M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Frogier. Monsieur le Premier ministre, l'annulation récente du « contrat du siècle », vécue comme un camouflet, vient nous rappeler que le déplacement du centre de gravité du monde de l'océan Atlantique vers le Pacifique, pressenti depuis des années, est désormais une réalité.
Une nouvelle partie du « grand jeu » se joue entre les États-Unis et la Chine, dans cette zone, renommée indo-pacifique. Washington y soutient et y mobilise ses alliés et partenaires affinitaires, afin de contrer l'expansionnisme de Pékin. Peut-on le lui reprocher ? Doit-on s'en étonner ?
Certes, la vocation de la France est de demeurer une puissance d'équilibre, mais ne fallait-il pas donner plus de consistance à notre stratégie indo-pacifique qui, manifestement, ne relève que de l'incantation ?
Pourquoi ne pas affirmer que les collectivités françaises d'Océanie – la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie – assurent à la France un statut de puissance riveraine, afin que sa voix compte dans la conversation stratégique ?
Pourquoi ne pas affirmer que, disposant d'une superficie terrestre et maritime importante, assortie de ressources minérales significatives, la Nouvelle-Calédonie est au cœur de cette partie du Pacifique où se décide, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, l'issue de la partie de jeu de go engagée entre puissances rivales ?
Pourquoi ne pas reconnaître que, étant « limitrophe » de l'Australie, cette collectivité offre à la France, donc à l'Union européenne, une frontière commune avec cette île-continent ?
Monsieur le Premier ministre, l'indifférence générale qui a régné pendant tant d'années en métropole par rapport à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie donne la mesure de notre inconscience ! Ayant vous-même élevé le dogme de la neutralité de l'État au-dessus de toute considération pratique de sérieux et de responsabilité, vous avez réduit la vision de la France dans la zone à un face-à-face entre les indépendantistes et la « méchante puissance colonisatrice ».
Monsieur le Premier ministre, que dites-vous à nos alliés, qui considèrent que l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie aurait des conséquences décisives pour l'avenir du Pacifique ouest ?
(Marques d'impatience sur les travées du groupe SER, où l'on signale que le temps de parole de l'orateur est écoulé. – Silence ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. C'est moi qui contrôle le respect du temps de parole !
Veuillez poursuivre, monsieur Frogier.
M. Pierre Frogier. Pour terminer, mes chers collègues, je vous demande d'avoir une pensée pour nos compatriotes qui, quelle que soit leur origine, réaffirmeront, malgré tout, le 12 décembre prochain, leur amour de la France, afin que nos valeurs perdurent par-delà les océans.
(Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me donner l'occasion d'évoquer une nouvelle fois, devant la représentation nationale, ce sujet extrêmement important qu'est l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et de la présence de la France dans cette région du monde.
Veuillez m'excuser, monsieur le sénateur, mais je vous ai trouvé, dans certaines de vos appréciations à l'endroit du gouvernement que j'ai l'honneur de diriger, quelque peu sévère. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais oui !
Je n'en ai pas été, je dois le confesser, complètement surpris, car je n'oublie pas que, quand j'ai reçu, pour discuter de l'avenir de l'île, l'ensemble des délégations à Paris, entre le 26 mai et le 1er juin dernier, vous aviez décidé de boycotter ces rencontres, ce qui n'est jamais, monsieur le sénateur, une bonne position.
(M. Pierre Frogier fait un signe de dénégation.)
Si vous aviez été là, vous auriez constaté – j'en ai déjà rendu compte au Sénat – que nous avons poursuivi, avec les parties prenantes, la mise en œuvre des accords de Nouméa, dont vous étiez signataire, monsieur le sénateur, et que nous avons fixé – ce n'était pas évident – la date du 12 décembre prochain pour la tenue de la troisième consultation référendaire prévue par ces accords.
M. Rémy Pointereau. Ce n'est pas la question !
M. Jean Castex, Premier ministre. Vous auriez également constaté que nous avons éclairé les parties, de manière approfondie et comme jamais auparavant, sur les conséquences du « oui » et du « non »,…
M. Pierre Frogier. À la bonne heure !
M. Jean Castex, Premier ministre. … que nous avons mieux fixé les orientations pour l'après-12 décembre, quel que soit le résultat du scrutin, et que nous avons réaffirmé – je réponds ainsi à votre question, monsieur le sénateur –, après le Président de la République et avec le ministre des outre-mer, notre souhait fort que le choix des Néo-Calédoniens soit celui de la France !
Nous avons donc réaffirmé plus que jamais la stratégie de la France dans l'Indo-Pacifique, et ce quelles que soient les décisions totalement contestables du gouvernement australien.
Je veux néanmoins vous rappeler que celui qui s'humilie, c'est celui qui renie sa signature.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Jean Castex, Premier ministre. Ainsi, contrairement à ce que vous dites, nous sommes loin, très loin, de l'indifférence que vous avez cru déceler dans notre attitude.
J'en profite pour signaler au Sénat que, à l'inverse, nous manifestons en permanence notre pleine solidarité à l'égard de ce territoire, la Nouvelle-Calédonie, frappé par la covid-19, un sujet que vous n'avez pas évoqué dans votre question.
La situation sur ce front s'améliore, vous le savez ; nous en sommes à 223 cas pour 100 000 habitants, alors que nous en étions à 1 300 cas voilà quelques semaines.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Ce n'est pas la question !
M. Jean Castex, Premier ministre. La vaccination progresse en Nouvelle-Calédonie ; c'est une excellente chose.
Cette solidarité se manifeste par des renforts que la métropole envoie vers l'île, comme elle l'a fait pour tous les territoires ultramarins. Il y a ainsi, en permanence, 300 personnes venues de métropole qui aident nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie, et, je vous l'annonce, nous allons renforcer notre aide de cinq lits de réanimation supplémentaires, par l'envoi d'un détachement du service de santé des armées.
Donc, oui, monsieur le sénateur Frogier, sur ce sujet comme sur tous les autres, le gouvernement de la République est pleinement mobilisé ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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