M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, le 13 janvier dernier, le Gouvernement demandait à EDF d'augmenter de 20 % le volume de l'électricité issue de la filière nucléaire vendue à prix réduit à ses concurrents dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), et ce afin de contenir à 4 % la hausse des tarifs.
Cette décision, dont le coût est évalué à ce jour à 8 milliards d'euros, dessine de sombres perspectives pour un fleuron national déjà lourdement fragilisé.
Pour mémoire, EDF enregistre une dette de 44 milliards d'euros ; sa cotation boursière a récemment chuté ; les perspectives pour ce qui concerne la production d'électricité d'origine nucléaire pour 2022 ont été révisées à la baisse en raison de l'arrêt de certains réacteurs dans le cadre notamment de leur maintenance ; EDF est également victime du retard pris et du surcoût lié au projet d'EPR – European Pressurized Reactor – de Flamanville ; l'entreprise devra en outre consentir des investissements colossaux dans les années à venir pour entretenir le parc nucléaire existant, mais aussi en prévision de son renouvellement ; enfin, je rappellerai le retrait du projet Hercule.
Même si les annonces gouvernementales pour sauvegarder le pouvoir d'achat des Français sont louables, elles suscitent nombre d'interrogations et d'inquiétudes, notamment dans cet hémicycle. Elles vont aussi largement profiter aux concurrents d'EDF, sans certitude que cela se répercute sur leurs clients.
Monsieur le ministre, EDF doit faire face à beaucoup trop d'injonctions contradictoires : fermeture de Fessenheim, renouvellement du parc nucléaire, grand carénage et, aujourd'hui, mise à contribution pour contrer la hausse du coût de l'énergie. Cette équation insoluble met en danger l'entreprise et compromet gravement son avenir.
À l'heure où tout le monde parle de souveraineté énergétique et où la France prend la présidence du Conseil de l'Union européenne, quelles perspectives entendez-vous tracer pour EDF, qui concourt depuis 1946 à la stratégie énergétique de la France ? Comptez-vous donner à EDF les moyens de ses ambitions ?
(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Gérard Longuet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur, je vous rejoins totalement : EDF est une grande entreprise nationale, qui fait la fierté de tous les Français. Cette entreprise a toujours répondu présent lorsque notre pays a connu des difficultés d'approvisionnement, des tempêtes ou des accidents climatiques. Je veux donc rendre un hommage appuyé aux plus de 160 000 salariés d'EDF à travers le monde, dont 130 000 en France, qui contribuent à cette fierté nationale.
Je l'ai dit en réponse à une autre question, l'État a toujours été aux côtés d'EDF. Lorsque le groupe a eu besoin, pour des recapitalisations, qu'il renonce à ses dividendes, il a chaque fois répondu présent. Il sera toujours présent, pour EDF et pour ses salariés.
Effectivement, nous demandons un effort aujourd'hui, comme l'État, lui-même, en a fait. Une seule et unique raison à cela : protéger les Français et les entreprises françaises contre une augmentation des prix qui aurait été insupportable.
(Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Baissez les taxes !
M. Bruno Le Maire, ministre. Imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, les millions de contribuables modestes, les millions de foyers modestes, qui, ouvrant leur courrier le 1er février, aurait découvert une facture d'électricité en augmentation de 35 % ou 40 %. Cela aurait été insupportable pour les ménages, comme pour les entreprises !
Maintenant, nous voulons ouvrir des perspectives de long terme.
La première a été rappelée par le Président de la République : nous entendons faire d'EDF un des leaders mondiaux de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
Mme Sophie Primas et M. Bruno Sido. Il est temps !
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Président de la République, le Premier ministre, l'ensemble de la majorité, tous nous avons fait un choix clair en faveur de cette construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Cela constitue, pour EDF, une réelle perspective de développement.
La deuxième concerne le marché européen de l'énergie. Je répète ce que j'ai déjà dit à ce propos – je persiste et je signe –, le fonctionnement du marché européen de l'énergie est aberrant.
(Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Voilà cinq ans que ça ne va pas !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne vois pas pourquoi la France aurait à payer son électricité au coût marginal d'ouverture des centrales à gaz dans les pays d'Europe de l'Est.
M. Pierre Charon. Certes, mais changez cela !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous voulons payer notre électricité au coût moyen de production en France ! Nous voulons en avoir pour notre argent – et à hauteur de nos investissements dans le nucléaire !
Une bonne fois pour toutes, il faut décorréler le coût de l'électricité produite en France de celui que représente la mise en route de centrales à gaz dans le reste de l'Europe.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Sylvie Vermeillet, MM. André Guiol et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. Fabien Gay. On n'a pas toujours tort !
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