M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préambule, je tiens à faire part de la solidarité de l'ensemble des membres du groupe CRCE aux populations d'outre-mer, qui luttent actuellement contre la vie chère et contre la fracture républicaine dont elles sont victimes depuis maintenant trop longtemps.
Madame la ministre, le 25 novembre approche, date symbolique de la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes.
Ces violences, aggravées par la précarité, laquelle conduit parfois à la marchandisation des corps, existent partout : au sein du domicile familial, sur le lieu de travail, dans la rue ou encore sur internet.
C'est pour dénoncer ces violences qu'une foule immense a défilé à Paris le 20 novembre dernier. Autant de manifestants sont encore attendus samedi à Marseille.
Je sais – vous l'avez expliqué précédemment, madame la ministre – que vous avez tout bien fait ! Malheureusement, les chiffres sont là et ils ne sont pas bons. L'autosatisfaction dont vous faites preuve n'en est que plus indécente.
Durant le confinement, le nombre des appels pour signaler des violences conjugales a triplé et il continue d'augmenter. Le 18 novembre 2021, on dénombrait 101 féminicides, soit déjà 11 de plus qu'en 2020. Au total, 543 femmes ont perdu la vie depuis 2017.
Madame la ministre, quand allez-vous enfin prendre la mesure de la gravité de la situation et mettre en place un véritable plan ambitieux de lutte contre ces violences insupportables ?
(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur diverses travées.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je pensais qu'il fallait partir, puis revenir, pour avoir droit à une ola, mais ce n'est finalement pas le cas !
(Sourires.)
Monsieur le sénateur Bacchi, puisque vous avez commencé par évoquer la situation en Guadeloupe, je tiens à vous dire que je n'ai pas le sentiment que l'on puisse parler d'une fracture républicaine dans ce territoire.
M. Pascal Savoldelli. De quoi, alors ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour le reste, nous avons pris la mesure des violences faites aux femmes et compris l'impérieuse nécessité de lutter contre elles. À cet égard, je vous rappellerai un certain nombre des mesures que nous avons prises, ne vous en déplaise !
D'abord, nous avons déployé dans toutes les juridictions de ce pays des bracelets anti-rapprochement. Dès qu'un tel bracelet est utilisé, la Chancellerie en prévoit immédiatement un nouveau.
Nous avons déployé 3 036 téléphones grave danger, ce qui évite des infractions au quotidien, des plus légères aux plus graves.
Nous avons accéléré la procédure des ordonnances de protection, qui sont aujourd'hui rendues en six jours, soit une accélération de 140 %, monsieur le sénateur.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est grâce au Parlement !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous avons augmenté le budget de la médecine légale de 30 %, cette hausse étant naturellement consacrée aux victimes. Nous avons mis en œuvre le dépôt de plainte à l'hôpital, 80 conventions ayant été signées à ce jour entre les parquets et les hôpitaux. Nous avons augmenté de 25 % le budget de l'aide aux victimes. Nous avons mis en place la réalité virtuelle pour le suivi des auteurs. Nous avons ouvert 27 centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales et 3 autres sont en cours d'ouverture. Nous avons considérablement augmenté les capacités d'hébergement des victimes et des auteurs de violences.
Mme Éliane Assassi. Et les femmes qui sont mortes ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces éléments, monsieur le sénateur, me permettent de vous dire très clairement que nous avons pris la mesure du problème. Bien sûr, notre travail n'est pas terminé !
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.
M. Jérémy Bacchi. Je commencerai par vous répondre d'une phrase sur la Guadeloupe, monsieur le garde des sceaux, puisque vous êtes intervenu sur ce sujet : lorsque l'égalité républicaine ne vaut pas partout sur l'ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer, je considère qu'il y a une fracture républicaine.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La loi est la même partout !
M. Jérémy Bacchi. Ce que nous demandons, monsieur le garde des sceaux, c'est que soit opéré un véritable virage politique global et qu'un budget ambitieux soit alloué à la lutte contre les violences faites aux femmes, comme l'ont fait d'autres pays européens, à l'instar de l'Espagne. Pas moins de 1 milliard d'euros sont nécessaires !
Un tel budget permettrait l'adoption et la mise en œuvre de la loi-cadre que nous appelons de nos vœux depuis des années, la création d'unités de police spécialisées et surtout formées, un réel accompagnement des victimes, le renforcement de la prévention et la prise en charge des auteurs de telles violences, et ce dès le plus jeune âge.
La France doit être au rendez-vous. À défaut, nous considérerions que, dans ce pays, la condition de millions de femmes vaut malheureusement bien moins de 1 milliard d'euros.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bravo !
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