M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, la diplomatie française est particulièrement active ces derniers temps.
Elle s'active non pas, hélas ! pour négocier un accord ambitieux pour le climat ; pour lever les brevets des vaccins afin d'en finir avec la pandémie ; pour promouvoir les droits humains et obtenir la libération de prisonniers politiques comme Ramy Shaath, qui est emprisonné en Égypte depuis près de neuf cents jours ou pour s'opposer à la nomination d'un tortionnaire à la tête d'Interpol.
Non, la France s'active pour réhabiliter sur la scène internationale le prince saoudien assassin Mohammed Ben Salman ; pour vendre des Rafales à l'Égypte et aux Émirats arabes unis, qui serviront notamment à moderniser les bombardements de civils au Yémen.
La France s'active pour participer aux préparatifs de la Coupe du monde en 2022 au Qatar, tout en fermant les yeux sur les 6 500 ouvriers esclaves morts sur les chantiers de ces stades pharaoniques à usage unique.
La France s'active encore pour transmettre à l'Égypte des renseignements militaires, qui ont entraîné dix-neuf bombardements et la mort de milliers de civils. Quand l'alerte est lancée par un média indépendant, que fait la France ? Elle porte plainte pour violation du secret de la défense !
La France s'active pour honorer du plus haut grade de la Légion d'honneur le président al-Sissi pour l'ensemble de son œuvre de piétinement des droits humains.
Monsieur le Premier ministre, la France met aujourd'hui en œuvre une realpolitik cynique à l'efficacité douteuse, sur laquelle le Parlement est mal informé et peu consulté, s'agissant en particulier des ventes d'armes sur lesquelles votre gouvernement se targuait pourtant d'avoir amélioré la transparence.
Ma question est simple : notre diplomatie, longtemps fer de lance d'une politique qui se voulait humaniste, n'a-t-elle désormais pour fonction que de rééquilibrer notre balance commerciale, quoi qu'il en coûte ?
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de m'associer, au nom du gouvernement de la République, à l'hommage que vous venez de rendre à Mme Catherine Fournier.
Monsieur le président Gontard, c'est peu dire que je ne partage pas l'appréciation que vous portez sur le récent contrat signé par l'entreprise Dassault.
(MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido s'en amusent.)
Je rappelle à la représentation nationale que notre politique d'exportation d'armes, sur laquelle portait votre question, est un pilier de notre diplomatie et de notre politique de défense et qu'elle fait partie intégrante de la réponse globale de la France aux enjeux sécuritaires.
Cher président, vous avez surtout omis de rappeler que cette politique d'exportation s'inscrit dans un cadre normatif national et international. Elle est conforme à nos engagements internationaux en matière de maîtrise des armements, de désarmement, de non-prolifération, de régulation du commerce des armes et d'interdictions relatives à certaines armes ou destinations, conformément à l'article 51 de la Charte des Nations unies.
Dois-je vous rappeler que la France a été l'un des tout premiers pays à ratifier le traité sur le commerce des armes ? Je pense aussi à la position commune 2008/944 de l'Union européenne définissant les règles régissant le contrôle des exportations de technologie et d'équipements militaires. Là encore, la France a été à l'initiative !
Dois-je vous rappeler également – surtout ici au Sénat ! – que le Gouvernement a porté la plus grande attention aux travaux conduits par Jacques Maire et Michèle Tabarot sur les exportations de matériels de guerre et de biens à double usage ?
Nous avons adopté une série de mesures pour améliorer encore notre système de contrôle des exportations, afin de renforcer l'information apportée par le Gouvernement au Parlement. Il s'agit d'offrir une vision d'ensemble des priorités gouvernementales dans le domaine du contrôle des exportations des matériels de guerre et des biens à double usage.
Dans ce cadre, cher président Gontard, nous revendiquons et nous assumons la signature récente d'un très important contrat prévoyant l'acquisition de 80 avions de combat Rafale par les Émirats arabes unis et de 12 hélicoptères Caracal. Ce contrat résulte d'un partenariat ancien, matérialisé par des accords de défense et la présence de bases françaises aux Émirats arabes unis. L'une d'entre elles, je le rappelle, a été récemment indispensable au bon déroulement de l'opération Apagan, qui a permis l'évacuation de ressortissants français, européens et de pays tiers, ainsi que celle des Afghans menacés en raison de leurs liens avec la France.
Je rappelle que ce contrat confortera plusieurs milliers d'emplois dans les 400 entreprises françaises œuvrant pour le programme Rafale. En outre, mesdames, messieurs les sénateurs, celui-ci fait suite à plusieurs contrats de vente, qui confirment l'excellence de la technologie française autour du groupe Dassault.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. MM. Olivier Cadic, Bruno Retailleau et Philippe Mouiller applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, les Émirats arabes unis respectent-ils leurs engagements internationaux ? Respectent-ils les droits humains ? Non !
Vous ne respectez donc pas la position commune de l'Union européenne sur les ventes d'armes. C'est là un triste signal à la veille de la présidence française du Conseil de l'Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
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