M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants.
M. André Gattolin. Ma question s'adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
I-ni-ma-gi-nable ! Pourtant, il l'a fait ! Non, je ne parle pas ici d'un exploit sportif ou d'un geste héroïque hors norme. Il y a malheureusement longtemps que l'audace n'est plus l'apanage des seuls héros.
Je parle ici de l'incroyable acte de piraterie aérienne d'État ordonné dimanche dernier par M. Loukachenko, l'inaltérable président-autocrate du Bélarus.
En apprenant la nouvelle, j'ai un instant cru à un canular. Aujourd'hui encore, je me demande quel degré de folie peut expliquer une telle violation du droit international, dans l'unique but de procéder à l'arrestation d'un jeune journaliste.
Je ne suis visiblement pas le seul à avoir été sidéré, si j'en juge, monsieur le ministre, par la fermeté de votre réaction dès dimanche après-midi.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Avant-hier, des sanctions européennes inédites ont été prises face à cet acte d'une gravité encore plus inédite. Comme le reconnaissait hier le Président Macron à l'issue du Conseil européen, « la politique des sanctions progressives sur des situations gelées n'est plus une politique efficace ». Il s'interrogeait sur les limites actuelles des sanctions, sans tomber dans l'engrenage d'un possible conflit armé.
Ma question, monsieur le ministre, est donc simple : sommes-nous vraiment au bout des sanctions applicables au Bélarus ? Ne peut-on élargir les sanctions à quelques centaines, voire quelques milliers d'autres responsables biélorusses ? Nous le savons, ce régime ne repose plus que sur quelque 10 000 cadres qui en tirent directement profit.
Par ailleurs, il faut absolument veiller à ce que cet acte de piraterie n'ouvre pas la voie à des actes similaires dans d'autres espaces aériens sensibles.
Aussi, je voudrais savoir si la France est prête à demander l'activation de l'article 88 de la Convention de Chicago, afin de suspendre les droits du Bélarus au sein de l'Assemblée de l'Organisation de l'aviation civile internationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Gattolin, le Gouvernement partage votre indignation. C'est vrai, c'est un acte de piraterie d'État et une prise d'otages par l'air.
Les régimes autoritaires, singulièrement celui de M. Loukachenko, n'ont plus aucune limite dans leur comportement déstabilisateur et répressif.
Vous l'avez souligné avec raison, le Conseil européen de lundi soir a réagi avec une très grande fermeté et une très grande unité. Les mesures prises lundi soir sont applicables dès aujourd'hui. Je pense en particulier aux dispositions relatives au domaine aérien, avec l'interdiction d'utiliser l'espace aérien européen et de se poser dans les aéroports européens pour toutes les compagnies du Bélarus. Je pense aussi à l'interdiction, pour les compagnies européennes, de survoler le Bélarus.
Vous me demandez si l'on va aller plus loin. La réponse est « oui ». En effet, dans le cadre des décisions prises par le Conseil lundi soir, il a été demandé à la Commission de préparer une panoplie de sanctions supplémentaires par rapport aux 88 sanctions déjà prises au moment des élections truquées d'août dernier. Je me suis entretenu à ce sujet avec Mme Tikhanovskaïa avant-hier soir.
Nous allons prendre des sanctions supplémentaires concernant non seulement des personnes – c'est le cas de M. Loukachenko lui-même et de sa famille –, mais aussi des entités étatiques proches du pouvoir, afin de les empêcher de venir en Europe et de commercer avec l'Europe.
Il faut s'appuyer sur la force que représentent les 450 millions de personnes du marché intérieur européen.
Vous me proposez de réunir l'Organisation de l'aviation civile internationale. Cela sera fait demain. Cette réunion aura lieu à Montréal, et nous demanderons, avec d'autres Européens, une enquête de cette organisation sur la manière dont tout cela s'est déroulé. J'espère que celle-ci sera autorisée.
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quoi qu'il en soit, soyez-en sûrs, nous serons très fermes pour ce qui concerne Loukachenko. Nous ne reconnaîtrons en aucun cas ni son élection irrégulière ni sa politique aveugle de répression. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)
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