'ont poussé à me rendre sur place, ainsi qu'à un épisode de gel qui a eu des effets dramatiques sur une grande partie de notre pays.
(Murmures prononcés sur les travées du groupe Les Républicains.).
Cela nous ramène à la réalité : le constat selon lequel nous connaissons une accélération de ces phénomènes climatiques, qui est, je le disais, un sujet majeur.
Pour évacuer les questions de procédure, je voudrais également vous rappeler, monsieur le président Gontard, que le Président de la République a fait le choix de procéder à une révision de la Constitution sur le fondement, non pas de l'article 11, mais de l'article 89. Nous n'avons donc jamais varié sur ce point.
Cela signifie – ce n'est pas à vous en particulier que je le rappelle, mais à tout le monde, étant donné que nous sommes évidemment écoutés au-delà de l'enceinte de cet hémicycle (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) –, que le texte doit être voté en termes identiques par les deux assemblées avant que le Président de la République décide éventuellement de le présenter au référendum – comme vous l'avez indiqué, c'est en effet une possibilité qui lui est offerte – ou de réunir le Congrès. Nous n'en sommes pas tout à fait là. (Sourires sur plusieurs travées.) J'y reviendrai.
Comme je l'ai dit à M. le président du Sénat, au terme d'un processus que vous connaissez parfaitement, et pour atteindre le haut degré d'ambition que je mentionnais il y a un instant, le conseil des ministres a adopté un projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 1erde la Constitution, qui est extrêmement ambitieux.
Je précise qu'il l'avait fait à l'issue d'un processus original consistant à consulter une convention citoyenne, la Convention citoyenne pour le climat,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Le Sénat est légitime, pas la Convention citoyenne !
M. Jean Castex, Premier ministre. … après quoi la représentation nationale doit reprendre tous ses droits. Nous y sommes.
Comme vous, monsieur Gontard, je regrette – je le dis – que le Sénat n'ait pas voté ce projet de loi, alors qu'il l'avait été de façon très large par l'Assemblée nationale. Il est intéressant à cet égard de noter que le texte issu du projet gouvernemental y a été adopté par 391 voix contre 47, soit une majorité qui va bien au-delà de la seule majorité parlementaire.
M. Rémy Pointereau. Ce n'est pas une référence !
M. Bruno Retailleau. Heureusement, il y a le Sénat !
M. Jean Castex, Premier ministre. Je constate avec regret, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Sénat a rabaissé cette ambition. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.) Eh oui ! Je vous le dis avec sérénité et avec tout le respect que je vous dois.
D'ailleurs, et je m'adresse cette fois-ci à la Nation et au président Gontard, nous n'allons pas renoncer à notre ambition ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Nous allons laisser ce texte suivre son cours et saisir de nouveau l'Assemblée nationale, en espérant évidemment qu'elle puisse rétablir celui-ci dans un sens conforme aux intentions initiales du Gouvernement.
Ensuite, nous aviserons mais, en tout cas, l'importance politique et symbolique de cette question exige que nous portions une haute ambition collective !
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Les applaudissements ne sont pas très nourris !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Merci pour votre réponse, monsieur le Premier ministre.
Si je comprends bien, vous nous annoncez que le texte fera l'objet d'un va-et-vient. Dans ces conditions, je ne sais pas quand un référendum pourrait se tenir et sur quel texte on pourrait se prononcer. En tout cas, si vous comptiez sur ce référendum pour reverdir le bilan écologique du quinquennat, c'est raté : nous n'en aurons même pas le symbole !
Il s'agit encore d'une promesse présidentielle qui risque de ne pas être tenue, d'une proposition de la Convention citoyenne qui risque d'être mise au panier. Seule une vraie loi Climat ambitieuse pourrait nous dispenser d'un quinquennat perdu pour le climat. Il faut l'avouer, nous sommes pour l'instant très loin du compte ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
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