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Antoine Lefèvre
Question orale N° 1760 au Ministère de l'éducation


Offre médicale et zones de revitalisation rurale

Question soumise le 15 juillet 2021

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la difficulté majeure que rencontrent les territoires ruraux en termes d'accès aux soins. D'une part, une population vieillissante qui nécessite une offre de soins permanente, d'autre part et parallèlement, un déficit qui n'incite pas des familles à s'installer. Dans le sud du département de l'Aisne, parce que certaines intercommunalités sont classées en zone de revitalisation rurale (ZRR), offrant ainsi des avantages fiscaux durant plusieurs années à tout médecin s'y installant, les communes limitrophes sont alors pénalisées, alors que le besoin en médecin y est aussi criant. Il n'est pas rare de voir des cabinets médicaux se vider, soit par un départ en retraite, non remplacé faute de candidat, soit par le déménagement d'un médecin vers une ZRR, et ce malgré la mise à disposition d'un logement gratuit. Or, le médecin généraliste constitue un marqueur de l'accès aux soins, comme démontré dans le « baromètre santé-social » publié en décembre 2020 à l'initiative de l'association des maires de France (AMF). Ainsi les territoires hors ZRR sont doublement pénalisés et souhaiteraient une modification des deux critères retenus, actuellement fixés à 63 hab/km² et un revenu fiscal par unité de consommation médian inférieur ou égal à 19 111, leur permettant ainsi une inscription en ZRR.

Il lui demande si le Gouvernement entend évoluer sur ce dossier.

Réponse émise le 21 juillet 2021

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 1760, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Antoine Lefèvre. Vous ne méconnaissez pas, madame la secrétaire d'État, les difficultés majeures que rencontrent les territoires ruraux en matière d'accès aux soins.

Alors que les zones rurales connaissent une population vieillissante, qui nécessite une offre permanente de soins, cette dernière ne cesse de s'étioler, un phénomène qui n'incite pas de nouveaux ménages à s'installer, ce qui prive ces territoires d'une redynamisation précieuse.

Une concurrence s'installe alors entre les territoires. Par exemple, dans le sud du département de l'Aisne, certaines intercommunalités sont classées en zone de revitalisation rurale, ou ZRR, et offrent ainsi, pendant plusieurs années, des avantages fiscaux à tout médecin s'y installant. Cela pénalise les communes limitrophes, alors que le besoin en médecins y est également criant.

Des zones de patientèle de 5 000 personnes n'ont déjà plus de couverture médicale ou bien sont en passe de ne plus en avoir. Il n'est pas rare de voir des cabinets médicaux se vider, soit par un départ en retraite non remplacé faute de candidats, soit par le déménagement d'un médecin vers une ZRR, malgré la mise à disposition d'un logement gratuit, par exemple.

En janvier 2020, dans leur rapport d'information sur les déserts médicaux, nos collègues Hervé Maurey et Jean-François Longeot signalaient que les dispositifs actuels visant à inciter les médecins à s'installer dans les zones sous-denses étaient nombreux, mais dispersés entre une pluralité d'acteurs et parfois peu lisibles.

En outre, ces dispositifs n'ont, à ce jour, jamais fait l'objet d'un recensement ni d'une évaluation générale, comme l'avait relevé, en 2017, la Cour des comptes.

Dans le département dont je suis élu, jusqu'à 50 % des médecins généralistes ont plus de 60 ans, et la couverture oscille entre 94 et 129 médecins généralistes pour 10 000 habitants, soit le taux le plus bas de l'Hexagone. Ajoutez à cela un taux d'accueil très moyen pour les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap, et vous obtenez une photographie alarmante de l'état de notre couverture médicale.

Madame la secrétaire d'État, ne serait-il pas judicieux, soit de songer à réviser les critères des ZRR, malgré l'annonce de leur disparition au 31 décembre 2022, soit de refondre en intégralité les conditions des aides entre État, collectivités et assurance maladie ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. Vous l'avez dit, monsieur le sénateur Lefèvre, le défi démographique que nous devons relever aujourd'hui est absolument considérable.

Le nombre des médecins généralistes ou spécialistes en accès direct qui exercent en libéral est en baisse régulière depuis 2010, baisse d'ailleurs susceptible de se poursuivre jusqu'en 2025. Le Gouvernement a très tôt fait de l'accès aux soins l'une des priorités du quinquennat, ce qui nous a conduits à déployer un panel de solutions diverses, adaptables à chaque territoire et à chaque contexte local.

Nous avons surtout choisi de faire confiance aux acteurs de territoire pour construire des projets innovants, dans le cadre d'une responsabilité territoriale. Cette stratégie est la plus proche, donc la plus gagnante. La dynamique autour des communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, a, par exemple, été très éclairante et tout à fait concrète dans cette capacité d'innover en matière d'accès aux soins.

Au travers de ces dispositifs, les professionnels de santé d'un même territoire sont incités à s'organiser entre eux, ce qui contribue à créer de l'unité pour répondre aux besoins de santé de la population.

Il s'agit de trouver des médecins traitants pour des patients qui en sont dépourvus – je sais, monsieur le sénateur, que vous connaissez des gens dans cette situation, qui se répand dans nos territoires –, de garantir l'accès à des consultations sans rendez-vous et en journée, ou encore d'améliorer le parcours de soins des personnes les plus âgées.

La crise de la covid a incontestablement constitué une sorte de révélateur de la capacité à mobiliser très rapidement les acteurs sur nos territoires pour organiser une prise en charge plus rapide des soins. Un certain nombre des mesures que nous avons mises en place, de par leur caractère structurant, ne peuvent avoir encore d'effet immédiat. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons pris des dispositions ayant des impacts à plus brève échéance.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples : la création des 4 000 postes d'assistants médicaux pour seconder ou appuyer des médecins dans leurs tâches administratives et soignantes ; le déploiement de 600 médecins généralistes dans les territoires prioritaires, dont 200 priorisés vers les territoires ruraux et en exercice partagé entre une structure hospitalière et une structure ambulatoire ou salariée.

J'en suis convaincue, monsieur le sénateur, c'est une mobilisation avec différents leviers qu'il faudra mettre en place pour démultiplier les efforts et persévérer. Nous devons faire en sorte que la situation s'améliore ; la tension est trop forte.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Madame la secrétaire d'État, il est effectivement primordial que le Gouvernement et les autorités de santé portent une attention toute particulière à cette question, pour faire en sorte que, dans un avenir proche, certains citoyens de notre République ne soient pas condamnés à être dramatiquement isolés des pôles d'accès aux soins.

Il faudra aussi veiller à limiter les distorsions suscitées par les dispositifs mis en œuvre entre les différents territoires.

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