M. Pierre Ouzoulias attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la multiplication des appels à projets. Ainsi ont récemment été publiés différents appels à projets pour permettre de dépenser les crédits des investissements d'avenir
(« Programmes et équipements prioritaires de recherche exploratoires », « Excellence sous toutes ses formes », « Accélération des stratégies de développement des établissements d'enseignement supérieur et de recherche »).
Il l'interroge notamment sur le bien-fondé de financer, par ce biais, certaines actions qui devraient logiquement relever de crédits récurrents comme le financement de postes d'appui à la recherche prévus dans le cadre de l'appel « Accélération des stratégies de développement des établissements d'enseignement supérieur et de recherche ». Il rappelle en effet que ces postes d'appui à la recherche sont utiles à tous les établissements de recherche et qu'il serait dommageable que seuls certains puissent en bénéficier.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 1957, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, dans l'exposé des motifs d'un récent appel à projets, le Gouvernement considère que « la capacité d'un établissement à développer et à diversifier ses sources de financement est devenue essentielle » pour « assurer le recrutement et l'accompagnement des étudiants ».
Cet appel à projets est donc destiné à aider les équipes chargées de répondre aux appels à projets. Cette mise en abyme est quelque peu burlesque, et j'aimerais vous demander, cum grano salis, si le Gouvernement a prévu un appel à projets pour aider ces équipes à répondre à cet appel à projets pour répondre aux appels à projets… (Sourires.) C'est sans fin !
Je crains que ce changement dans le mode de financement de l'enseignement supérieur et de la recherche ne dévoile finalement une évolution radicale de paradigme. Progressivement, les établissements seront aidés en fonction non plus de leur investissement pédagogique et scientifique, mais de leur capacité à autofinancer leurs missions de service public. L'excellence est non plus scientifique, mais managériale.
Les universités sont mises en péril par le décalage croissant entre le montant de la dotation de l'État, qui est stable, et le nombre d'étudiants, qui ne cesse, lui, d'augmenter. Face à cette crise budgétaire, madame la ministre, la seule réponse de votre gouvernement est-elle de les aider à trouver ailleurs leurs financements ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Pierre Ouzoulias, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de ma collègue Frédérique Vidal, qui m'a chargée de vous répondre en son nom.
Tout d'abord, je tiens à vous rassurer, ce gouvernement n'oppose pas les universités entre elles. Il croit plutôt à l'importance de l'augmentation des moyens récurrents des laboratoires. C'est d'ailleurs tout le sens de la loi de programmation de la recherche (LPR) que nous avons portée.
Cette loi, promulguée en décembre de l'année dernière, apporte un soutien inédit de 25 milliards d'euros supplémentaires au cours des dix prochaines années et de 500 millions d'euros supplémentaires dans le budget du ministère dès cette année. C'est tout simplement dix fois plus, en une année, que sous l'ensemble du précédent quinquennat ! Ces financements nous permettront de revaloriser l'ensemble des personnels scientifiques et de mieux financer la recherche, qu'elle soit en base ou par appel à projets.
Par ailleurs, les nouveaux moyens que le Gouvernement affecte à l'Agence nationale de la recherche (ANR) favorisent la solidarité entre les équipes dans les laboratoires et le soutien des établissements et des politiques de sites : 73 millions d'euros supplémentaires seront mis à la disposition des établissements et des laboratoires.
Les moyens de base de ces derniers seront également renforcés. Ils l'ont été en 2021 et le seront de nouveau en 2022, puisque le budget des universités et des organismes de recherche augmente de 127 millions d'euros.
Enfin, à la faveur de la LPR, une feuille de route spécifique pour les sciences humaines et sociales (SHS) a été mise en place : elle permet notamment d'augmenter de 50 % les délégations d'enseignants-chercheurs à l'Institut des sciences humaines et sociales du CNRS à partir de 2020, et cela pour un coût annuel de 900 000 euros, ainsi que l'ouverture, à compter de 2021, de 374 semestres de congés pour recherche ou conversion thématique pour les enseignants-chercheurs en SHS, pour un coût de 2,2 millions d'euros.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, avec la LPR, mais aussi avec France Relance et France 2030, ce gouvernement investit massivement dans l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, comme aucun gouvernement ne l'a jamais fait.
Pour Frédérique Vidal comme pour les autres membres du Gouvernement, c'est un signe de confiance dans notre jeunesse. Je salue d'ailleurs Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, qui vient de nous rejoindre.
Nos enseignantes, nos enseignants, nos chercheuses et nos chercheurs sont armés pour relever les défis qui s'offrent à nous.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. C'est une réponse que j'aurais pu écrire, madame la ministre… Il ne s'agit pas de refaire le débat sur la LPR. Malheureusement, la réalité des faits ne correspond pas du tout à vos déclarations.
Aujourd'hui, les universités sont face à une crise comme jamais elles n'en ont connu. Elles sont au bord de la banqueroute. Je pense notamment à l'université de Nanterre, dans mon département, qui a le taux d'encadrement le plus faible de France.
J'aurais espéré que vous me répondissiez avec les mots de la ministre chargée de la recherche. Selon elle, « l'excellence ne peut pas se décliner sur un moule unique ; on ne peut pas piloter la diversité de l'enseignement supérieur avec le classement de Shanghai. » En cela, je suis tout à fait d'accord avec elle. Toutefois, avec les 800 millions d'euros apportés…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Ouzoulias. Désolé d'être trop long, monsieur le président. J'ai terminé !
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