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M. Pierre Ouzoulias interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à propos de sa stratégie pour la « science ouverte » et de ses conséquences pour les éditeurs et la liberté des chercheurs à choisir leurs supports de publication.
En juillet 2022, dans un guide publié sous son sceau, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a engagé activement les chercheurs à publier leurs productions scientifiques sans céder leurs droits, par le biais d'une licence libre protégeant le manuscrit soumis et toutes ses versions successives.
Ce même guide explique que l'utilisation de cette licence les affranchirait des dispositions de l'article L. 533-4 du code de la recherche qui leur imposent de respecter un délai de six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine, et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales avant de mettre à disposition gratuitement leurs écrits scientifiques.
Aussi, il lui demande de lui préciser le raisonnement juridique par lequel ses services délient les chercheurs du respect de la loi.
Le 1er décembre 2022, le centre national de la recherche scientifique (CNRS) a demandé à ses agents « d'appliquer la stratégie de non-cession des droits d'auteur » et donc de ne pas respecter les dispositions de l'article L. 533-4 du code de la recherche. Le 14 décembre 2022, France université a invité « les établissements d'enseignement supérieur et de recherche à annoncer officiellement leur soutien à cette exigence ». Enfin, l'agence nationale pour la recherche (ANR), dans son règlement financier relatif aux modalités d'attribution des aides, approuvé le 30 juin 2022, impose à ses bénéficiaires de mettre à disposition sous licence libre les publications issues des projets qu'elle finance.
Les chercheurs et les enseignants-chercheurs qui dépendent de ces établissements ou qui bénéficient des financements de l'ANR sont donc contraints par la nécessité de trouver un éditeur qui accepterait de publier des manuscrits protégés par une licence libre (CC-BY). Il souhaite savoir si cette nouvelle obligation est respectueuse de leur liberté académique et plus généralement, s'ils peuvent toujours choisir librement leurs supports de publication.
Dans un rapport commandé par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, rendu public en juin 2022, l'auteure souligne la fragilité économique des éditeurs scientifiques publics dont le chiffre d'affaires est fortement dépendant de leurs ventes sur support papier ou numérique. Elle considère que « le maintien, voire l'augmentation, des ventes papier et du chiffre d'affaires est nécessaire pour construire l'équilibre des structures engagées dans la science ouverte ».
Il est incontestable que la mise à disposition gratuite, sans délai d'embargo, des écrits scientifiques va dépourvoir les éditeurs publics et priver de ressources financières et fragiliser ainsi un secteur de l'édition pourtant essentiel pour la diffusion de la connaissance et le pluralisme de la pensée. Cette stratégie de licence libre va davantage pénaliser les éditeurs des sciences humaines et sociales alors que leurs productions éditoriales progressent considérablement et qu'ils ont publié 9 101 nouveautés en 2019, contribuant ainsi à une valorisation très efficace des résultats de la science.
Il lui demande donc quels moyens budgétaires supplémentaires elle a prévu de mobiliser pour assurer la pérennité économique des éditeurs publics et privés dépossédés d'une partie de leurs ressources financières.
Cette question n'a pas encore de réponse.
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