M. le président. La parole est à M. Alain Cadec, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec. J'ai bien entendu Clément Beaune, précédemment, mais ma question s'adresse à Mme la ministre de la mer.
Madame la ministre, le 9 janvier 2020 était conclu l'accord sur le Brexit, lequel comprenait un volet sur la pêche négocié dans les dernières heures des négociations afin d'éviter le no deal tant redouté.
Cet accord prévoit que nos pêcheurs peuvent continuer de pêcher, notamment dans les eaux des îles anglo-normandes, s'ils répondent à un certain nombre de conditions, en particulier s'ils remplissent un critère d'antériorité. Toutefois, les Britanniques refusent aujourd'hui d'attribuer un grand nombre de licences.
Vous nous avez affirmé il y a peu, à grand renfort de formules chocs, que la France ne resterait pas les bras croisés face à cet oukase. Or, lors du G20 de Rome, le Président de la République a appelé, à la suite d'une rencontre avec Boris Johnson, « à une désescalade ». S'agit-il d'un désaveu s'agissant d'éventuelles mesures de rétorsion ?
Cerise sur le gâteau, madame la ministre : la semaine dernière, vous avez annoncé brutalement et sans concertation au monde de la pêche, réuni à Saint-Pol-de-Léon, que le règlement de la crise nécessiterait un plan de sortie de flotte pour les navires n'ayant pas obtenu la licence à laquelle ils peuvent prétendre.
Madame la ministre, nous sommes passés de « nous sommes prêts à leur couper l'électricité » à « nous sommes prêts à détruire nos navires pour les satisfaire ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Quel grand écart !
Le monde de la pêche est abasourdi, révolté, écœuré ! Nous assistons à une reddition sans condition à la suite du diktat des Britanniques. En effet, c'est une humiliation pour la France de devoir accepter la destruction de ses navires pour satisfaire les Anglais !
Madame la ministre, les pêcheurs réclament non pas de l'argent, mais le droit d'exercer leur métier.
Cette décision, si elle était confirmée, serait inique et démontrerait une fois de plus notre faiblesse en Europe et votre incapacité à mobiliser nos partenaires de l'Union européenne.
Madame la ministre, le Gouvernement confirme-t-il cette capitulation ou est-il prêt à se ressaisir et à défendre les intérêts de nos pêcheurs ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la mer.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le sénateur Alain Cadec, nous nous connaissons depuis très longtemps. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment pouvez-vous imaginer que je puisse renoncer ? Je pense que vous connaissez très bien ma réponse à votre question. Cela fait maintenant onze mois que nous nous battons et nous n'allons pas cesser de le faire.
Je suis régulièrement sur le terrain auprès des professionnels. Je me suis expliqué avec eux lors des assises de la pêche et des produits de la mer, ainsi que, dimanche, dans les Hauts-de-France.
Quelle est la vérité ? La vérité, c'est que, depuis onze mois, nous ne cessons de monter les dossiers techniques réclamés par le Royaume-Uni. La vérité, c'est que nous nous battons quotidiennement pour obtenir des licences : le Gouvernement, les professionnels, les élus, sauf ceux qui, en ce moment, ont besoin d'être un peu plus médiatisés et en oublient l'intérêt général !
(Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Où en sommes-nous des licences ? Aujourd'hui, nous avons obtenu 85 % d'entre elles, il nous en manque 15 %. Pour les Britanniques, c'est un détail ; pour moi, c'est capital. Alors je continue de me battre pour chacune d'elles. Je me bats ainsi, notamment, pour l'armement Porcher, que vous connaissez bien. Cet armement extrêmement dynamique achète régulièrement de nouveaux navires, mais les Britanniques disent que ceux-ci n'ont pas d'antériorité. Nous leur expliquons qu'il s'agit de navires de remplacement. À cet égard, nous avons fait une proposition, qui a été reprise par la Commission européenne et qui est en cours de discussion depuis treize heures aujourd'hui entre le commissaire européen aux affaires maritimes et à la pêche et le ministre britannique de la pêche.
La négociation continue et nous irons jusqu'au bout, je l'ai dit aux pêcheurs. Ils sont d'ailleurs, si vous regardez la totalité de leurs déclarations, toujours derrière le Gouvernement et toujours alignés avec le plus grand nombre.
Un sénateur du groupe Les Républicains. C'est faux !
Mme Annick Girardin, ministre. Ils ont effectivement annoncé aujourd'hui leur volonté de faire entendre leur voix à travers des manifestations et c'est normal. Cela fait des mois qu'ils font preuve de patience ; cela fait maintenant onze mois qu'ils attendent des réponses alors qu'on leur avait dit qu'ils en auraient au bout d'un mois.
Qu'est-ce qu'a redit le Président de la République ?
Mme Sophie Primas. Rien !
Mme Annick Girardin, ministre. Il a laissé ouvert un espace de dialogue, mais indiqué qu'une date limite au dialogue devait être fixée. C'est à la Commission européenne qu'il appartient de la donner au Royaume-Uni. Ce sera sans doute chose faite dans les heures qui viennent.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur le sénateur, l'instrumentalisation politique…
(Protestations et marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annick Girardin, ministre. … ne me fera pas dévier. Je serai là pour chaque pêcheur, jusqu'au bout, et j'emploierai tous les outils nécessaires pour les soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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