M. Guy Benarroche appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur le sujet du contournement routier de la ville d'Arles.
À l'étude depuis vingt-cinq ans, ce contournement autoroutier, visant notamment à décharger la route nationale (RN) 113 de la circulation des poids lourds (qui représente 20 % du trafic) a été repoussé pour 2038 par le rapport du conseil d'orientation des infrastructures de 2018 .
Plusieurs tracés avaient pourtant fait l'objet d'une concertation dans les années 2000, mais pas le tracé dit V6 .
Un rapport de décembre 1996 avait conclu que : « ce tracé est très destructeur (..), en tout état de cause, il s'agit d'une variante à abandonner ».
Pourtant, c'est bien ce tracé qui est aujourd'hui retenu.
Dans la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, le projet de ce contournement est cependant réapparu sous la forme d'une seule des sept possibilités étudiées : le V6.
Ce projet a déjà nécessité le déclassement d'une partie du parc naturel régional de Camargue, son impact sur la biodiversité serait très dommageable et irréversible.
L'atteinte porterait aussi sur des zones Natura 200, des zones humides d'importance internationale, sur des terres agricoles, rizières mais surtout sur plus de 50 ha de foin de Crau, seul à bénéficier d'une appellation d'origine contrôlée
(AOC).
Une concertation publique a été lancée en toute fin d'année 2020 présentant au public le V6 comme la seule modalité de ce contournement.
Les écologistes locaux se battent encore et toujours contre ce projet qui va à l'encontre de la nécessité actuelle de penser autrement les mobilités, en dehors du « tout route », « tout camion ».
Les modes de transport alternatifs existent, le rail et le fluvial doivent être envisagés.
Alors que la France s'en engagée dans une stratégie nationale bas carbone, la mise en place de ce contournement risque de provoquer un appel d'air de camions, une augmentation du trafic de ces véhicules qui récupéreront des marchandises arrivant par bateaux polluants au grand port de Marseille, pour continuer sur l'arc méditerranéen vers l'Espagne et l'Italie et le nord de l'Europe via la route.
Le projet de concertation retient une hypothèse de + 0,4 % de progression du trafic poids-lourds, mais en comparant les projections de trafic à l'horizon 2028 avec ou sans le contournement, la réalisation du contournement engendre un accroissement de 1 100 véhicules jours soit + 1,7 %.
De plus, ce projet de concertation ne mentionne aucun chiffre sur un possible report sur le fret ferroviaire.
Aussi il lui demande comment elle justifie que la seule solution envisagée soit aussi la seule qui n'avait pas été présentée à la concertation publique car la plus écocide malgré son cout très élevé, et comment elle explique l'intégration d'un tel projet « tout route » dans la politique ambitieuse de transports que défend selon lui le Gouvernement pour faire face à l'urgence environnementale et a la crise climatique.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 1473, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Guy Benarroche. Madame la secrétaire d'État, il y a plus de vingt-cinq ans, à l'époque où la biodiversité était une lubie de fantasques écolos, et où l'on pensait à fermer des lignes ferroviaires pour mettre le fret sur la route, le contournement routier d'Arles avait donné lieu à l'étude de sept trajets, afin de décharger la route nationale 113 de son flot déjà important de camions, lesquels représentaient 20 % du trafic.
Parmi les trajets envisagés, le tracé V 6, n'avait pas fait l'objet de concertation, étant, selon le rapport Astier de 1996, « très destructeur […], en tout état de cause il s'agit d'une variante à abandonner ». Quelques années plus tard, le rapport Duron, demandé par le Gouvernement, a repoussé ce projet non prioritaire à 2038. Ce dernier réapparaît en 2019, avec le tracé V 6 pour seul trajet envisagé.
Ce projet a déjà déclassé une partie du Parc naturel régional de Camargue. Au-delà, l'atteinte porterait sur des zones Natura 2000, des zones humides importantes, des terres agricoles et des rizières, mais aussi sur les 50 hectares de foin de Crau, seule appellation d'origine contrôlée (AOC) existant pour le foin… Ces impacts sur la biodiversité seraient très dommageables et irréversibles !
