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Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les inquiétudes grandissantes quant au financement de la recherche spatiale. En 2020, la tutelle du secteur spatial français est passée du ministère de la recherche au ministère de l'économie, pour la première fois depuis 60 ans. Pour le centre national d'études spatiales (CNES), ce transfert constitue un changement sans précédent. Chargé de la mise en œuvre des programmes spatiaux publics, contributeur essentiel du développement des lanceurs (Ariane) et de l'innovation, le CNES a toujours été un acteur-clé de la recherche scientifique à l'échelle nationale, européenne et internationale. Il s'appuie sur un vaste réseau de laboratoires universitaires – avec le CNRS et le CEA – et d'entreprises industrielles. Cet écosystème est « l'une des grandes originalités du CNES » et « l'une de ses forces principales », selon les mots mêmes du Premier ministre.
Or le ministre de l'économie, le 6 décembre 2021, a livré un discours précisant sa vision de la stratégie spatiale française, semblant opposer recherche scientifique spatiale et nouvelles applications commerciales : la priorité du programme spatial français devrait être désormais l'« aventure industrielle » et de rejoindre le « monde de la compétitivité et du financement ».
On ne peut que souhaiter que notre économie tire profit du savoir-faire français dans le spatial. Mais ce projet ne pourra réussir dans la durée si l'État se détourne de la recherche spatiale sous prétexte de favoriser l'innovation industrielle.
Au-delà des connaissances et des services qu'elle apporte, la recherche a toujours été le principal moteur de l'innovation dans l'espace. De nombreuses start-up se créent sur des développements issus de la recherche. Les sciences de l'espace doivent continuer à jouer ce rôle pour que l'écosystème spatial français continue de se développer.
L'évolution du secteur spatial français ne doit donc pas se faire aux dépens de la recherche scientifique. Or, dès 2021, les ressources allouées aux missions scientifiques du CNES annoncées sont telles que tous les projets qui devaient commencer dans les 4 prochaines années pourraient être annulés.
Ce serait un retrait déshonorant de la France des collaborations internationales dans lesquelles elle vient de s'engager. Il est à craindre une perte de confiance de nos partenaires étrangers comme de la communauté scientifique française, suivie d'une perte des compétences dans les laboratoires. Cet assèchement de notre tissu scientifique affectera la formation des jeunes et la coopération européenne. Ce serait une erreur stratégique grave.
Pourquoi, à l'inverse, ne pas mobiliser la communauté scientifique dans le renouveau de l'aventure spatiale ? Les projets de recherche peuvent impliquer des entreprises de toute taille. On pourrait ainsi concevoir qu'une partie volet spatial du plan France 2030 – 1,5 milliard d'euros sur les 30 milliards engagés – soit ouverte à des projets de recherche scientifique, comme le demande une soixantaine de grands noms de la recherche française, et ne soit pas réservée aux seuls développements industriels commerciaux. Des partenariats laboratoires-CNES-entreprises trouveraient là des applications utiles et inspirantes.
Elle lui demande donc ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour garantir les financements de la recherche spatiale, tout en dégageant de nouveaux fonds pour soutenir le développement des applications industrielles. Elle lui demande de bien vouloir lui indiquer si le ministère de l'économie compte bien respecter la parole du Premier ministre qui a tenu à réaffirmer la spécificité du CNES lors de son 60ème anniversaire.
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