M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la Première ministre, cette question vous était adressée, car elle concerne plusieurs membres de votre Gouvernement. Je constate qu'il a été choisi, pour me répondre, un ministre n'ayant pas assisté au débat dont il va être question…
Un de nos illustres prédécesseurs sur ces travées a écrit : « La forme, c'est le fond qui remonte à la surface. » J'articulerai donc ma question en deux temps.
La forme, tout d'abord.
Comment pouvez-vous oser reprendre, dans un texte adopté par l'intermédiaire de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, une disposition rejetée par les deux assemblées, une première fois à l'Assemblée nationale, une deuxième fois au Sénat ? Cette disposition, qui concerne les pactes de confiance faisant suite au contrat de Cahors, a d'ailleurs été déposée en catimini : elle ne figurait pas dans les amendements retenus dans la première version du projet de loi de finances ; elle a été intégrée dans le texte consolidé envoyé, le jeudi matin, aux assemblées.
M. Loïc Hervé. Elle a raison !
Mme Christine Lavarde. J'en arrive ainsi au fond.
Madame la Première ministre, une fois que le Sénat aura supprimé cette disposition lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, celle-ci sera-t-elle réintégrée par l'usage qui sera de nouveau fait, à l'Assemblée nationale, de l'article 49.3 ?
(Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. De quoi parlons-nous ici, mesdames, messieurs les sénateurs ? Je pense, madame la sénatrice Lavarde, que vous faites référence à l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et à un processus législatif que je souhaite reprendre brièvement ici.
Au début de ce quinquennat, la Première ministre a souhaité que les relations que nous allions engager avec les associations d'élus changent de nature.
M. Vincent Éblé. C'est raté !
M. Christophe Béchu, ministre. Cela a donné lieu à l'élaboration d'une rédaction initiale. Le dispositif pressenti tournait effectivement le dos aux contrats de Cahors, qui supposaient des engagements individuels en préfecture avec des trajectoires assorties de sanctions très automatisées, pour aboutir à un schéma salué comme une évolution des mécanismes de dialogue, certes pas par toutes les associations d'élus, mais par certaines d'entre elles – je pense, en particulier, à Intercommunalités de France et l'Assemblée des départements de France (ADF). L'idée était d'arrêter un objectif global de dépenses publiques dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques et de regarder les résultats par strate de collectivités locales, une fois clos les comptes administratifs de l'année 2023. On rechercherait ensuite, seulement en cas de dépassement sur la strate, les collectivités qui dépassent l'objectif.
Le problème, c'est que ce dispositif, dont nous avons besoin pour crédibiliser la trajectoire des finances publiques de la France,…
M. Jean-François Husson. C'est faux !
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous ne disiez pas cela quand vous étiez maire d'Angers !
M. Christophe Béchu, ministre. … a été écarté dans le cadre de la discussion sur la loi de programmation des finances publiques. Il a donc été décidé de réintroduire, dans le PLF, les articles dont nous avions besoin pour assurer cette crédibilité. Très concrètement, c'est aussi une façon de provoquer de nouveau le dialogue…
(Vives exclamations.)
M. Vincent Éblé. C'est de la provocation !
M. Roger Karoutchi. Bravo !
M. Christophe Béchu, ministre. On ne peut pas écarter d'un revers de main…
(Nouvelles exclamations.)
J'ose espérer, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce n'est pas là la nature du dialogue que vous souhaiterez avoir quand nous entrerons dans le détail de ces articles. Le Gouvernement est prêt à discuter sur le sujet (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.), mais il considère que trouver la voie d'un compromis autour des finances, à la fois, des collectivités locales et de l'État nécessite précisément un travail de coconstruction. Balayer cela d'un revers de main…
M. Jean-François Husson. Balayez devant votre porte !
M. Christophe Béchu, ministre. … ne peut être une attitude responsable.
(Huées sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Je souhaite juste revenir sur cette histoire de crédibilité de la trajectoire des finances publiques.
Les administrations publiques locales (Apul) représentent 9 % de la dette publique, monsieur le ministre. Elles sont en excédent et ont permis de dégager, sur la période allant de 2018 à 2021, des économies de 11 milliards d'euros par rapport au tendanciel, et ce en dépit de l'ajournement des contrats de Cahors.
Que dire de cette crédibilité, si l'on se réfère à ces propos du ministre Gabriel Attal ? « Si on veut contenir l'évolution de la dépense publique des collectivités territoriales, disait-il, il faut prévoir un mécanisme d'encadrement, c'est une question de crédibilité. » Pourquoi, alors, parlez-vous de « contrats de confiance » ?
Pardonnez-moi de vous citer aussi, monsieur le ministre Béchu. Au mois de juin, sur Public Sénat, vous indiquiez : « Il est certain qu'on ne repartira pas sur les bases d'un contrat de Cahors qui consisterait à dire qu'il y a un pourcentage d'inflation à ne pas dépasser ».
M. Jean-François Husson. Voilà !
M. Michel Savin. Et alors, monsieur le ministre ?
Mme Christine Lavarde. Vous avez récidivé au début du mois de juillet, lors de l'inauguration des nouveaux locaux de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). « Il va de soi, avez-vous expliqué, que l'idée de penser que l'on va faire dans ce quinquennat la même chose que ce que l'on a fait dans le précédent, avec un contrat de Cahors, des objectifs, etc., n'existe pas. »
Mme Cécile Cukierman. C'est pire !
Mme Christine Lavarde. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais c'est exactement la même chose que l'on nous propose ! C'était même pire dans la version initiale, puisque vous encadriez les dépenses de fonctionnement et veniez reprendre des dotations de l'État pour l'investissement des collectivités territoriales.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Christine Lavarde. Vous mettiez même à mal le financement de la transition ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.