Une concertation publique, lancée à quelques jours des fêtes de fin d'année, a présenté au public le tracé V 6 comme étant la seule modalité de contournement, réussissant par là même l'exploit de liguer contre lui fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA), environnementalistes, éleveurs de taureaux et de chevaux, riziculteurs, chambre d'agriculture, défenseurs de la nature, scientifiques et écologistes !
Nous nous battons d'autant plus contre ce projet qu'il va à l'encontre de la nécessité actuelle de penser autrement les mobilités en dehors du « tout route » et du « tout camion ».
Alors que la France s'est engagée dans une stratégie bas-carbone, la mise en place de ce contournement provoquera une augmentation du trafic de camions récupérant les marchandises qui arrivent au grand port maritime de Marseille. En comparant le trafic à l'horizon de 2028, l'accroissement serait ainsi de l'ordre de 1 100 véhicules par jour. Le projet de concertation n'étudie même pas une possibilité de report du fret routier sur le fret ferroviaire !
Comment justifiez-vous que la seule solution envisagée soit aussi la seule qui n'ait pas été présentée à la concertation publique, alors qu'elle est la plus écocide et présente le coût le plus élevé ?
Comment expliquez-vous l'intégration d'un tel projet « tout route » dans la politique ambitieuse de transports que prétend défendre le Gouvernement, pour faire face à l'urgence environnementale et à la crise climatique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Benarroche, vous interrogez le Gouvernement à propos du projet de contournement autoroutier d'Arles, sur lequel une nouvelle concertation s'est achevée au terme de deux mois de dialogue.
Le projet a pour objectif, à la fois, d'assurer le dernier maillon de la continuité autoroutière entre l'Espagne et l'Italie, et de délester la ville d'Arles d'un trafic intense. En répondant à ces enjeux, il vise à améliorer le cadre de vie des riverains, la sécurité routière et le développement économique local sur un territoire aux enjeux environnementaux absolument incontestables.
Il a d'ailleurs été réaffirmé dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, dont j'ai eu l'honneur d'être la rapporteure sur le volet « infrastructures » ; je profite de ma réponse pour vous signifier de nouveau toute ma préoccupation à l'égard de l'impact environnemental de ces infrastructures.
Depuis deux ans, l'État a engagé la remise à niveau des études et des analyses qui avaient conduit à retenir en 2005 le fuseau V 6, dit variante « Sud Vigueirat », de la famille de solutions « sud intermédiaires », lequel a été présenté à la concertation locale qui vient de s'achever. Selon les études, cette option apporterait la meilleure réponse aux différents objectifs évoqués. S'agissant des impacts environnementaux de l'opération, les études menées jusqu'ici ont permis de suivre la démarche nécessaire visant à éviter, réduire et, au besoin, compenser toute incidence sur l'environnement, afin de préserver la richesse de la biodiversité. Cette démarche sera poursuivie avec toute mon attention !
En complément de cet aménagement routier, des efforts très importants sont engagés par l'État et les collectivités pour développer le report modal de la route vers le fer, comme en témoignent les projets structurants en cours de développement dans la région.
Vos préoccupations, qui rejoignent celles exprimées lors de la concertation, sont légitimes ; soyez assuré que le maître d'ouvrage détaillera les réponses qui permettront de préfigurer les suites à donner à ce projet complexe. L'ensemble de ces éléments alimentera ainsi utilement les étapes suivantes du projet, notamment l'étude d'impact, l'avis de l'autorité environnementale et l'enquête publique.
Nous n'en sommes encore qu'au début du chemin !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. J'espère, en effet, que nous n'en sommes qu'au début du chemin, d'autant que tous les syndicats, les associations environnementales et scientifiques – comme la Tour du Valat –, mais aussi les riziculteurs, les éleveurs de bovins, d'ovins et de chevaux sont tous vent debout contre ce trajet, qui est le seul à avoir un impact aussi négatif sur la biodiversité !
En outre, comme il s'agit d'un projet autoroutier, les camions seront obligés d'en payer l'utilisation, si bien qu'une grande partie d'entre eux préférera continuer à emprunter la route nationale qui traverse Arles.
Ce projet n'a donc que des aspects négatifs !
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