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Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le Premier ministre sur les conséquences dramatiques des injonctions contradictoires adressées à EDF.
Deux événements placent EDF dans une situation financière intenable.
Primo, l'État (propriétaire de 83% du capital) exige d'augmenter le volume d'électricité vendue à prix réduit aux fournisseurs alternatifs (officiellement pour ménager le pouvoir d'achat des consommateurs) ; il s'agit ainsi d'ajouter un volume de 20 térawattheures (TWh) d'électricité vendue à prix bas aux fournisseurs alternatifs (même si celui-ci a été temporairement relevé de 42 à 46,2 € le mégawattheure (MWh).
Secundo, des problèmes techniques ont réduit le volume produit : EDF a annoncé que l'un des réacteurs nucléaires de Penly, en Seine-Maritime, était lui aussi touché par un problème de corrosion sur le système de sécurité, déjà détecté sur quatre autres réacteurs mis à l'arrêt. En conséquence, la prévision 2022 de production d'électricité nucléaire a été ramenée à une fourchette de 300 à 330 TWh, contre 330-360 TWh auparavant. EDF se retrouve donc avec 50 TWh en moins, qu'il ne pourra donc vendre sur le marché normal où il aurait profité des prix actuels de l'ordre de 200€/MWh).
Or EDF a déjà pré-vendu sa production pour 2022 : pour fournir les 20TWh supplémentaires, EDF devra les racheter sur le marché au prix fort (environ 300€/MWh) ou aux clients auxquels ils ont été vendus… pour les revendre à ses concurrents qui à leur tour les revendront à leurs clients. Ubuesque ! Cette mesure coûtera près de 8 Mds€ d'EBITDA (ou Excédent Brut d'Exploitation) à EDF (soit le prix d'un EPR, sans retard) et déséquilibrer son bilan, freiner ses nécessaires investissements et le maintien d'un haut niveau d'entretien des installations stratégiques, lui faire perdre la confiance des investisseurs, augmenter l'impact négatif des mesures gouvernementales sur l'entreprise et mettre en péril la cotation de l'action… Les prochains jours sont cruciaux pour l'avenir de l'entreprise publique.
Elle s'étonne qu'on fasse porter par EDF les coûts élevés du dysfonctionnement du marché de l'électricité, de sa dérégulation et des règles européennes pour la fixation des prix de l'électricité (qui fait évoluer les prix de l'énergie sur la base du prix du gaz, sauf la plus polluante, celle produite grâce au charbon !), alors même que cette dernière est déjà scandaleusement pénalisée par le dispositif ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) et l'obligation de vendre à prix cassé sa production à ses concurrents ! Elle ne comprend pas pourquoi l'État n'a pas d'abord massivement (et temporairement) baissé les taxes, dont la TVA, pour limiter la hausse des prix à 4%. L'État se décharge de cette exigence financière en fragilisant EDF et obère notre avenir énergétique.
La ministre de la transition écologique a indiqué que l'État serait au coté d'EDF, il aurait surtout dû ne pas la mettre dans ces graves difficultés !
Elle lui demande donc de lui indiquer les décisions qu'il compte prendre pour assurer le redressement rapide de la situation d'EDF et s'il compte procéder à une recapitalisation comme l'annoncent certains médias. Si tel était le cas sous quelle forme et à quel niveau aurait-elle lieu ?
Elle lui demande également s'il ne serait pas préférable de procéder à une renationalisation d'EDF (coût estimé de 5 Mds€).
Pour profiter de la présidence française de l'Union européenne, n'est-il pas temps d'exiger des instances européennes une révision de l'organisation du marché de l'énergie, notamment la fixation des prix, ceux de l'électricité en premier lieu ?
Elle lui demande enfin que le Gouvernement s'engage à présenter dans les plus brefs délais au Parlement un bilan de la libéralisation du secteur énergétique et à organiser un débat public sur l'avenir de ce secteur.
Cette question n'a pas encore de réponse.
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