M. le président. La parole est à M. Mikaele Kulimoetoke, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Mikaele Kulimoetoke. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, pendant plus d'une semaine, avec le ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, vous avez invité plusieurs délégations calédoniennes, qui ont également été reçues par M. le Président de la République et M. le Président du Sénat. Ces réunions que vous avez organisées avec ces délégations calédoniennes ont permis de dialoguer, en toute sincérité et responsabilité, sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
En effet, lors des deux précédents référendums, les Calédoniens ont exprimé clairement leur volonté de rester au sein de la République française. Si cette décision doit nous rassurer, elle implique plusieurs responsabilités, un ensemble d'éléments présentés dans un document inédit sur les conséquences concrètes qu'engendrerait le « oui » ou le « non ».
Ce travail considérable, que je salue, a été réalisé par plusieurs services de l'État. Il témoigne de l'implication du Gouvernement et de l'administration, quelle que soit l'issue choisie par les Calédoniens.
Monsieur le Premier ministre, au terme des discussions menées avec conviction et détermination, en collaboration avec le ministre des outre-mer, et toujours dans un esprit de dialogue, avec les principales délégations calédoniennes, des avancées ont été obtenues.
Pourriez-vous présenter devant le Sénat les résultats de ces négociations ?
Par ailleurs, si de nombreux doutes sont levés, d'autres subsistent encore. De récents sondages ont indiqué qu'une partie de la population calédonienne, dont de nombreux étudiants, quitterait le territoire si le « oui » venait à l'emporter. Une inquiétude partagée par la communauté wallisienne et futunienne, que je représente ici, et qui souhaite rester au sein de la République française.
Aussi, monsieur le Premier ministre, je souhaiterais savoir quelles sont les assurances que le gouvernement français serait prêt à donner à ces populations.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur Kulimoetoke, je vous remercie vivement de votre question, qui me donne l'occasion de rendre compte, devant la représentation nationale, et devant le Sénat en particulier, de la semaine qui vient de s'écouler, laquelle a été effectivement extrêmement importante.
D'abord, permettez-moi de vous le dire, depuis Michel Rocard, le Premier ministre est chargé d'une responsabilité particulière dans le dossier calédonien, sur lequel, par conséquent, je me sens particulièrement investi, aux côtés de M. le ministre des outre-mer. Cela m'a donné la possibilité de rencontrer physiquement, pour la première fois, crise sanitaire et contraintes obligent, la plupart des représentants de Nouvelle-Calédonie que j'avais invités.
Bien entendu, depuis l'entrée en fonction de ce gouvernement, nous n'étions pas restés inactifs sur ce dossier puisque la période considérée, vous le savez parfaitement, a été marquée par l'organisation du deuxième référendum prévu par les accords de Nouméa.
Dès que les résultats de ce dernier ont été connus, le ministre des outre-mer s'est rendu plusieurs jours sur l'île pour ouvrir un processus de concertation et préparer ce que nous avions prévu, à savoir l'invitation à Paris, le moment venu, de l'ensemble des délégations pour discuter et échanger avec le gouvernement de la République de la situation et des perspectives.
Qu'il me soit également permis de rappeler au Sénat – le sujet est important, monsieur le sénateur – que, dans l'intervalle, nous avons eu à gérer des sujets d'ordre public. Je me réjouis à cet égard que le calme soit revenu et que la situation ait été maîtrisée.
De même, bien entendu en lien avec les autorités de l'île, notamment la présidente Backès, nous avons eu à gérer le très important dossier de l'usine du Sud de nickel, que l'État a concouru à régler grâce aux moyens qu'il a déployés – vous le savez, c'était une affaire de transmission.
Cette séance de concertation très approfondie est arrivée aujourd'hui à son terme puisque c'est demain matin que la plupart des représentants néocalédoniens quittent Paris pour rejoindre le territoire.
Monsieur le sénateur, vous me demandez quel est le bilan que nous pouvons tirer de cette séquence qui s'achève et qui en appelle d'autres.
Comme vous l'avez dit, ce dont je vous remercie, elle a permis de rappeler la prééminence du dialogue et de la concertation. C'est là l'un des premiers rôles de l'État : veiller à ce que, toujours, le dialogue et la concertation s'imposent et constituent le cadre des échanges, si difficiles soient-ils, si opposées puissent être les conceptions que les uns et les autres ont de l'avenir de ce territoire – je ne vous ferai évidemment pas l'injure de vous les rappeler.
L'État a favorisé et aiguillonné ce dialogue et cette concertation, le ministre des outre-mer, auquel je veux rendre hommage, s'est beaucoup impliqué,…
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. … comme votre serviteur.
La semaine qui s'achève, mesdames, messieurs les sénateurs, a permis, ce qui était l'un de nos objectifs premiers, de clarifier de manière significative les enjeux qui sont devant nous. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu saluer ce travail inédit de l'ensemble des services administratifs de l'État, dans lequel plusieurs ministres du Gouvernement se sont impliqués, visant à examiner de façon extrêmement détaillée et approfondie quelles seraient les implications d'un « oui » ou d'un « non ».
Ce travail décisif, qui n'avait jamais été fait, a été très fortement apprécié par l'ensemble des parties prenantes à ces discussions. Maintenant, on sait de quoi l'on parle et il est possible de décider en connaissance de cause.
Par ailleurs, je profite de cette occasion pour vous dire, monsieur le sénateur, qu'un atelier spécifique portait sur Wallis-et-Futuna, son avenir, et sur les différentes conséquences des hypothèses envisagées pour les habitants de ces îles.
La semaine qui s'est écoulée a permis d'éclairer l'avenir autour de trois principes que nous avons présentés. Au terme de ces discussions, chacun a pris ses responsabilités, l'État a pris les siennes. Nous n'en sommes pas à signer un accord ; nous avons mis sur la table, après concertation, une méthode, ce qui était très important.
Premier principe : l'accord de Nouméa doit aller à son terme et l'État en est le garant, par respect non seulement des anciens représentants de l'État, mais également de l'ensemble des protagonistes à ce processus. Il y aura donc un troisième référendum.
Deuxième principe : à la différence des étapes précédentes, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons préparer la suite.
Il y aura donc un référendum, mais son résultat sera certainement serré si l'on se réfère aux deux consultations précédentes. « Oui » ? « Non » ? Et après, que se passe-t-il ? Pour éclairer les conséquences, nous avons mis sur la table une méthode grâce à laquelle les parties en présence devront s'accorder pour préparer le jour d'après. Nous avons proposé que cette phase préparatoire s'achève avant le 30 juin 2023, calendrier qui a reçu l'aval de l'ensemble des parties.
Cette phase devra déboucher sur un projet politico-institutionnel complet, que la seule réponse « oui » ou « non » ne permet pas de construire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est interminable !
M. Jean Castex, Premier ministre. Peut-être, madame, vous avez sans doute raison, mais c'est là un sujet très important.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est une vraie déclaration de politique générale !
M. Jean Castex, Premier ministre. Troisième principe : l'État a souhaité dépasser les questions institutionnelles. Ainsi, j'ai veillé à ce qu'on discute également du développement et de la réduction des inégalités, qui sont très fortes dans cette île, et que, au-delà des simples questions institutionnelles, ces sujets soient au cœur des discussions qui vont s'ouvrir.
(Marques d'impatience sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Dans ce cadre, mesdames, messieurs les sénateurs, l'État prend ses responsabilités en décidant de l'organisation de la troisième consultation référendaire le 12 décembre prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
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