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Hervé Marseille
Question d'actualité au gouvernement N° 97 au Première Ministère


Politique européenne de l'immigration

Question soumise le 17 novembre 2022

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.
(Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Valérie Boyer applaudit également.)

M. Hervé Marseille. Madame la Première ministre, un bateau, l'Ocean Viking, a été autorisé à accoster à Toulon il y a quelques jours. Il transportait des migrants – hommes, femmes, enfants. Cette situation a occasionné des débats parfois vifs, souvent passionnés, s'agissant d'un problème extrêmement grave, mais aussi très complexe.

Ma première question est la suivante : quelle est la doctrine de notre pays ? Est-ce celle qui a été exprimée par M. le Président de la République en 2018 ou est-ce celle de la jurisprudence Toulon 2022 ?

Par ailleurs, nos frontières sont essentiellement européennes. La crise migratoire touche à nos sociétés ; c'est un sujet qui constitue une affaire incandescente pour toutes nos sociétés européennes.

Les systèmes que l'Union européenne a essayé de mettre en place, qu'il s'agisse du pacte sur la migration et l'asile ou du mécanisme volontaire de contributions de solidarité, ne fonctionnent pas ou fonctionnent très mal. Nous discutons de moins en moins avec nos amis au sein de l'Europe : nous nous éloignons de l'Europe, nous donnons beaucoup de leçons de morale aux dirigeants hongrois ou polonais, nous menaçons maintenant les dirigeants italiens. À l'extérieur, nous sommes en froid avec nos amis marocains et nous avons des relations polaires avec beaucoup de pays africains.

Ma seconde question est donc la suivante, madame la Première ministre : quelle initiative compte prendre votre gouvernement pour renouer le dialogue et essayer de trouver des solutions en Europe, afin de mettre en place des dispositifs efficaces ? La crise migratoire est une impasse qui nourrit les populismes et je ne souhaiterais pas voir mon pays doté d'un gouvernement comme celui de la Suède ou de l'Italie.
(Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Réponse émise le 17 novembre 2022

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Hervé Marseille, depuis plusieurs années, les questions migratoires sont au cœur de l'agenda européen. Malgré ses dangers, la Méditerranée centrale reste la voie la plus empruntée pour rejoindre l'Union européenne.

Ces derniers jours, nous avons dû faire face à l'urgence : après trois semaines, la situation à bord de l'Ocean Vikingdevenait très préoccupante et appelait une prise en charge rapide. Dans ces circonstances, nous avons assumé pleinement notre devoir humanitaire.
(Marques de satisfaction sur les travées du groupe RDPI.)

Toutefois, je vous le confirme, monsieur le sénateur, la France ne dévie pas d'une approche qui repose sur deux principes essentiels : l'humanité et la fermeté. Des mesures exceptionnelles ont été prises pour mettre en sécurité ces personnes, assurer le traitement le plus rapide possible des demandes d'asile et la reconduite de ceux qui ne relèvent pas de l'asile.
(Mme Jacqueline Eustache-Brinio s'exclame.)

Nous avons constaté que la solidarité européenne a été au rendez-vous, puisque onze pays européens ont accepté d'accueillir des migrants de l'Ocean Vikinget je voudrais devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de nouveau les remercier. Je veux saluer l'engagement de nos services publics, qui sont pleinement mobilisés pour apporter une réponse digne à ces situations humaines : le secrétariat général de la mer, la marine nationale, les préfets, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la justice. Je veux enfin rendre hommage au travail de la Croix-Rouge française, qui a assumé les premières prises en charge.

Notre responsabilité collective est de prévenir le renouvellement de telles situations. Ma conviction, c'est que la réponse ne saurait être seulement nationale, mais doit être aussi européenne.

Européenne, d'abord, parce qu'un pays ne peut trouver seul les solutions à ces flux migratoires.

Européenne, ensuite, parce que nous partageons un même espace, l'espace Schengen. Par conséquent, ce qui se passe à un endroit de cet espace nous concerne tous.

Européenne, enfin, pour assurer le respect de deux principes cardinaux en la matière : la responsabilité et la solidarité. Cela suppose un cadre européen, avec des règles qui s'imposent à tous, et le respect des obligations internationales comme l'obligation du port sûr le plus proche. Force est de constater que l'Italie n'a respecté ni l'un ni l'autre.

Concrètement, dans ce contexte, nous souhaitons agir dans trois directions principales.

D'abord, la prévention des départs irréguliers en provenance d'Afrique du Nord. Cela passe par un renforcement des capacités maritimes des pays de départ et une plus grande efficacité collective en matière de réadmission des migrants en situation irrégulière.

Ensuite, la reprise des travaux sur les relations avec les organisations non gouvernementales (ONG) impliquées dans le secours en mer en Méditerranée. Ces ONG sauvent des vies, accomplissent un travail important, mais une coopération plus fluide et plus transparente avec les pouvoirs publics est indispensable.

Enfin, l'actualité confirme s'il en était besoin la nécessité d'avancer au plus vite sur la finalisation du pacte européen sur la migration et l'asile. Nous en avons fait une priorité lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et nous avons pu obtenir des avancées majeures. La présidence tchèque poursuit des discussions et nous souhaitons qu'un accord avec le Parlement européen puisse être rapidement trouvé sur ces sujets.

En conclusion, nous sommes convaincus que ces enjeux requièrent une discussion politique. C'est pourquoi nous soutenons l'idée que soit rapidement convoqué à Bruxelles un conseil extraordinaire des ministres de l'intérieur afin d'examiner les réponses concrètes qui peuvent être rapidement apportées pour traiter le sujet dans toutes ses dimensions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Annick Jacquemet applaudit également.)

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