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Éliane Assassi
Question d'actualité au gouvernement N° 182 au Première Ministère


Réforme des retraites

Question soumise le 19 janvier 2023

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Madame la Première ministre, vous qualifiez votre projet de réforme des retraites de « juste », « solidaire » et « pérenne ». Telle n'est pourtant pas la réalité. Pourquoi ?

Votre projet est injuste, puisque vous portez la durée de cotisation à quarante-trois annuités et l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Ce sont principalement les ouvriers, les employés et les femmes qui seront pénalisés.

Votre projet est injuste, puisque les salariés les mieux rémunérés vont davantage capitaliser pour leur retraite tandis que la grande majorité des travailleurs ne pourront pas bénéficier du minimum de pension à 1 200 euros brut.

Votre projet est injuste, car vous allez appauvrir les seniors, qui seront plus longtemps au chômage et que vous avez précarisés à l'extrême.

Votre projet ne sera pas pérenne, car vous ne changez pas le logiciel du financement.

D'autres solutions existent pourtant : il suffirait, et ce n'est qu'un exemple, de taxer de 2 % la fortune des milliardaires.

Vous avez versé 160 milliards d'euros aux entreprises, sans contrepartie, pendant la crise du covid-19. Ce « quoi qu'il en coûte » ne peut-il être décidé pour garantir une réelle retraite, en bonne santé, une retraite sereine ? Il nous faut faire un choix de société, entre un monde de juste répartition des richesses, dans l'intérêt général, et un CAC 40 gorgé de dividendes.

Madame la Première ministre, vous avez choisi, alors qu'il n'y a pas d'urgence extrême, d'avoir recours à un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour restreindre les débats parlementaires à vingt jours à l'Assemblée nationale et à quinze jours au Sénat. Vous avez dégainé un « super 49.3 » ! Des voix s'élèvent pour souligner l'inconstitutionnalité de votre démarche.

Madame la Première ministre, c'est parce que cette réforme voulue par Emmanuel Macron est injuste et parce qu'elle frappe les plus faibles qu'elle est rejetée très massivement. Avec l'ensemble des syndicats, la société tout entière est vent debout contre votre projet. Seuls le Medef et M. Ciotti vous soutiennent encore.

Madame la Première ministre, nous relayons ici le vaste mouvement qui s'enclenche. Dès demain, le 19 janvier, nous serons dans la rue, avec le peuple, qui exige le retrait de votre projet !
(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Réponse émise le 19 janvier 2023

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la sénatrice Assassi, comme vous, je suis profondément attachée à notre système de retraite par répartition. Comme vous, je considère que c'est l'un des piliers de notre modèle social. Et – j'en suis sûre – comme vous, je veux que les jeunes d'aujourd'hui aient une retraite demain.

Mais, madame la sénatrice Assassi, nous sommes confrontés à des faits : le nombre d'actifs baisse par rapport au nombre de retraités. Ce n'est pas une opinion ; c'est un constat. Si nous ne faisions rien, nous creuserions inévitablement les déficits et nous serions conduits à baisser les pensions ou à augmenter les impôts, voire à remettre en cause notre système de retraite par répartition. Et cela, avec le Président de la République, nous n'en voulons pas !

C'est pourquoi j'ai présenté la semaine dernière notre projet pour l'avenir de nos retraites. C'est un projet d'équilibre : nous demandons aux Français qui le peuvent de travailler progressivement plus longtemps. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.) Et je mesure ce que cela représente pour beaucoup.

Je rappelle, madame la sénatrice, que l'allongement à quarante-trois annuités de la durée de cotisation a été voté en 2014 dans la réforme Touraine.
(Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous ne l'avons pas votée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous n'avons pas prévu d'aller au-delà des quarante-trois annuités de cotisation, mais c'est la condition pour préserver notre système de retraite par répartition.

Au-delà, nous avons construit, dans la concertation avec les organisations syndicales et patronales, avec les groupes politiques, un projet de justice et de progrès social.

Notre projet est un projet de justice. Nous allons ainsi améliorer le dispositif dit « carrière longue ». Celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront bénéficier d'un départ anticipé de deux ans à six ans avant l'âge légal de départ à la retraite.

Nous reconnaissons mieux la difficulté de certains métiers en prenant en compte de nouveaux facteurs d'usure professionnelle, en favorisant les départs anticipés pour raisons de santé, en prenant le tournant de la prévention et en facilitant les reconversions. Les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude pourront bénéficier d'une retraite à taux plein à 62 ans.

Au total, quatre Français sur dix, souvent les plus modestes, les plus fragiles, celles et ceux qui exercent des métiers difficiles, pourront partir avant 64 ans. Ce sont les 20 % de travailleurs les plus modestes qui auront le moins à décaler leur départ à la retraite.

Notre projet, madame la sénatrice, est aussi un projet de progrès social. (Rires sur les travées des groupes CRCE et SER.) Nous allons augmenter le montant minimal de la pension à 85 % du Smic net pour ceux qui ont une carrière complète au Smic. Cela représente une hausse de 100 euros par mois, dont bénéficieront dès cette année près de 2 millions de personnes, futurs et actuels retraités. C'est là une véritable avancée sociale.
(Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)

Madame la sénatrice Assassi, nous avons la responsabilité d'assurer l'avenir de notre système de retraite par répartition, parce que c'est lui qui protège les plus modestes. C'est grâce à lui que nous assurerons par la solidarité nationale une retraite digne à toutes celles et à tous ceux qui ont travaillé toute leur vie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

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