M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement a finalement changé de politique et décidé de rapatrier collectivement toutes les femmes et les enfants des djihadistes…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Non !
M. Roger Karoutchi. … retenus en Syrie.
Pourquoi ?
(Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. Parce que !
(Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Karoutchi, je suis tenté de vous répondre : « Parce que »,…
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. La question mérite mieux !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … mais cela ne vous conviendrait pas, ce que je puis comprendre.
En réalité, nous n'avons rien changé.
Tout d'abord, nous procédons à des rapatriements chaque fois que c'est possible en termes de sécurité pour nos agents, auxquels, bien sûr, je veux rendre hommage.
Ensuite, notre doctrine n'a pas évolué d'un millimètre : il faut que les femmes concernées demandent à être rapatriées.
Enfin, leur rapatriement donne lieu à une judiciarisation systématique. À cet égard, j'indique que toutes les femmes rapatriées ont fait l'objet d'un mandat de dépôt, sauf une pour raisons médicales.
Ces femmes ont choisi de nous combattre là où elles sont allées. C'est un acte volontaire, qui mérite que nous judiciarisions et que nous le fassions avec toute la sévérité requise.
Vient ensuite le problème des enfants, à l'égard desquels nous avons un devoir d'humanité et de vigilance.
Nous avons un devoir d'humanité, parce que ce sont des enfants, parce qu'ils n'ont rien demandé, parce qu'ils sont Français et parce qu'ils sont, comme le disent certains pédopsychiatres, des « bombes à retardement » et qu'il faut veiller sur eux, car les laisser là-bas, c'est prendre le risque que, un jour, ils reviennent ici pour commettre des abominations.
Nous avons ensuite un devoir de vigilance, évidemment, dans le cadre d'un suivi pluridisciplinaire, à la fois psychologique, psychiatrique et éducatif.
M. Stéphane Ravier. Sandrine Rousseau, sors de ce corps !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne pense pas que nous ayons bougé d'un millimètre. D'ailleurs, je me suis longuement exprimé sur cette question voilà quelques jours devant la commission des lois du Sénat.
M. le président Buffet a dit de mon intervention – j'en rosis encore ! (Sourires.) – qu'elle était claire et précise. Si vous souhaitez davantage de renseignements, je vous suggère donc, monsieur Karoutchi, de la lire !
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, si ces femmes demandent à revenir, c'est parce que nous ne les avons pas déchues de la nationalité française (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.), contrairement à ce qu'a fait le Royaume-Uni avec les djihadistes. Aujourd'hui, cela permet à ce pays de ne pas récupérer les gens retenus en Syrie.
Je me permets de vous rappeler également que, lorsqu'elle était garde des sceaux en 2019 et 2020, Nicole Belloubet nous avait dit ici même que la France préférait que les jugements aient lieu en Irak, dans des tribunaux mixtes, et que, puisque cela n'était pas faisable dans tous les cas, la France ferait du cas par cas et ne ferait revenir que des gens ne présentant aucune dangerosité.
(M. Pierre Laurent s'exclame.)
Je vous rappelle que c'est Donald Trump qui avait demandé à la France et à l'Europe de rapatrier les épouses des djihadistes. À l'époque, le président Macron avait répondu qu'il n'en était pas question, que c'était beaucoup trop dangereux pour la sécurité des Français.
En termes de sécurité, en quoi la situation des Français de 2022 est-elle différente de celle de 2019 ?
Monsieur le garde des sceaux, il est positif que la justice s'occupe des femmes qui reviennent, mais vous savez très bien que la plupart d'entre elles ont continué dans les camps de détention en Syrie à vanter sur les réseaux sociaux les mérites de Daech et des attentats et à se targuer de continuer la lutte des djihadistes en France et ailleurs. Voilà qui nous avons fait rentrer ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
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