M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, depuis deux ans, le groupe Ferroglobe, spécialisé dans le silicium et les ferroalliages, a engagé une restructuration massive de ses sites français. Fin mars, le groupe annonce l'arrêt de la production de deux de ses principaux sites : Château-Feuillet en Savoie et l'usine des Clavaux en Isère. Ce sont 357 emplois qui sont menacés, 357 familles qui depuis plusieurs mois vivent dans l'incertitude du lendemain, la peur et la colère au ventre.
Production industrielle indispensable à la souveraineté de la France, le silicium équipe les panneaux solaires comme les microprocesseurs. Il y va aussi d'un savoir-faire industriel d'excellence. Tout cela est menacé par la cupidité d'un groupe qui n'a plus grand-chose d'industriel.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez promis, ici même, que vous feriez tout pour éviter de nouvelles délocalisations d'industries indispensables à notre souveraineté.
Vous nous avez signifié, ici même, que « ce gouvernement est pleinement mobilisé pour la construction d'une filière photovoltaïque souveraine et durable. »
Vous avez d'ailleurs annoncé, et je tiens à saluer cette annonce, 18 milliards d'euros d'appels d'offres pour la fabrication de panneaux photovoltaïques. Mais, si nous renonçons à toute intervention publique, alors ces 18 milliards d'euros financeront l'industrie chinoise, avec un bilan humain et environnemental désastreux.
Pourtant, à Ferropem plus qu'ailleurs, les solutions sont sur la table. Les salariés et les organisations syndicales ont élaboré un contre-projet ambitieux et réaliste. Son adoption permettrait de maintenir l'activité sur tous les sites du groupe, de répondre ainsi aux nombreuses commandes qui ont été passées au titre des prochains mois et d'engager la modernisation nécessaire des installations.
Monsieur le Premier ministre, la France a et aura besoin de silicium. Après deux ans d'absence sur ce dossier, vous ne pouvez pas laisser Ferroglobe fermer ne serait-ce qu'un seul site. Nous vous demandons de suspendre le PSE, le plan de sauvegarde de l'emploi, d'investir dans Ferropem et, au besoin, de recourir à la nationalisation temporaire des sites.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur Guillaume Gontard, je vous confirme les propos que j'ai tenus dans cette enceinte et ailleurs : le Gouvernement vise un objectif de relocalisation des activités dans notre pays et de reconquête de notre souveraineté industrielle, pendant trop d'années délaissée. Le dossier qui fait l'objet de votre question est en effet symbolique.
À la suite de ce que vous avez dit, je rappelle qu'il s'agit d'un groupe international appelé Ferroglobe, qui est un grand producteur de silicium et d'alliages de silicium et de manganèse. Ce groupe a racheté en 2005, si mes informations sont exactes, la branche électrométallurgie de Péchiney, Ferropem. Il dispose de six sites en France, dont les deux que vous avez cités, et possède notamment une usine de production de manganèse située à Dunkerque.
Vous l'avez rappelé, ce groupe a annoncé en mars dernier une vaste restructuration au plan international, prévoyant la fermeture de deux de ses sites français, à savoir Château-Feuillet en Savoie et Les Clavaux dans votre beau département de l'Isère, ainsi que la suppression de 357 postes de travail.
Je confirme au Sénat et à vous-même, monsieur le sénateur, la pleine mobilisation de l'État pour obtenir une inflexion forte dans les décisions annoncées par ce groupe. Il nous faut en effet, comme vous l'avez dit, préserver, dans le cadre d'une stratégie globale, non seulement industrielle mais aussi photovoltaïque, la filière du silicium en France. Cette filière est stratégique à plusieurs titres, dès lors qu'il s'agit de métaux clés pour la transition énergétique, l'électronique et, plus généralement, la résilience de nos approvisionnements, sans compter, ai-je besoin de le dire devant le Sénat, les enjeux posés en matière d'emplois dans les territoires que vous avez cités.
Je commence par l'emploi : nous veillons de très près à ce que les plans de sauvegarde soient les plus ambitieux possible, comme nous le faisons partout lorsqu'il y a des restructurations. Mais vous avez raison : cela ne suffit pas. Il faut trouver avec la direction de cette entreprise et son actionnaire, Ferroglobe, des mesures alternatives – je le dis très clairement – à l'arrêt de l'exploitation de ces deux usines. À cet égard, je me réjouis que les discussions aient pu prendre un tour nouveau depuis quelques semaines à peine, sous l'égide d'Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'industrie. L'objectif du Gouvernement est clair : trouver avec l'entreprise des moyens permettant d'envisager le maintien de ces deux sites de production.
L'État a fait plusieurs propositions aux dirigeants de Ferropem afin de leur permettre, puisque telle était la finalité du plan de restructuration, de renforcer la compétitivité des sites en mobilisant différentes mesures de soutien, notamment celles, fort utiles et qui seront préservées en 2022 dans le cadre du projet de loi de finances qui vous sera proposé, relevant du plan de relance.
Ces propositions font actuellement l'objet d'échanges constants et très approfondis entre l'entreprise et les services de l'État. Le processus de recherche de repreneurs potentiels se poursuit – vous l'avez évoqué –, via la mobilisation d'un cabinet de consultants spécialisés ainsi que des services de Business France.
À ce stade, je le rappelle, huit manifestations d'intérêt sont en cours d'analyse. Ne doutez pas de notre détermination à enrayer ce qui, au mois de mars, apparaissait comme inéluctable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)
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