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Vincent Segouin
Question d'actualité au gouvernement N° 2033 au Ministère de la justice


Prise d'otage à la prison de Condé-sur-Sarthe

Question soumise le 7 octobre 2021

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Vincent Segouin. Monsieur le garde des sceaux, une nouvelle prise d'otage a eu lieu hier dans la prison de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe, pourtant l'une des plus sécurisées de France, je tiens à le souligner. Un détenu est parvenu à prendre deux surveillants en otage avec une arme artisanale.

Depuis 2013, année de création de cette prison, nous en sommes déjà à la sixième prise d'otage selon le même protocole. En 2019, à la suite d'un attentat terroriste islamiste et d'une prise d'otage, j'alertais votre prédécesseur, qui me promettait des moyens supplémentaires pour les gardiens et m'assurait de sa détermination à renforcer la sécurité dans les prisons. Qu'en est-il ?

En réalité, deux ans après, rien n'a changé. Les violences et le mépris constituent le quotidien de nos gardiens. Il y a toujours autant d'armes artisanales et de téléphones qui circulent sans que les agents puissent fouiller systématiquement les détenus et les visiteurs.

Hier, vous vous êtes déplacé pour rencontrer les surveillants. Voici ce que vous avez déclaré à la presse : « J'ai pu rencontrer la jeune surveillante. Elle est profondément choquée d'avoir vu son collègue avec un poinçon sous la gorge. Avec les psychologues, nous allons tout faire pour l'aider à passer cette épreuve difficile. » J'en conclus que, pour vous, la solution, c'est le psychologue !
(Exclamations sur les travées du groupe RDPI. – M. le garde des sceaux s'indigne.)

Vous avez poursuivi en disant : « J'ai tenu à rencontrer le personnel pénitentiaire. Le personnel a présenté des difficultés et des revendications. Nous allons travailler à toutes ces questions. »

Bilan : nos interventions ne servent à rien, et vous redécouvrez la situation à chaque événement sans y remédier !

Enfin, vous avez terminé votre intervention en déclarant : « Je remercie les détenus qui ont été particulièrement responsables, parce qu'ils sont restés dans leurs cellules, alors que le preneur d'otage les avait ouvertes. »

Voilà la vérité ! Vous avez sans cesse de la compassion pour les détenus, en tout cas plus que pour les gardiens et les victimes !
(Exclamations sur les travées des groupes RDPI et SER. – Vives protestations au banc du Gouvernement.)

Je réitère donc ma question de 2019 : quand allez-vous permettre aux gardiens d'effectuer des fouilles systématiques et les équiper de pistolets à impulsion électrique comme ils vous le demandent ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Réponse émise le 7 octobre 2021

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Segouin, hier, j'ai tenu à rencontrer immédiatement les victimes pour les assurer du soutien de mon ministère, du soutien du Gouvernement et de celui de la Nation tout entière. J'ai également tenu à remercier les ÉRIS, les équipes régionales d'intervention et de sécurité, qui sont intervenues sur place et qui ont permis de dénouer ce drame, ainsi que le RAID.

J'ai dit, parce que c'est vrai – et souffrez que je le redise –, que certains détenus n'avaient pas adhéré à ce que l'un des leurs avait commis : non seulement ces détenus s'en sont désolidarisés, mais ils ont permis la reddition de leur compagnon de détention. C'est la vérité !

Ensuite, je tiens à dire que j'ai tout de suite rencontré le personnel, car il était indispensable que nous ayons un échange. Je suis allé là-bas avec le directeur de l'administration pénitentiaire, que j'ai moi-même fait nommer. C'est un ancien de la pénitentiaire, et il sait naturellement de quoi il parle.

Alors, monsieur le sénateur, disons-nous les choses très clairement.

Tout d'abord, les fouilles systématiques sont prohibées – vous devriez le savoir – par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), notamment depuis un arrêt Frérot contre France. Nous avons légiféré en 2019 – il y a peu, donc –, et les fouilles sont désormais permises et parfaitement autorisées dans certaines conditions.

Pour le reste, je tiens à vous dire qu'un travail est actuellement mené, en lien avec les représentants des personnels, pour renforcer la formation des surveillants. C'est là une de leurs attentes.

S'agissant du volet budgétaire, nous avons fait ce que vous n'avez pas fait. Dans le prochain projet de loi de finances, 100 millions d'euros seront consacrés à la sécurisation des établissements pénitentiaires : 45 millions d'euros seront dédiés à la sécurisation anti-drones et au brouillage des communications, 20 millions d'euros au déploiement d'un système d'alerte géolocalisé, le reste étant destiné à l'achat de filins et à la sécurisation des parkings notamment.

M. Marc-Philippe Daubresse. Et pour les places de prison ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En outre, une expérimentation sur l'armement des surveillants pénitentiaires est en cours, notamment à la centrale de Condé-sur-Sarthe pour laquelle, je le sais, monsieur le sénateur, vous vous mobilisez, comme d'ailleurs Mme la sénatrice Nathalie Goulet, qui suit ces questions depuis fort longtemps.

Je vous annonce également que le budget 2022, si vous le votez, permettra de créer 600 emplois supplémentaires dans l'administration pénitentiaire.

Un dernier mot, monsieur le sénateur : le risque zéro n'existe pas,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Temps de parole dépassé !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … et les personnels que j'ai rencontrés en ont parfaitement conscience. Pour autant, nous ne devons naturellement pas céder au fatalisme. Cette réalité doit nous pousser à agir, et c'est la raison pour laquelle nous avons pris toutes ces mesures.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.

M. Vincent Segouin. Comme votre prédécesseur, vous vous réfugiez derrière les droits de l'homme (Exclamations sur les travées du groupe SER et au banc du Gouvernement.) et dites que vous ne pouvez rien changer. J'imagine que vous allez oublier ce dossier et le redécouvrir à la prochaine tragédie !
(M. le Premier ministre et M. le garde des sceaux protestent.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous ne respectez rien, ni la Constitution ni la CEDH !

M. Vincent Segouin. Monsieur le garde des sceaux, si, vraiment, vous êtes incapable d'apporter des solutions concrètes, pourquoi ne vous inspirez-vous pas des mesures de sécurité mises en place par le P-DG d'Aéroports de Paris qui, lui, garantit bel et bien cette sécurité ? D'ailleurs, heureusement ! Sinon,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Vincent Segouin. … beaucoup d'avions n'arriveraient pas à destination.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Quelle honte ! Un bel exemple de zemmourisation des esprits !

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