M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Madame la ministre, les récentes révélations de maltraitance protéiforme à l'égard des résidents d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) gérés par plusieurs groupes privés ont provoqué un tsunami, suscitant des réactions de toute part.
Et pourtant !
En 2014, Claude Évin, alors directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, a alerté le ministère de la santé sur des pratiques de rétrocommissions dans des Ehpad du groupe Korian. Il réclamait alors « une réforme d'ampleur de la tarification des Ehpad ».
Au mois d'octobre 2018, des représentants syndicaux se sont adressés au Président de la République pour lui signaler une situation explosive, mais le rendez-vous fixé avec une conseillère a été annulé. La ministre des solidarités et de la santé de l'époque débloqua en urgence 50 millions d'euros, mais s'inquiétait d'une forme d'« Ehpad bashing ».
Le 30 janvier 2018 a été une journée de mobilisation des personnels des Ehpad, qui dénonçaient leurs conditions de travail, incompatibles avec la dignité qui devrait accompagner leurs missions et l'accueil des résidents en Ehpad.
Au mois de mars 2018, nos collègues Michelle Meunier et Bernard Bonne remettaient un rapport d'information dans lequel ils formulaient vingt-quatre propositions pour apporter des solutions immédiatement exploitables. Ils envisageaient également une réforme ambitieuse de la dépendance, devenue impérieuse.
Ces sonnettes d'alarme, tirées à maintes reprises, se sont perdues, non pas dans l'indifférence, mais plutôt dans la culpabilité d'une société qui n'osait regarder le sort réservé à ses aînés.
Madame la ministre, pourquoi a-t-il fallu attendre la sortie de l'enquête de ce journaliste pour entendre les voix des personnels, leur désarroi, celui des résidents et des familles ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Monsieur le sénateur Alain Milon, votre manière de poser cette question me navre.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous savez très bien l'action que je mène depuis mon arrivée et celle que j'ai menée en tant que présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) – j'ai été la première à demander un rapport d'urgence sur les Ehpad, dès mon arrivée en 2017. Depuis cette date, nous n'avons cessé de travailler avec les acteurs.
Permettez-moi de vous rappeler le plan ambitieux, que nous avons lancé et que vous avez voté, sur la réforme de l'autonomie. Vous l'avez tous salué sur ces travées.
(Mme Sophie Primas s'exclame.)
Vous le savez bien, il s'agit d'un secteur en grande difficulté, pas depuis cinq ans, mais depuis quinze ou vingt ans. Certains l'ont relevé avec beaucoup d'acuité, d'autres sont beaucoup plus nuancés dans leurs propos, parce que chacun doit balayer devant sa porte ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le souhaite vraiment, il le faut !
En ce moment, les personnels sont en souffrance. Croyez-vous que nous le découvrons ? Des familles nous parlent, témoignent ! Je veux vous dire que je suis à leurs côtés et combien nous les entendons.
Nous sommes donc en train de travailler. Affirmer qu'il ne s'est rien passé entre-temps est inadmissible. Vous savez bien que des contrôles inopinés ont lieu lorsqu'il y a des signalements.
Mme Valérie Boyer. Jamais !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il n'y en a sans doute pas assez. N'est-il pas curieux – ce serait ironique, si ce n'était pas si dramatique – que des groupes qui agissent très mal réclament aujourd'hui des contrôles ? Les voleurs demandent plus de gendarmes ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est inadmissible.
Nous devons replacer le débat où il doit être : lorsque des groupes ont mis un système en place, il faut les débusquer.
M. Jacques Grosperrin. Répondez à la question !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur Milon, vous êtes trop avisé dans cette affaire pour ignorer que ces contrôles sont parcellaires, qu'il faut plusieurs pièces du puzzle pour réunir et surveiller tout un système. Les contrôles dans les établissements sont réalisés et l'on ne peut pas laisser dire aujourd'hui que, en France, cela ne serait pas le cas.
Il faut remettre tout à plat, mais surtout travailler dans la sérénité et non de cette manière. Deux contrôles de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) feront la lumière sur cette affaire. Tout le reste doit être repensé, nous y travaillons pour conforter le secteur ; je vous invite à y participer.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Madame la ministre,quiddes contrôles non faits et pourtant prescrits par la loi ?
Mme Valérie Boyer. Bravo !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Vous avez besoin de contrôles pour travailler, vous ?
M. Alain Milon. Quidd'une insuffisance de personnel, responsable de la maltraitance involontaire ?
Quidd'une diversité de l'offre que l'on ne propose pas à nos anciens ?
Quidd'une grande loi sur le grand âge, toujours promise, jamais réalisée, devenue l'Arlésienne ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Nous avons traversé une crise sanitaire ! Y en a-t-il eu une en 2008 ?
M. Alain Milon. La mandature qui vient doit évidemment être celle durant laquelle le grand âge sera une grande cause nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
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