M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. Christian Cambon. Monsieur le président, le groupe Les Républicains, auquel j'appartiens, s'associe à l'hommage que vous avez rendu à notre regretté collègue Olivier Léonhardt, qui était élu de la région Île-de-France.
Monsieur le Premier ministre, « malheur et honte aux oppresseurs du peuple malien » : voilà bien ce qu'on entend maintenant régulièrement dans les manifestations hostiles à la France au Mali, alors que nous y sommes présents depuis plus de huit ans, que 58 de nos soldats y ont laissé la vie et que des centaines de blessés en garderont une marque pour toujours.
Dans cette fuite en avant, la junte malienne a manifestement décidé de faire jouer à la France le rôle de bouc émissaire de toutes ses propres difficultés.
La liste des humiliations que le Mali nous fait actuellement subir est suffisamment longue pour que notre gouvernement y apporte une véritable réponse.
En effet, nos accords militaires ont été dénoncés : ils nous liaient depuis des années. Une très grande partie de l'espace aérien du Mali nous est interdit à la demande des milices Wagner. Ces milices, qui sont de véritables soudards des temps modernes, s'installent définitivement dans la perspective de nous chasser et de prélever un tribut sur les ressources et les moyens financiers de ce malheureux pays, ce dont il n'avait guère besoin. Dernier événement en date, le Danemark, qui avait manifesté sa volonté de contribuer à l'effort que nous portons avec Takuba, a été éconduit et ses soldats ont dû rentrer chez eux. Humiliation suprême, notre ambassadeur a été rappelé sous 72 heures, ce qui donne plutôt l'impression qu'il a été expulsé.
Face à ces provocations délibérées, la France ne peut rester impuissante. Sinon, la crédibilité de notre pays en subira les conséquences non seulement en Afrique, mais aussi en Europe. Le temps de tirer le bilan des échecs, des erreurs et de tout ce qui a pu être mal fait dans cette affaire viendra plus tard.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Respectez votre temps de parole !
M. Christian Cambon. Ma question est très simple : que comptez-vous faire ? Allez-vous décider de rester au Mali contre la volonté de ses dirigeants, au risque de pénaliser nos soldats et de risquer leurs vies ? Souhaitez-vous vous installer au Burkina Faso, qui sort très affaibli d'un coup d'État ? Convient-il d'aller au Niger, alors qu'il ne veut pas accueillir Takuba ? Ou bien au Tchad, qui est distant de 2 600 kilomètres ? Voilà le véritable problème.
(Marques d'impatience sur les travées du groupe SER, où l'on signale que le temps de parole de l'orateur est écoulé.)
Monsieur le Premier ministre, dites au Sénat ce que vous comptez faire par respect pour nos concitoyens et pour les 58 soldats qui ont fait pour nous le sacrifice de leur vie !
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel ainsi que MM. Philippe Bonnecarrère et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Cambon, je reprends la parole sur ce sujet après avoir répondu au président Kanner.
Vous avez parlé d'humiliation. Il y a incontestablement une très grave crise politique avec le Mali.
Que vouliez-vous que notre pays fît d'autre ?
La France, dont je réponds devant vous de l'action, a très fermement condamné – elle n'est d'ailleurs pas la seule – tout ce que vous avez précisément décrit et qui doit être imputé à la seule junte militaire malienne. Effectivement, ce régime a, entre autres, décidé de renvoyer notre ambassadeur.
Je vous rappelle que le représentant de la Cédéao au Mali a également été renvoyé, et que le Danemark a été éconduit, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président Cambon.
Mais permettez-moi de dire qu'il ne s'agit pas d'une humiliation !
Je le redis, que vouliez-vous que notre pays fît d'autre ?
Auriez-vous voulu que l'on approuve le coup d'État ? Le fait que le régime malien renvoie notre ambassadeur montre que nous avons parfaitement bien fait en condamnant les événements avec la fermeté dont nous avons fait preuve !
(Exclamations sur plusieurs travées.)
Certes, le renvoi de notre ambassadeur est un élément nouveau dans la stratégie globale de notre présence dans cette région du monde. Nous devons faire évoluer notre dispositif opérationnel pour lutter contre le terrorisme, non seulement au Mali, mais aussi dans d'autres pays de la région, comme le Niger.
J'insiste sur ce point : le problème concerne non pas uniquement les relations entre la France et le Mali, mais la lutte contre le terrorisme international. L'Europe est au rendez-vous : les ministres des affaires étrangères des pays de l'Union européenne, réunis le 24 janvier, vont prendre des sanctions contre le Mali. La Cédéao s'est également réunie, comme vous le savez. Dans ce cadre multilatéral, nous travaillons pour déterminer la nature de notre réaction et faire évoluer notre dispositif.
Je reviens à la question qu'a posée le président Kanner. Le Parlement mérite évidemment d'être parfaitement informé de cette situation. Je le dis : sur ce sujet extrêmement important, en plus des travaux des commissions parlementaires, le Gouvernement organisera un débat sur la base de l'article 50-1 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot ainsi que MM. Pierre Louault et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
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