M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'objectif ambitieux du « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols fixé à l'horizon 2050 par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience (dite loi climat et résilience), auquel on ne peut que souscrire mais dont certaines conséquences doivent être revues.
Il s'agit de réduire le rythme d'artificialisation pour les dix prochaines années permettant de répondre aux enjeux environnementaux auxquels nous sommes confrontés.
Cependant, le Gouvernement a opté pour une organisation confiant aux régions le soin de fixer des objectifs de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers (ENAF) à son échelle.
Le cadre de définition de cette nouvelle règle d'urbanisme et son niveau de gestion risquent de léser gravement les communes rurales, alors même qu'elles ont été peu consommatrices par le passé de foncier et qu'elles doivent faire face à l'accueil de nouvelles populations et travailler au développement de leur territoire.
C'est pourquoi, même s'il y a lieu de maîtriser l'artificialisation des sols, il y a lieu aujourd'hui également d'entendre nos collectivités qui contestent sa mise en œuvre. Les délais fixés, relativement contraints, ne laissent pas suffisamment de place au dialogue, à l'interaction et à la coconstruction. De plus, elle n'apporte aucune garantie sur la possibilité offerte à des territoires peu consommateurs de foncier par le passé qu'ils bénéficieront du foncier nécessaire à leur développement et à l'accueil de population.
Il lui demande donc quels aménagements il compte mettre en œuvre pour que la réalisation de cet objectif puisse se concrétiser sans pénaliser les territoires et si un report pourrait être envisagé.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 289, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Patrice Joly. Madame la ministre, si nous partageons l'objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols fixé à l'horizon 2050 et celui, intermédiaire, de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2030, des points de crispation demeurent tant sur la méthode employée que sur le fond du dispositif.
Le Gouvernement a confié aux régions le soin de mettre en œuvre cette nouvelle règle d'urbanisme ; son niveau de gestion réduit considérablement le rôle des élus locaux qui deviennent ainsi de simples exécutants devant se conformer à l'interprétation contraignante des règles. Je partage leurs inquiétudes de se voir déposséder d'une telle mission dans la gestion des espaces à aménager, alors même que ces élus de proximité, proches du terrain, disposent d'une connaissance fine des réalités locales et de leurs enjeux.
Car le cœur du problème se trouve au niveau communal : comment justifier que des communes rurales soient évincées de la démarche, alors même qu'elles ont été, par le passé, peu consommatrices de foncier, qu'elles doivent faire face à l'accueil de nouvelles populations et travailler au développement de leur territoire ?
Sur le déploiement et la temporalité du dispositif, il y a lieu de noter les délais fixés, relativement contraints, qui ne laissent pas suffisamment de place au dialogue, à l'interaction et à la coconstruction.
En effet, le conseil régional assure le pilotage du ZAN avec comme principal interlocuteur la conférence des schémas de cohérence territoriale (Scot). Or on ne peut ignorer que de nombreux départements restent totalement ou partiellement dépourvus de Scot, d'où l'absence d'élus siégeant à la conférence régionale des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires
(Sraddet).
Aussi, madame la ministre, pour rassurer les élus locaux des territoires ruraux, pouvez-vous m'indiquer les garanties que vous comptez apporter à des territoires peu consommateurs de foncier par le passé afin qu'ils puissent bénéficier du foncier nécessaire à leur développement et à l'accueil de populations ?
Quels aménagements entendez-vous mettre en œuvre pour que la réalisation de cet objectif puisse se concrétiser sans pénaliser les territoires ruraux ?
Enfin, avec mes collègues du groupe socialiste, nous nous sommes positionnés en faveur du report de la première étape de réalisation de l'objectif fixé à 2030. Quelle est votre position quant à cette demande ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.
Chaque année, ce sont en moyenne 20 000 hectares d'espaces agricoles, naturels et forestiers qui sont consommés en France. La lutte contre l'artificialisation est un enjeu majeur pour préserver les sols, la biodiversité et l'activité agricole.
La France s'est donc fixé l'objectif d'atteindre le zéro artificialisation nette des sols en 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, donc à l'horizon 2030, comme vous l'avez indiqué.
Tous les territoires sont concernés, y compris les territoires ruraux. Sur la dernière décennie, la consommation d'espaces est d'ailleurs majoritairement, à hauteur de 61 %, localisée sur les territoires détendus, plus particulièrement en périurbain peu dense à très peu dense.
Tous les territoires doivent donc contribuer à l'atteinte de cet objectif, même si la loi prévoit que leur effort sera modulé en fonction de leurs besoins spécifiques.
Cette trajectoire progressive est à décliner dans les documents de planification et d'urbanisme : d'ici au 22 février 2024 pour les Sraddet, au 22 août 2026 pour les Scot et au 22 août 2027 pour les plans locaux d'urbanisme
(PLU).
Une nouvelle extension des délais n'est pas, pour l'instant, à l'ordre du jour.
La territorialisation de la trajectoire ZAN devra moduler le rythme d'artificialisation des sols en tenant compte des besoins et des enjeux locaux : dynamiques démographiques et économiques, équilibre du territoire. Cette dernière dimension comprend la question du désenclavement rural, et il est clair que nous pourrons donc continuer à construire dans ces territoires.
Néanmoins, et pour rassurer les élus quant à la bonne prise en compte de cet enjeu, la Première ministre, en clôture du Congrès des maires, a formulé plusieurs annonces dans le prolongement de discussions que nous avons eues avec les associations d'élus et les parlementaires.
Elle s'est notamment engagée à étudier des pistes en vue de garantir que toutes les communes rurales puissent bénéficier de possibilités de construction, en particulier lorsqu'elles ont peu construit par le passé.
Elle s'est aussi engagée à permettre la contractualisation entre l'État et le bloc communal en cas de blocage au niveau des territoires pour trouver des solutions et parvenir à un équilibre entre développement de projets d'intérêt majeur et sobriété foncière.
En revanche, le Gouvernement n'a pas prévu, à ce stade, de modifier le calendrier prévu pour les Sraddet et les autres documents d'urbanisme, même si nous cherchons à laisser le plus de temps possible à la concertation.
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