M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste.
(Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, à partir du 1er novembre, nos concitoyens habitant en zone de montagne devront équiper leur véhicule de pneus d'hiver ou de chaînes à neige. La mise en œuvre de cette obligation prévue par la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne de 2016 pose un certain nombre de problèmes.
Elle pose un problème de pouvoir d'achat dans le contexte actuel de l'accroissement des prix de l'énergie, qui grèvent le budget des Français, surtout de celles et ceux qui utilisent leur véhicule au quotidien pour des raisons professionnelles. Est-il vraiment opportun de rendre obligatoire la pose de pneus neige dans quasiment la moitié des départements de France ? Si oui, ne faudrait-il pas aider financièrement les travailleurs les plus modestes, comme on le fait avec le chèque énergie ? Une fois de plus, ce sont eux qui paieront la facture.
Cette obligation pose également un problème d'assurance, monsieur le ministre. Vous avez récemment précisé que cette obligation ne serait pas assortie de sanctions la première année, qui doit être une année de transition et de pédagogie. À la suite de cette annonce gouvernementale, nombre de conducteurs peuvent ainsi se croire à tort à l'abri de toute forme de sanction.
Une question demeure : en cas de sinistre, quelle sera la position des assurances ? Ne pourraient-elles pas refuser d'indemniser pour ses propres dégâts un assuré responsable d'un seul sinistre pour la seule raison qu'il ne serait pas équipé de pneus neige, alors qu'ils sont rendus obligatoires ?
De plus, la mesure pose un problème de cohérence territoriale telle qu'elle commence à se dessiner. Sur un même itinéraire, des zones sans obligation d'équiper son véhicule succèdent à des zones où l'obligation est en vigueur : le tout n'est pas coordonné. Comment les usagers peuvent-ils s'y retrouver ? Même Joël Giraud, membre du Gouvernement, s'en est étonné lors d'un récent déplacement en Auvergne.
Enfin, la mesure pose dans l'immédiat un problème de pénurie, les équipementiers n'ayant pas de stocks suffisants pour faire face à cette demande.
Dès lors, monsieur le ministre, comment envisagez-vous d'aménager l'obligation pour qu'elle ne devienne pas insupportable aux yeux de nos compatriotes ?
(Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je rappelle, comme vous l'avez fait, que cette loi, que nous appliquons, date de 2016. Chacun a pu le constater ou avoir des retours – vous êtes un élu de la montagne –, beaucoup de gens ont des accidents ou sont empêchés d'accéder à la montagne l'hiver. C'est la raison pour laquelle le gouvernement et le législateur précédents ont décidé cette obligation.
Permettez-moi également de corriger des informations qui sont dites et répétées, mais qui sont fausses. D'abord, il n'y a pas d'obligation d'utiliser des pneus neige. Les chaînes de montagnes suffisent. Je sais qu'un certain nombre d'entreprises essaient de faire croire à nos concitoyens qu'ils ont l'obligation de changer de pneus, mais ce n'est pas le cas. C'est ce qu'on appelle une fake news. Les chaînes qu'utilisent depuis très longtemps ceux qui se rendent à la montagne suffisent. Il suffit de les avoir dans son coffre et de les mettre quand c'est nécessaire.
Ensuite, le Gouvernement n'a pas prévu de sanction au cours de la première année, pour des raisons pédagogiques. Bien évidemment, je le dis clairement devant les représentants de la Nation, les assureurs ne pourront pas se prévaloir du fait que des sanctions ne seront pas appliquées cette année et de l'absence de port des chaînes ou de pneus neige pour invoquer une responsabilité.
Enfin, cette mesure ne concerne que 45 départements – les départements de montagne, bien évidemment. Les préfets peuvent, après concertation avec les élus, ne pas prendre d'arrêté. Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas nous dire tous les jours que nous prenons des décisions depuis Paris et nous reprocher de déconcentrer et de permettre aux préfets d'en prendre en concertation avec les élus. À ce jour, la moitié des préfets a instauré cette obligation par arrêté, l'autre non.
Je le répète : cette mesure est prise en application d'une loi de 2016. Il n'est pas obligatoire d'avoir des pneus de montagne, les chaînes suffisent. Il n'y aura pas de sanction au cours de la première année, qui sera une année pédagogique. Cela étant, certains sites de montagne ne sont accessibles l'hiver qu'aux véhicules équipés de pneus spécifiques ou de chaînes afin de ne pas bloquer la circulation ou de ne pas provoquer d'accidents. C'est là une mesure de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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