Mme Laurence Harribey interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie, sur la filière spatiale.
La direction d'ArianeGroup a annoncé vouloir supprimer 2 500 emplois directs, correspondant à plus d'un quart des effectifs actuels, d'ici à la fin de 2024 ; et donc les compétences et le savoir-faire en découlant. Si ce plan n'est pas stoppé, ce sont 7 500 emplois directs et indirects qui seraient touchés.
Tous les sites d'ArianeGroup en Allemagne et en France seraient concernés, dont trois établissements en Gironde avec 3 500 emplois directs. Certains sites verraient leurs effectifs diminués de plus de 30 %, avec les répercussions importantes sur les territoires où sont implantés ces établissements.
Dans ce même horizon, des échéances majeures pour la filière spatiale sont programmées, notamment les premiers lancements Ariane 6 à partir de la fin 2022 et une interministérielle européenne de l'espace, également à la fin 2022.
Elle lui demande donc de porter une attention particulière à ce plan annoncé et de rassurer les travailleurs de la filière en réaffirmant l'attachement de la France à la politique spatiale européenne.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 1823, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur une thématique proche, mais pas sur le même secteur.
La filière spatiale est une industrie de pointe, vitrine européenne d'une coopération réussie. ArianeGroup en est un exemple, qui démontre la faisabilité d'une mise en commun de laboratoires, de bureaux d'études, de moyens de production, du savoir et des compétences.
Le domaine spatial, on le sait tous, a fortement évolué depuis quelques années. De nouveaux acteurs sont apparus ; je pense au programme SpaceX, mais également aux programmes de la Chine et de l'Inde.
Des échéances majeures pour la filière spatiale sont programmées, notamment les premiers lancements d'Ariane 6, à partir de la fin de l'année 2022.
Dans ce contexte, la direction d'ArianeGroup avait annoncé en 2018 vouloir supprimer 2 300 emplois directs, soit plus d'un quart des effectifs actuels d'ici à la fin de l'année 2024. Le 23 septembre dernier, le groupe a annoncé la suppression de 600 postes en Gironde, touchant ainsi 3 500 emplois directs, ce qui aura des répercussions évidentes sur l'ensemble du territoire girondin et au-delà.
Plus globalement, c'est l'ensemble de la filière spatiale qui risque d'être fragilisée. Elle mérite pourtant une politique européenne solide, de long terme, la priorité devant être donnée à l'utilisation des lanceurs.
Monsieur le secrétaire d'État, comment se positionne le Gouvernement face à l'annonce de ce plan ? Pouvez-vous nous dresser l'état des lieux de la stratégie française en matière de politique spatiale ? Comment articuler le maintien et le développement des sites industriels français et la dimension européenne indispensable dans ce secteur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice, je veux rappeler ici l'engagement de long terme du Président de la République, du Premier ministre, de Bruno Le Maire mais également de Frédérique Vidal, pour la filière française du spatial.
Le plan France 2030, annoncé la semaine dernière, a fait de la maîtrise spatiale, que ce soit dans le domaine des satellites ou dans celui des lanceurs, y compris réutilisables, un élément essentiel de la politique industrielle des années à venir, avec deux priorités. D'abord, l'action se conçoit au niveau européen, comme vous l'avez dit, car c'est un secteur qui est très largement tiré par l'Europe. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 consacre près de 15 milliards d'euros au budget spatial, dans le cadre d'un règlement récemment adopté par le Conseil et le Parlement de l'Union européenne, à l'issue de négociations ayant duré plus de deux ans et qui ont vu la France impliquée très fortement. Le règlement s'inscrit dans la droite ligne de la stratégie spatiale pour l'Europe, adoptée en 2017.
Le programme Galileo, dont la première génération doit être prochainement achevée, sera ainsi financé à hauteur de 8 milliards d'euros. Il vise à offrir des services de navigation, positionnement et timing plus précis que l'état de l'art. Copernicus, programme d'observation de la Terre, sera pour sa part financé à hauteur de 4,8 milliards d'euros. Le solde correspond à de nouvelles initiatives envisagées au sein du futur règlement sur l'espace, portant sur la surveillance de l'espace et les communications sécurisées.
Un accord franco-allemand a enfin été obtenu le 21 juillet 2021, après plus de six mois de négociations. Il consacre la préférence européenne en matière de lanceurs et ouvre la voie au succès commercial d'Ariane 6. C'est un pas historique pour la filière française et européenne des lanceurs.
Je veux également citer les annonces du plan France 2030. Si nous regardons, madame la sénatrice, les entreprises qui ont eu les meilleures performances, et notamment SpaceX, on constate qu'elles sont très souvent le fait de nouveaux venus. Ce que nous voulons, c'est à la fois accompagner Ariane et faire en sorte qu'émergent, dans les années à venir, notamment grâce à d'abondants financements publics, les futurs champions européens du spatial, qui doivent nous permettre de reconquérir le terrain perdu.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Merci de cette réponse, monsieur le secrétaire d'État. Mon analyse est quelque peu différente : la réponse européenne ne suffit pas à régler les problèmes territoriaux, et il y a un décalage entre la politique européenne et les réalités territoriales. Vous répondez par le long terme. D'accord, mais n'oubliez pas ce que disait Keynes : à long terme, nous serons tous morts ! Il faut donc aussi des politiques de transition, des politiques de court terme.
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