M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
Mme Émilienne Poumirol. La pénurie de médicaments, sujet quasi inexistant dans les années 2010, devient un problème majeur de sécurité et de souveraineté nationales, avec une aggravation des tensions depuis la crise covid.
En 2023, nous dépendons encore et toujours de l'Inde et de la Chine en particulier, à qui nous achetons plus de 80 % des matières premières. Moins de 40 % des médicaments sont fabriqués en Europe.
Pourtant, dans le monde d'après, tout devait être différent, le président Macron nous l'avait assuré : la France allait retrouver sa souveraineté industrielle.
Or les pénuries et les tensions n'ont jamais été aussi fortes, en particulier sur les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. À l'hôpital, certains anticancéreux ou immunosuppresseurs utilisés pour les greffes du rein, par exemple, manquent, obligeant à choisir les patients pouvant en bénéficier.
C'est une perte de chances inadmissible.
D'autres pénuries de médicaments aussi courants que le paracétamol ou l'amoxicilline obligent les pharmaciens à délivrer les boîtes au compte-gouttes.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quelle est votre stratégie pour retrouver une production en France, ou au moins en Europe ?
(Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Poumirol, je souscris en partie à votre diagnostic, mais je vais préciser les choses.
Les deux années de crise sanitaire que nous avons traversées ont bouleversé notre consommation, entraînant à la clé des difficultés d'anticipation des volumes de production par les industriels.
En parallèle, nous constatons une forte reprise de la consommation – 13 % de hausse en France, pour le paracétamol ; la Chine est aussi concernée. La situation ne concerne donc pas que la France ou l'Europe : elle est mondiale.
Notre système d'alerte nous permet d'anticiper cette situation, grâce au suivi de nos stocks stratégiques. Je comprends l'inquiétude de ceux qui cherchent leurs médicaments en pharmacie, tout en étant conscient de la mobilisation remarquable des pharmaciens pour trouver les produits.
Face à ce diagnostic, nous avons mis en place un traitement. Nous avons agi tôt : nous interdisons les exportations – ce qui est en France reste en France –, nous contingentons les stocks et les adaptons pour une répartition homogène sur l'ensemble du territoire, nous échangeons avec les laboratoires concernés pour prioriser certaines formes de médicaments, nous avons autorisé la reproduction d'amoxicilline par des laboratoires en France, nous adaptons la dispensation en officine aux justes besoins des patients, et nous travaillons avec les professionnels sur les alternatives thérapeutiques.
Outre ces actions immédiates, nous allons plus loin dans la reconstruction de notre souveraineté industrielle, mais cela prendra du temps. La France investit massivement, depuis plus d'un an, dans le cadre de France Relance et de France 2030. Des projets concrets de relocalisation voient le jour, avec le projet Seqens pour le paracétamol, mais aussi des masques, des gants en nitrile, ou encore, à Arras, une usine de production de médicaments à partir de plasma sanguin.
Oui, nous sommes sur la bonne voie pour regagner notre souveraineté sur les médicaments. En attendant, nous faisons le maximum pour que tous les Français aient les traitements qui leur sont nécessaires.
(Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, il ne faut pas se cacher derrière la crise. Les mesures que vous indiquez ne relèvent que de la gestion de la pénurie. Notre groupe propose pourtant depuis plusieurs années, dans le cadre de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), plusieurs solutions, à commencer par le renforcement des capacités publiques de production, avec les pharmacies centrales des hôpitaux, celle des armées et la réquisition d'entreprises.
Il faut, surtout, un plan concerté de réindustrialisation, en France et en Europe. Les industriels arguent d'un prix trop bas des médicaments ? Jouons cartes sur table sur la fixation des prix, aujourd'hui protégée par le secret des affaires, pour que ceux-ci tiennent compte des aides publiques directes ou indirectes. La loi du marché et le libéralisme ne peuvent gouverner notre politique en matière de produits de santé, remboursés in finepar la sécurité sociale, donc par l'argent des contribuables.
Pour construire une véritable indépendance de la production, il faut une politique publique forte et volontariste ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
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