M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, des paysans désemparés, inquiets des orientations désastreuses de la nouvelle politique agricole commune (PAC) n'avaient pas d'autre choix que de manifester pacifiquement. Faute d'être entendus par leur ministre, ils demandaient simplement une audience au Président.
Des parlementaires sont venus à leur rencontre pour entamer le dialogue et tenter de nouer le lien avec le pouvoir exécutif. Résultat des courses : notre collègue Bénédicte Taurine, ceinte de son écharpe tricolore, a été outrageusement jetée au sol par un policier.
Notre collègue Joël Labbé, qui avait pourtant pris soin d'alerter le cabinet du Président, a été empêché de rejoindre les paysans.
Ces images ont ému tous les républicains dignes de ce nom.
Monsieur le Premier ministre, ces faits de violence contre des manifestants pacifiques et contre des parlementaires identifiés dans l'exercice de leurs fonctions sont sans précédent et particulièrement graves. Votre réponse au président Mélenchon, hier à l'Assemblée nationale, n'est franchement pas à la hauteur de la gravité des faits. Nous vous demandons aujourd'hui une condamnation sans équivoque.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, j'ai effectivement déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ces faits, hier, devant l'Assemblée nationale.
Je voudrais d'abord, ici même, les rappeler tels qu'ils se sont déroulés.
D'abord, je me permettrai de corriger l'une de vos affirmations, monsieur le président : la porte du ministre de l'agriculture, pour discuter de la PAC ou de tout autre sujet, est en permanence ouverte à l'ensemble des organisations syndicales du monde agricole. (C'est faux ! sur les travées du groupe GEST.) Vous le savez bien, au Sénat, sur quelque travée que vous siégiez. Ce qui n'empêche pas l'expression de désaccords : cela s'appelle la démocratie. Julien Denormandie est reconnu par l'ensemble de la communauté paysanne comme consacrant beaucoup de temps au dialogue.
(Marques d'indignation sur les travées du groupe GEST. – M. Fabien Gay lève les bras au ciel.)
Deuxième rectification : j'informe le Sénat que la manifestation à laquelle vous faites référence, en tout cas pour sa partie qui s'est déroulée sur la voie publique, n'avait fait l'objet d'aucune déclaration au titre de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure. Elle s'est poursuivie, je le constate, par l'occupation totalement illégale des locaux de Pôle emploi, dans lesquels les manifestants ont pénétré de force. Le gestionnaire des lieux, suivant la procédure légale, a fait appel au concours de la force publique pour qu'il soit procédé à leur évacuation.
Je le rappelle, parce que ces faits sont quand même extrêmement importants. Les incidents dont vous faites mention se sont déroulés dans ce cadre-là. C'est la raison pour laquelle je redis devant le Sénat ce que j'ai dit devant l'Assemblée nationale : chacun, en particulier les dépositaires de l'autorité publique, les parlementaires mais bien entendu aussi les forces de sécurité intérieure, doit respecter les lois de la République.
Des faits dont vous parlez, sur lesquels je n'ai évidemment aucune information, le procureur de la République territorialement compétent s'est saisi. Nous verrons bien les suites qu'il y donnera. En toute hypothèse, si, à bon droit, les images dont vous parlez ont pu choquer et qu'elles sont regrettables, je rappelle également au Sénat que, dans cette affaire, deux policiers ont été blessés, l'un ayant subi des jets de pierres nécessitant son transfert à l'hôpital.
Tout cela n'est pas normal, monsieur le président Gontard. Il y a eu des attitudes condamnables. J'en profite pour appeler chacun au calme et à ses responsabilités.
(Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, vous m'accorderez que jamais une telle action d'un syndicat majoritaire – lequel déclare rarement celles qu'il mène auprès de la préfecture – n'a fait l'objet d'une répression aussi violente – et je ne compte pas les policiers blessés.
Après les gilets jaunes, les journalistes, les avocats, les médecins et tant d'autres, la répression violente du mouvement social a atteint son paroxysme : plus personne n'est épargné, ni les agriculteurs ni même les représentants du peuple.
(Protestations à droite et au centre.)
On comprend que vous vouliez supprimer les preuves avec le funeste et heureusement mort-né article 24 !
Monsieur le Premier ministre, le dialogue, l'écoute, la recherche du compromis : voilà les leviers d'une démocratie apaisée !
« Je crois – et j'ai toujours cru – aux vertus du dialogue social ; toute ma vie publique en atteste » : ces mots, monsieur le Premier ministre, ce sont les vôtres, prononcés lors de votre déclaration de politique générale.
Loin, très loin de restaurer la confiance entre l'État et les corps intermédiaires, vous vous enfermez dans votre tour d'ivoire (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) : le séparatisme n'est pas toujours là où on le croit !
À défaut de maintenir le dialogue avec le pays,…
(Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Guillaume Gontard. … ne nous empêchez pas de le faire. Entraver les parlementaires dans l'exercice de leur fonction est totalement inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – Huées à droite.)
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