M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
(Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, l'affaire des Uber files a mis au grand jour les conflits d'intérêts entre le Gouvernement et les multinationales en dévoilant les relations entre Emmanuel Macron ministre de l'économie et l'entreprise Uber, qui n'est est pas une entreprise banale : tout le monde sait ici qu'elle fraude et applique un modèle prédateur.
Tout cela dépasse le cadre normal des relations entre la puissance publique et les intérêts particuliers de cette entreprise. Si un ministre de l'économie rencontre et échange avec les représentants d'intérêts privés, il n'en oublie jamais le sens de l'intérêt général.
Après la privatisation des décisions publiques par les cabinets de conseil McKinsey, après qu'on a confié à BlackRock, premier gestionnaire d'actifs du monde, l'épargne des Français, voilà qu'Uber aurait eu l'oreille du pouvoir pour guider la casse du code du travail dans notre pays ?
Ma question est simple – j'ignore encore qui va me répondre – : pouvez-vous nous donner des garanties sur l'indépendance des choix publics de l'État vis-à-vis des géants de la finance, de leurs influenceurs et lobbyistes ?
(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Savoldelli, je voudrais d'abord vous demander d'excuser Bruno Le Maire, qui n'a pu être parmi nous aujourd'hui.
(Exclamations ironiques sur de nombreuses travées.)
M. Jean-François Husson. Comme d'habitude !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ne vous donnez pas cette peine…
Mme Cécile Cukierman. Il ne vient jamais ici !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis heureux que la première question au Gouvernement à laquelle j'ai l'honneur de répondre soit posée au Sénat, et juste après que la présidente Sophie Primas eut pris la parole : j'ai eu l'occasion de travailler avec elle au cours de mon mandat précédent, et elle m'a montré qu'on peut travailler ensemble avec le souci du compromis.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Répondez à la question !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Un ministre de l'économie rencontre des agents économiques ; un ministre de l'industrie rencontre des agents de l'industrie, et je le ferai.
Certes, Uber n'est pas une entreprise comme les autres. Elle a d'abord une part de lumière. Vous le savez, monsieur le sénateur, car, dans le Val-de-Marne, elle a mis le pied à l'étrier à de nombreux jeunes, à qui elle a offert un premier pas vers un emploi pérenne.
(Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas un emploi !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Mais cette entreprise a une part d'ombre, comme vous l'avez dit : la fiscalité, la précarité, la difficulté à obtenir de l'information sur la manière dont elle conserve les données.
Mais je peux vous dire une chose, monsieur le sénateur : le ministre de l'économie de 2016 et le ministre de l'économie qui lui a succédé depuis 2017 n'ont jamais déroulé le tapis rouge à cette entreprise.
(Protestations à droite.)
Qui a poussé la régulation des géants du numérique, monsieur le sénateur ? C'est la France ! Qui a convaincu le monde de mettre en place une fiscalité pour les géants du numérique, sous l'impulsion du Président de la République et de Bruno Le Maire ? C'est la France !
(Marques de dénégation sur les travées du groupe CRCE.)
Nous continuerons donc à discuter avec toutes les entreprises dont nous souhaitons qu'elles s'installent en France et qu'elles y créent de l'emploi.
M. Fabien Gay. Uber n'a jamais créé d'emplois !
Mme Cécile Cukierman. Taxez les entreprises pour financer le pouvoir d'achat !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Sans concession, dans la transparence, mais avec volonté !
(M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. La question est grave. Je le redis avec solennité, monsieur le président : notre groupe vous a écrit pour demander la mise en place d'une commission d'enquête ou d'une commission interparlementaire.
Entre la réponse apportée hier par le Président de la République, qui n'en était pas une et qui s'est distinguée par son arrogance et sa vulgarité, et ce que nous venons d'entendre à l'instant, vous comprendrez, monsieur le président, que nous voulions des éléments de vérité, et davantage d'humilité !
Les Gafam réalisent 243 milliards d'euros de bénéfices. Et vous prétendez – cocorico ! – que votre bilan est bon et avoir fait ce qu'il fallait. J'ai regardé les chiffres : après l'accord sur la taxation, Uber a payé en France 2,3 millions d'euros. Capital, ma source – j'ai de bonnes références ! –, qualifie cette somme d'impôt « lilliputien » ! Et vous osez prétendre que votre méthode nous place sur la bonne trajectoire !
S'agissant des jeunes de mon département, je vois que vous les connaissez mieux que moi ! Quel est votre message pour eux, entre ce que vous venez de dire et les propos tenus hier par le Président de la République ? C'est de mon milieu d'origine que nous parlons, et je suis choqué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. J'en viens aussi !
M. Pascal Savoldelli. Vous dites à un jeune de banlieue, qui vit dans les quartiers populaires, que s'il reste dans son quartier, il n'aura rien – sauf à être engagé dans des activités répréhensibles –, ou alors, c'est Uber. Mais qu'est-ce à dire ? De quel espoir s'agit-il ? La boîte noire, le contrôle permanent par un algorithme ?
(Marques de dénégation au banc du Gouvernement.)
M. le président. Il faut conclure.
M. Pascal Savoldelli. Franchement, ce n'est pas sérieux. Ayez un peu plus de respect pour les jeunes des quartiers populaires, comme pour les jeunes des zones rurales ! Du respect ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
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