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Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les conditions de fermeture par le groupe Unilever de l'usine Knorr de Duppigheim (Bas-Rhin) et du plan social qui l'accompagne.
Début octobre, les 261 salariés de l'usine auront été licenciés, puis les 20 000 m² de l'usine (déjà fermée) seront démantelés. Une partie des machines iront en Pologne et en Roumanie. Les indemnités supra-légales de ceux qui se retrouvent sur le carreau ont été calculées au plus juste : 6 mois de salaire et 2 000 € par année de présence pour des partants dont la moitié a plus de 50 ans et aura du mal à retrouver un emploi. Une enveloppe bien loin de celle accordée aux salariés français licenciés ces dernières années par des groupes internationaux de taille similaire, comme Dunlop ou Goodyear.
Or, l'usine alsacienne n'était pas un handicap économique. Selon un document confidentiel auquel a eu accès la presse, les ventes de soupes sur le marché français ont permis de faire remonter entre 2015 et 2020 140 millions d'euros de bénéfices net au groupe Unilever. La motivation est l'optimisation financière : d'après les mêmes données fournies par la direction financière de Knorr au conseil économique et social de l'entreprise, la fermeture de l'usine de Duppigheim générera une économie de 13 millions d'euros par an.
Or, le groupe avait engagé les démarches depuis plusieurs années pour se débarrasser du site et de ses salariés dans leur dos. Dès 2019, le cabinet LHH a été chargé en secret de trouver un repreneur : la direction de l'entreprise est aujourd'hui assignée devant le tribunal correctionnel pour délit d'entrave au fonctionnement des instances représentatives. L'audience est pour novembre. En attendant, aucun acquéreur n'a montré de signe d'intérêt pour cette usine.
La stratégie de réduction d'activité a débuté quelques années plus tôt. Le service Ressources et développement (R&D) de l'entreprise avait commencé à être délocalisé. Il avait été suivi de l'activité « mélange » en 2014. La tonne de soupe fabriquée a été « délocalisée » en Bretagne, passant ainsi de 400 € dans l'usine Knorr à 315 € dans les ateliers bretons : Knorr peut continuer à afficher sur ses briques de potages 5 légumes le fameux « fabriqué en France ». Depuis, le site alsacien ne fabrique plus que l'emballage. Cette baisse de charge préméditée a donc fourni le prétexte à la direction de Knorr pour la fermeture du site. Une décision prise sans aucune volonté de négociation. La fin de l'usine de Duppigheim s'inscrit dans un mouvement global de désengagement d'Unilever en France.
Ce groupe international, basé aux Pays-Bas et spécialiste des montages financiers et juridiques facilitant les délocalisations, s'était illustré voici quelques années en tentant d'empêcher les salariés de reprendre l'usine Fralib de Gémenos : ils ont eu après une longue lutte gain de cause et leur marque « 1336 » fonctionne bien.
Unilever n'a qu'un objectif : améliorer les profits des actionnaires alors même que le groupe affiche une santé éclatante et n'a pas été affecté par la crise sanitaire. En 2020, Unilever a dégagé 5,6 milliards de bénéfices pour 50,7 milliards de chiffre d'affaires (10 % de marge nette) ! Mieux que Danone : 1,9 milliard pour 23,6 milliards de chiffre d'affaires.
Aujourd'hui, Unilever ne possède plus que trois usines en France. Il fait peu de doutes qu'elles courent désormais un danger.
Elle lui demande donc ce que compte faire le Gouvernement pour contrôler les conditions du plan social, pour dénoncer une législation nationale et européenne qui permet ainsi des délocalisations financières. Elle lui demande également de quels outils compte se doter l'État pour prévenir de telles opérations de déshabillage progressif de site industriel justifiant après coup leur fermeture.
Cette question n'a pas encore de réponse.
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