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M. Stéphane Ravier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme des procédures de liquidation judiciaire.
L'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (dite « AGS ») joue un rôle essentiel dans la gestion des liquidations judiciaires, elle permet de recouvrir les salaires des employés d'une entreprise notamment en faillite ou en cours de rachat. L'AGS va occuper une place de premier plan ces prochains mois pour atténuer les conséquences économiques de la crise du Covid-19. Dès 2022, les faillites, qui n'ont pas encore eu lieu du fait des aides de l'État, vont se multiplier. La société d'assurance-crédit Euler Hermes prévoit en 2022 plus de 60 000 défaillances, c'est-à-dire une augmentation de 32 % par rapport à l'année 2020. Au total, près de 750 000 emplois vont probablement être détruits. L'AGS va donc avoir un rôle essentiel à jouer afin de permettre à des milliers de salariés de percevoir leur salaire autant que cela sera possible. La réforme, par ordonnance, voulue par le Gouvernement s'attaque à ce système, pourtant équilibré, et dont la place n'a jamais été aussi essentielle.
Cette réforme met en danger l'équilibre actuel des choses en supprimant le « superprivilège » salarié, c'est-à-dire la place primordiale donnée à l'AGS dans l'ordre de répartition des créances. Une hiérarchie était pourtant établie, elle permet de privilégier les salariés en mettant leur « superprivilège » au troisième rang des créanciers. L'ordonnance prise par le Gouvernement change cet ordre en le faisant passer à la sixième place. Jusqu'à maintenant, 80 % des créances allaient au « superprivilège » ce qui représentait 40 % des recettes de l'AGS. Selon le président de l'AGS, cette réforme coûtera 300 millions d'euros au régime. Ce dernier déplore la déstabilisation d'un modèle « socialement généreux et financièrement vertueux» le tout sur fond de crise sociale et économique. Seul le conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (dit « CNAJMJ ») approuve une réforme qui vise seulement son intérêt en donnant des privilèges aux administrateurs judiciaires ou mandataires, leur permettant de percevoir des sommes extrêmement importantes qui n'iront plus aux salariés, mais à d'autres créanciers notamment aux banques d'affaires.
Pour une réforme aussi importante, le fait de recourir à une ordonnance sans passer par un débat parlementaire apparaît comme une injustice démocratique. La totalité des syndicats représentatifs des chefs d'entreprises et des salariés sont d'accord sur ce point. L'AGS remplit un rôle « d'amortisseur social » selon le secrétaire général du syndicat Force ouvrière. Par ailleurs, le Mouvement des entreprises de France (dit « MEDEF») s'oppose formellement à cette mesure. Son Président délégué explique que cette réforme va contraindre les entreprises à payer plus, ce qui dans le contexte actuel est très mal venu. Il leur faudrait multiplier par quatre leurs cotisations pour compenser les pertes engendrées par la réforme. L'autre solution pour l'AGS sera de réduire la prise en charge salariale des employés, mais en ces temps de crises la mesure est fort peu indiquée. Cette réforme n'a pour seuls bénéficiaires que les administrateurs et mandataires judiciaires.
Aussi, il lui demande quels sont l'intérêt et l'objectif recherchés par ce projet d'ordonnance, qu'aucune organisation salariale ou patronale ne souhaite, et qui menace de déséquilibrer un système économique et social précieux, a fortiori en temps de crise.
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