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Jean-Pierre Sueur
Question d'actualité au gouvernement N° 142 au Ministère de la justice


Surpopulation carcérale

Question soumise le 8 décembre 2022

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, la surpopulation dans les prisons a atteint un niveau que nous n'avions jamais connu. Aujourd'hui, 1 350 personnes dorment sur des matelas au sol dans des cellules abritant trois détenus. La situation est telle que la France a été condamnée pour ses conditions indignes de détention par la Cour européenne des droits de l'homme.

Ma question est très simple, monsieur le garde des sceaux : qu'allez-vous faire, quant à cette situation, dans les mois qui viennent ?
(Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

Réponse émise le 8 décembre 2022

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Sueur, ce n'est pas la première fois que vous me posez cette question.

D'abord, je voudrais faire remarquer que cette surpopulation carcérale démontre que ni la politique pénale que je conduis, sous l'égide de Mme la Première ministre, ni la justice, contrairement à ce que certains répètent en permanence, ne sont laxistes.

Ensuite, comme vous le savez, vous n'êtes pas le seul à être préoccupé par cette question. J'ai ainsi très fortement soutenu la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, issue d'une proposition du président de votre commission des lois, M. François-Noël Buffet.

Alors, de quels leviers disposons-nous ?

À vrai dire, c'est une gageure que de répondre à une question aussi complexe en deux minutes, mais je vais m'y employer.

Le premier levier, c'est la rénovation. À cet égard, je voudrais vous rappeler, sans triomphalisme, que vous ne consacriez que 70 millions d'euros par an aux rénovations de prisons ; pour notre part, nous y consacrons plus de 170 millions d'euros chaque année.

Le deuxième, c'est la construction de places de prison : 15 000 places seront construites. Nous en aurons la moitié en 2024 et, je vous le dis, nous continuons dans cette voie.

Ensuite, il convient bien sûr de rappeler aux procureurs généraux le « bloc peines » issu de la loi du 23 mars 2019 – je le fais, bien sûr, dans toutes les circulaires que je leur adresse –, mais aussi de développer les peines alternatives, notamment le travail d'intérêt général, et de lutter contre la récidive. Hier, avec le sénateur Hussein Bourgi, nous avons inauguré une structure d'accompagnement vers la sortie (SAS), type d'établissement pénitentiaire qui permet d'éviter la récidive.

Le dernier levier, c'est, bien sûr, la prévention. Ce matin, j'ai reçu la délégation sénatoriale aux droits des femmes, qui m'a remis son rapport absolument extraordinaire sur la pornographie.
(Mme Nassimah Dindar applaudit.)

Ce rapport a le mérite de placer ce sujet dans le débat public. Des enfants de 11 ans – c'est la moyenne d'âge de la première exposition – ont accès librement à la pornographie !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quel est le rapport ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Eh bien, lutter efficacement contre cela, c'est naturellement lutter contre la délinquance et c'est aussi régler la question de la surpopulation carcérale !
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, je ne vous interrogeais pas sur la pornographie, bien que celle-ci soit un réel fléau…
(Rires et applaudissements sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

Monsieur le garde des sceaux, j'espère que vous avez lu le rapport du comité des États généraux de la justice, qui vous a été remis par M. Jean-Marc Sauvé.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien sûr, je l'ai lu !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous lirez dans ce rapport que si, depuis trente ans, on construit des prisons, la surpopulation ne décroît pas pour autant. Selon M. Sauvé, la réponse n'est pas là : elle est dans ce qu'il nomme une « régulation ».

Simplement, cette régulation, il faut la penser, par une réflexion avec l'ensemble des acteurs concernés. Nous aimerions donc que vous vous penchiez sur la mise en œuvre de cette régulation, ce que, pour le moment, vous ne faites pas.

Vous dites, comme toujours, que c'est « la faute à avant » – on connaît la chanson – et qu'il faut des peines alternatives, des peines aménagées, etc. Mais on ne sent pas chez vous de volonté de répondre au jugement qui condamne la France parce que l'indignité est réelle dans un certain nombre de nos prisons : la surpopulation atteint 150 % dans trente-six d'entre elles !

Or si l'on n'agit pas fortement dans ce sens, on ne préparera pas la réinsertion, car cet état d'indignité dans les prisons, c'est justement ce qui fait qu'il n'y a pas de réinsertion, donc qu'il y a de la récidive ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

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