M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Gérard Lahellec. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d'État, jeudi dernier, vous vous êtes déshonorée en ayant recours à la réserve de vote puis au vote bloqué pour tordre le bras des députés de votre majorité.
Cette manœuvre procédurale est d'autant plus scandaleuse qu'il s'agissait d'une journée réservée à l'initiative parlementaire et que la proposition de loi émanait du droit de pétition exercé par nos concitoyens.
Sur le fond, vous avez surtout refusé de reconnaître l'autonomie des personnes en situation de handicap.
En refusant d'individualiser le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), vous avez préféré renvoyer chaque personne dépendante du fait d'un handicap à une autre forme de dépendance, économique, vis-à-vis de sa compagne ou de son compagnon de vie.
Cette humiliation pour la personne dépendante est pourtant dénoncée par l'ensemble des associations.
Au nom de la responsabilité budgétaire, le Gouvernement s'enferme dans une posture bien éloignée des valeurs de progrès et d'humanité.
Ma question est la suivante : allez-vous inscrire à l'ordre du jour de la session extraordinaire la proposition de loi qui reconnaît l'autonomie des personnes handicapées ou préférez-vous botter en touche en prétextant l'examen du budget pour voter un abattement fiscal sans rapport avec l'individualisation de l'AAH ?
(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Billon, Élisabeth Doineau et M. Christian Bilhac applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, quel dommage de voir tout le travail que le Gouvernement a mené depuis le début du quinquennat en commun avec le Parlement, avec les députés, avec les sénateurs, en matière de handicap remis en cause au nom de l'opportunisme politique !
(Protestations sur l'ensemble des travées, à l'exception de celles du RDPI. – Huées sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)
Vous dites que le Gouvernement fait preuve de frilosité budgétaire, mais il a consacré 2 milliards d'euros d'investissements sur ce quinquennat pour l'allocation aux adultes handicapés : 2 milliards !
(Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat applaudissent.)
Vous vous êtes indignés d'une baisse de 5 euros des aides personnalisées au logement (APL), mais vous méprisez, de l'autre côté, une augmentation de 100 euros par mois de l'AAH : 100 euros de plus, car elle a été portée à 900 euros par mois pour plus de 1,2 million de bénéficiaires.
Non, monsieur le sénateur, notre approche n'est pas guidée par la seule volonté budgétaire. Elle est guidée par le fait d'assurer un système social fondé sur les principes de solidarité et de redistribution, par la conviction que les personnes en situation de handicap ont des compétences et sont des citoyens à part entière.
Au contraire de vos propos, un abattement fiscal est une avancée majeure pour les personnes, qui a tout à voir avec l'autonomie, puisque cela représente 110 euros de plus par mois en moyenne pour les bénéficiaires qui sont en couple et plus de 180 euros de gain pour les couples dont le revenu du conjoint est situé autour du SMIC.
Au nom des valeurs que porte votre groupe, vous devriez vous réjouir que l'on flèche l'argent vers ceux qui en ont le plus besoin et non vers les plus aisés, comme c'est le cas avec la déconjugalisation.
M. Hussein Bourgi. Les associations vous écoutent !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Quand notre mesure ne fait aucun perdant, la vôtre prend l'AAH des personnes qui travaillent. Nous portons une mesure de simplification, une mesure de justice sociale.
(Mme Laurence Cohen proteste.)
Je souhaite que le texte qui a été voté à l'Assemblée nationale aboutisse. Parce que je crois à cette mesure redistributive qui est au cœur de notre ADN politique, oui, monsieur le sénateur, j'inscrirai quoi qu'il arrive cette avancée majeure dans le budget de l'État pour 2022.
Je le ferai, car le Gouvernement est fier de la politique d'émancipation (Protestations sur de nombreuses travées.) que nous portons depuis 2017 et parce que nous apporterons ainsi un soutien constant au pouvoir d'achat des personnes concernées, que je respecte profondément.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Hussein Bourgi. C'est cela…
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour la réplique.
M. Gérard Lahellec. Madame la secrétaire d'État, votre entêtement à imposer la prise en compte des revenus des conjoints dans le calcul de l'AAH pour faire des économies budgétaires est en réalité dogmatique.
Vous refusez la proposition d'individualiser l'allocation aux adultes handicapés, estimée à 750 millions d'euros, et vous défendez votre proposition d'abattement fiscal de 200 millions d'euros, ce qui n'est, certes, pas rien.
Pour trouver les 500 millions d'euros nécessaires, il suffirait, par exemple, d'imposer les dividendes des actionnaires à hauteur de 1 %. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Toute autre proposition est bienvenue, ce n'est qu'un exemple !
M. le président. Il faut conclure !
M. Gérard Lahellec. Nous regrettons que le Gouvernement fasse ce choix et nous saurons nous en souvenir, comme les associations du secteur ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
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