M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Madame la Première ministre, les savoirs techniques et manuels sont essentiels à notre quotidien et à la réussite collective de notre pays. Pourtant, lors de sa présentation de la réforme de la voie professionnelle, en septembre dernier, le Président de la République a fait savoir qu'il entendait réduire le nombre d'heures consacrées aux savoirs fondamentaux dans les lycées professionnels.
Cela n'est pas sérieux. J'en veux pour preuve qu'en dix ans presque 1 400 heures d'enseignement ont été supprimées ; il reste aujourd'hui moins de 2 heures de français par semaine pour les élèves qui préparent un baccalauréat professionnel. Les heures d'enseignements fondent en réalité comme neige au soleil.
Les jeunes sont poussés de plus en plus tôt dans les bras du marché du travail, au détriment de leur ouverture culturelle et de leur émancipation. Le manutentionnaire n'aurait pas besoin de trop d'éloquence pour la basse besogne ! Peu importe si cela le met en difficulté pour défendre ses droits ou changer de carrière. Un ouvrier n'est pas fait pour devenir poète ou encore professeur ! Du reste, c'est bien connu, s'il veut s'insurger, il aura la grève ou l'abstention !
Madame la Première ministre, les inégalités commencent dès la naissance ; avec cette réforme, vous les accentuez. Pis, vous renoncez à déjouer les pronostics, ce qui est pourtant au cœur du pacte républicain.
On ne choisit pas toujours d'où l'on vient ni le métier que l'on exerce, mais, une chose est sûre : l'école est faite pour donner à tous ses élèves une formation suffisamment qualifiante pour avoir le choix de partir afin de pouvoir rebondir.
Finalement, cette réforme suit la même logique que votre réforme de l'assurance chômage, selon laquelle le travailleur doit se soumettre au marché du travail ; son émancipation, ce sera pour plus tard !
Ma question est assez simple : que comptez-vous faire pour sécuriser le parcours de vie de notre jeunesse qui est en lycée professionnel ?
(Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Cardon, c'est la première fois, je crois, qu'un Président de la République porte aussi haut les valeurs de la voie professionnelle et place le lycée professionnel au cœur de son engagement de campagne et de ses politiques publiques.
(Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Tout doit être entrepris, au fond, pour faire réussir la jeunesse ! Alors qu'un tiers des lycéens passent par la voie professionnelle, nous devons accompagner l'évolution de cette voie pour qu'elle mette l'ensemble de ces jeunes en situation de réussite.
Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, notre défi est de mettre partout en place – dans tous nos territoires et dans tous les lycées professionnels – le pacte républicain,…
M. Pierre Ouzoulias. Il est trahi !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. … promesse que nous devons leur faire, afin de les accompagner, en tant que citoyens, pour qu'ils puissent grandir, parfaire leur éducation et devenir des citoyens éclairés qui s'engageront dans une voie professionnelle et afin de les préparer également à réussir leur insertion professionnelle.
C'est tout le défi de cette réforme de l'enseignement professionnel, qui vise à accompagner les savoirs fondamentaux – vous les avez évoqués. Comme l'ont réaffirmé à plusieurs reprises M. le Président de la République et Mme la Première ministre, nous souhaitons préserver les savoirs fondamentaux et accompagner ces élèves, souvent plus fragiles, dans leur apprentissage, car ils sont essentiels pour la citoyenneté, mais nous souhaitons également leur donner tous les moyens pour qu'ils puissent réussir leur insertion professionnelle.
Aujourd'hui, je tiens à le rappeler, l'insertion professionnelle ne concerne qu'un élève diplômé sur deux, deux ans après l'obtention du diplôme et hors poursuite d'études. Ce résultat n'est évidemment pas le fait des enseignants, qui sont pris dans un système. Il est toutefois de notre responsabilité collective d'accompagner ce changement de système pour que nous donnions tous les moyens aux enseignants d'accompagner les élèves et de les mettre pleinement en situation de réussite.
(M. François Patriat applaudit. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, je ne suis pas surpris de votre réponse, qui conforte même mon propos !
Ce gouvernement est un spécialiste des slogans : « Notre école, faisons-la ensemble », « Ensemble, construisons le lycée professionnel de demain ». Chiche !
Madame la ministre, chez moi, il y a les « faiseux » et les « diseux ». Les Français vous demandent tout simplement d'être des faiseux afin de construire une véritable concertation pour sauver le lycée professionnel, et non l'inverse ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
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