M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans quatre jours démarrera la coupe du monde de football, que nous pourrions appeler la coupe du monde de la honte. Jamais une coupe du monde n'aura suscité autant de malaises : corruption, désastres environnementaux, droits humains bafoués.
Je ne m'attarderai pas sur le premier point, la justice finira bien par s'exprimer sur les conditions d'attribution.
Au-delà de ces conditions, il s'agit d'une honte écologique. En plus de la climatisation des stades en plein désert, nous savons que ce ne sont pas moins de 160 vols quotidiens qui achemineront les supporters jusqu'à leurs hôtels.
C'est une honte aussi pour les droits des femmes, des LGBTQI+, des minorités.
Enfin, plus que d'une honte, il s'agit d'une catastrophe humaine. Les travaux pharaoniques ont mobilisé des milliers de travailleurs migrants. Exploités, ils ont bâti les stades dans des conditions insupportables : 6 500 d'entre eux y ont d'ailleurs laissé la vie.
Alors que cet événement aurait dû être une fête populaire qui rassemble les peuples autour d'un sport, il se révèle un véritable désastre.
Un tel scénario ne peut plus, ne doit plus se reproduire, que cela soit pour le football ou pour d'autres événements sportifs comme les jeux asiatiques d'hiver de 2029 qui auront lieu en Arabie Saoudite… dans une région où l'on compte deux jours d'enneigement par an !
Aussi, madame la ministre, ne pensez-vous pas opportun que la France agisse pour la création d'une agence internationale chargée de contrôler l'attribution, mais également d'assurer le suivi des grands événements sportifs selon des critères de droits humains, sociaux et environnementaux ?
(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – MM. Loïc Hervé et Michel Savin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Bacchi, la coupe du monde démarre en effet dimanche prochain et nos joueurs s'y préparent dur et depuis longtemps.
La France ne boycottera pas cette compétition, comme aucun de ses partenaires d'ailleurs, et j'irai pour ma part soutenir l'équipe de France – c'est mon rôle de ministre des sports.
(Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Fabien Gay. Quelle honte !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Quelque 10 000 de nos compatriotes ont également prévu de se rendre là-bas pour encourager l'équipe de France. Ils seront protégés par nos gendarmes et policiers français.
Nous croyons en la force de l'action diplomatique et la France œuvre de manière continue par tous les canaux pour que, tant sur le sujet des droits humains que sur la question écologique, le Qatar non seulement consolide ses avancées qui sont d'ailleurs reconnues par l'Organisation internationale du travail (OIT) ou par l'ONG Amnesty International, mais surtout les amplifie.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Sur l'importante question des travailleurs migrants, le Qatar a indiqué qu'un fonds d'indemnisation existait déjà et qu'il était disposé à le mobiliser.
M. Hussein Bourgi. Vous y croyez vraiment ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. De mon côté, j'ai invité la Fédération internationale de football association (Fifa) à travailler à la mise en place d'une contribution financière au titre de l'héritage de la compétition pour l'indemnisation des familles et des travailleurs.
(Mêmes mouvements.)
La Fifa a elle-même indiqué qu'elle s'associerait avec de nombreuses organisations internationales pour mettre en avant de grandes causes comme la lutte contre les discriminations, le développement durable, l'éducation, la santé.
M. Hussein Bourgi. Arrêtez de lire vos fiches !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. La Fédération française de football (FFF), en suivi de mes demandes d'exemplarité, a pris elle-même des mesures pour s'assurer du respect des conditions de travail sur le camp de base de l'équipe de France.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Fabien Gay. Ce n'est pas possible, ça !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Vous avez vu la lettre des Bleus qui ont souhaité rappeler leur attachement au respect de tous les droits humains et s'engagent à soutenir des ONG qui œuvrent pour leur protection au travers de leurs fonds de dotation Génération 2018.
Monsieur le sénateur, vous avez raison : au-delà, ce Mondial doit nous amener collectivement à une plus grande responsabilité sociétale et à nous interroger sur le modèle des grands événements sportifs internationaux que nous souhaitons, ainsi que sur leur empreinte écologique.
À cet égard, la Fifa est consciente de cette nécessité pour l'attribution des prochains Mondiaux de football.
M. Fabien Gay. C'est ça…
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. À l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous montrerons aussi la voie.
Vous le voyez, par-delà les polémiques, chacun s'engage dans la voie du nécessaire progrès.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.
M. Jérémy Bacchi. Madame la ministre, je vous ai demandé si la France allait jouer un rôle en faveur de la création d'une agence internationale, ce qui serait une bonne chose. Vous n'y avez pas répondu, j'en suis désolé.
Que les joueurs ne prennent pas de décision politique, ce n'est pas grave ! Leur rôle, c'est de jouer au football.
Que les supporters ne prennent pas d'acte politique, ce n'est pas grave ! Leur rôle, c'est d'encourager leur équipe.
En revanche, que le Gouvernement ne prenne pas la mesure des choses, c'est plus regrettable !
Il n'est pas encore trop tard, madame la ministre. Nous pouvons marquer notre attachement aux droits humains et environnementaux par exemple par le port d'une tenue lors de l'entraînement d'avant-match, nous qui sommes, paraît-il, la nation des droits de l'homme.
(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
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